Hommage à David
St Eustache 27 juillet 2011
Emile Servan-Schreiber
Je ne vais pas vous parler de la vie de David, mais de sa mort. Car elle est en elle même une leçon de vie. Pendant treize mois, depuis le premier diagnostic de sa rechute jusqu’à sa mort, David s’est battu comme un taureau dans l’arène, avec autant de courage dans la bataille que de lucidité sur ses chances, quasi-nulles, de gagner, avec autant de détermination à vivre que d’humilité face à son destin. Quand, il y a cinq mois, la tumeur est réapparue malgré tous les douloureux traitements de pointe, il savait, nous savions tous, qu’il lui restait très peu de temps.
Cette ultime épreuve de la mort, il s’y est engagé complètement. Pour, fidèle à sa méthode, se donner le sentiment de prendre la main sur le mal, pour prendre le pouvoir au lieu de subir. Il a su ainsi profiter pleinement
des possibilités qu’offre cet étrange intervalle de vie que l’on sait être le dernier.
Alors que la tumeur progressait de jour en jour, en gourdissant ses membres un à un, affaiblissant sa voix jusqu’à un simple murmure, réduisant sa capacité de concentration à seulement quelques heures par jour, il a choisi de jeter ses ultimes forces physiques etcérébrales dans l’écriture d’un dernier livre. Ainsi, pour la troisième fois, il fit en sorte que son épreuve personnelle se transforme en une expérience positive et utile pour les autres.
Ce dernier opus fut arraché a la maladie, à la mortelle même, avec le succès que l’on sait. Ce formidable accueil du public, pour son livre le
plus personnel, l’a profondément gratifié. L’une des dernières choses qu’il ait fait l’effort de tenir dans sa main engourdie, quelques jours avant de mourir, a été le classement des livres de L’Express avec le sien
tout en haut. Cela lui donna le sentiment d’avoir, d’une certaine façon vaincu la maladie en l’empêchant de l’empêcher d’être encore utile.
Comme les deux précédents, ce livre est, pour ses lecteurs, un puissant médicament. Car, face à la mort, et jusqu’au bout de sa maladie, Dav
id est resté un médecin attentif aux autres.
Ceux d’entre nous qui ont eu la chance de prendre soin de lui ces derniers mois, de l’accompagner dans son calvaire, ont eu l’impression que c’est plutôt lui qui nous accompagnait, lui qui nous rassurait que tout allait bien se passer, lui qui faisait preuve d’une patience infinie face à nos maladresses, lui qui d’un doux regard reconnaissant dissipait toute la gêne que son état d’extrême dépendance aurait pu causer. Il prenait soin de nos âmes. Dans" On peut se dire au revoir plusieurs fois", David s’interroge sur sa réserve de courage et demande à ses proches de ne pas lui en vouloir s’il devait trembler au seuil de la mort.
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