Le 18 juin 1940, le général de Gaulle lance son célèbre appel à la Résistance sur les ondes de la BBC depuis Londres : refusant la capitulation de la France face à l’ennemi nazi, le général de Gaulle rejoint Londres afin d’y poursuivre le combat. Le 18 juin, il lance depuis la BBC son célèbre appel à continuer la lutte, acte fondateur de la France Libre : "Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas".
Que l'appel, le 18 juin 1940, de ce général inconnu au nom prédestiné ait ému, qu'il ait suscité chez certains un souffle d'espoir dans l'effondrement général qu'il ait stimulé des énergies, assez de témoignages l'attestent. L'Appel apportait une lueur, il exprimait une volonté française que rien n'avait abattu, qui maintenait, par la voix d'un seul, une tradition nationale, qui faisait le lien avec toute notre histoire. Pour certains il a suscité une indéfectible reconnaissance, alors même qu'ils ne se faisaient pas la même " idée de la France " que le général de Gaulle. Mais, comme devant la plupart des grands événements historiques, bien rares durent être ceux qui en devinèrent la portée.
Et de montrer que l'Appel du 18 Juin (mieux vaudrait dire : " l'ensemble des appels du général de Gaulle de juin 1940 ") aura été comme la pierre que lance un montagnard sur un névé : la surface neigeuse frémit à peine, et c'est ensuite, très lentement, qu'elle s'ébranle et glisse, en un mouvement qui lui-même s'étend et se propage jusqu'à entraîner un versant, jusqu'à provoquer une avalanche, tandis que le premier écho d'un faible choc devient un bruit assourdissant.
Le fait est que, si le 18 juin 1940 est devenu " le 18 JUIN ", ce ne fut pas du jour au lendemain. Combien de Français, même parmi les résistants précoces, même parmi les plus fervents gaullistes de France, connaissaient, quatre ans plus tard, au jour de leur libération, la date et le texte de l'Appel? Du moins ont-ils su très tôt que de Gaulle avait été le premier à exprimer le refus et à le faire savoir, grâce au miracle de la radio -et qu'il avait été apparemment le seul, puisque la brutalité de la défaite avait tétanisé les masses et que le gouvernement du Maréchal avait contraint au silence les rares protestataires potentiels. Ainsi la prise de conscience de ce que représentait le geste du général de Gaulle a sans aucun doute existé largement et précocement parmi les Français, même chez ceux qui n'étaient pas gaullistes. La manifestation étudiante du 11 novembre 1940 à l'Arc de Triomphe, précédée de deux gaules en est un premier et éclatant témoignage.
Les étapes suivantes sont connues. L'engagement de Français Libres sur tous les théâtres de combat, la gloire de Bir Hakeim, la création d'un Comité national, toutes nouvelles relayées et amplifiées par la BBC, puis, à partir de 1942 l'adhésion des mouvements de résistance, ont achevé de faire du général de Gaulle un symbole : à la fois symbole de l'esprit résistant et symbole, selon ses propres mots, de " l'honneur, [de] la raison [et de] l'intérêt national ". Avec l'occupation complète du territoire national qui transforme la France en protectorat de fait, et avec le STO, l'avalanche des refus s'amplifie. A mesure que s'affirment les chances de victoire alliée, le pronostic de Juin 40, même si l'on en connaît mal les attendus, fait figure de prophétie auto-réalisatrice. Juin 1940 avait été le point le plus bas de l'histoire française depuis les guerres de religion sinon depuis la Guerre de cent ans. La perspective change : Juin 1940 apparaît comme le début de la remontée. La libération de Paris et le sacre populaire du 25 août 1944 qui investit de Gaulle des Champs Elysées à Notre Dame achèvent de donner son sens au 18 Juin : L'aventure annoncée est devenue épopée ; l'épopée, complétée par " l'insurrection nationale ", s'intègre avec une sorte de perfection historique dans le passé français. Triomphe de l'intelligence et de l'énergie contre les forces du destin. La honte rachetée. Jubilation accrue par le contraste entre les épreuves endurées et l'apothéose nationale.
Mais il y a davantage dans le 18 Juin que le geste qui se révélera libérateur et fera du héros un symbole. L'Appel du 18 Juin a été, pour de Gaulle, source de légitimité.
La vertu de l'acte du 18 Juin et la multiplicité de ses prolongements suffiraient à expliquer que cette journée soit devenue en France, sinon fête nationale et jour férié, comme le 8 mai, le 14 juillet et le 11 novembre, à tout le moins journée culte. Cette promotion, qui implique la fixation de la mémoire collective sur un acte et un moment symboliques, il est remarquable qu'elle ne se soit pas faite plus spontanément qu'elle ne s'est faite immédiatement. Elle n'est pas davantage le produit d'une décision législative, comme les trois fêtes nationales. Elle a été l'œuvre méthodiquement poursuivie du général de Gaulle lui-même. La promotion du 18 Juin est un élément de la construction, très clairement voulue, du mythe de Gaulle par de Gaulle.
De l'Appel lui-même, d'abord, il a su faire un monument intangible. Si le texte en fut effectivement rédigé le 18 juin 1940, on sait depuis tout juste dix an qu'il ne fut pas diffusé tel, le gouvernement britannique lui ayant imposé de sensibles remaniements. Quant à l'appel complémentaire du 19 juin (" Au nom de la France, je déclare officiellement ce qui suit… "), on a, depuis moins de temps encore, les preuves qu'il ne fut jamais prononcé et qu'il ne fut d'ailleurs pas rédigé avant le 22 ou le 23 juin. Il n'importe. Le général de Gaulle obtint néanmoins que ce soit le texte originel de son appel du 18 que publie la presse britannique du 19. C'est le texte originel du 18 ainsi que le texte non prononcé du 19 qui figurèrent ensuite dans les collections polycopiées des discours du Général conservées à Carlton Gardens, puis dans toutes les éditions des Discours et Messages à partir de 1941, les deux discours initiaux faisant seulement défaut dans les " Archives écrites " de la BBC.
Lecture supplémentaire :
Du 18 Juin aux 18 juin : comment l'appel du 18 juin est devenu l'acte fondadteur de la Résistance - CHARLES-DE-GAULLE.ORG
Bibliographie :
Churchill et les Français : Six hommes dans la tourmente
Septembre 1939-Juin 1940 [Broché]
édition revue et augmentée (7 mai 2010)
François Delpla (Auteur)
Broché: 614 pages
Editeur : François-Xavier de Guibert;
Collection : Histoire essentielle
Langue : Français
ISBN-10: 2755404078
Présentation de l'éditeur
Cette nouvelle édition augmentée comble une lacune dans la connaissance des rapports entre Churchill et les dirigeants français en 1940. On suit pas à pas les efforts du Vieux Lion pour faire prévaloir des deux côtés de la Manche (et, quand cela ne suffit plus, de l'Atlantique) une réplique à la hauteur du défi hitlérien. Les portraits de Daladier, Reynaud, Gamelin, Weygand et quelques autres en sortent largement renouvelés. François Delpla dévoile aussi ce qui a été longtemps caché : la persistance dans le ministère Churchill d'un puissant parti anglais de l'armistice. Pour la première fois mis en valeur d'une manière particulièrement forte, ce fait incontestable éclaire, par contrecoup, puissamment la personnalité hors norme de Churchill, sa solitude et son rôle décisif dans ces jours dramatiques. Un ouvrage passionnant, haletant même, nous faisant revivre heure par heure le combat de Churchill y compris du côté anglais. Une saisissante galerie de portraits.
De Gaulle et Churchill [poche]
(15 mars 2003)
Poche: 496 pages
Editeur : Perrin
Collection : Tempus
Langue : Français
· ISBN-10: 2262020191
Présentation de l'éditeur
Ayant consulté vingt fonds d’archives dans six pays et interrogé de nombreux témoins, François Kersaudy reconstitue plus de trente rencontres entre le Premier ministre britannique et le chef de la France libre. Un livre véritablement unique, puisque c’est le seul ouvrage au monde qui soit exclusivement consacré aux relations d’amour et de haine entre Charles de Gaulle et Winston Churchill... L’ayant refermé, le lecteur considérera nécessairement d’un autre œil les Mémoires de guerre du général de Gaulle et ceux de Winston Churchill...
Biographie de l'auteur
François Kersaudy, professeur à l'université de Paris I-Panthéon-Sorbonne, a notamment publié Winston Churchill, le pouvoir de l'imagination, qui a reçu le Grand Prix d'Histoire 2001 de la Société des Gens de lettres.
De Gaulle :
« Quand j’ai raison, je me fâche. Churchill se fâche quand il a tort. Nous étions donc souvent fâchés l’un contre l’autre. »
Churchill :
« De toutes les croix que je dois porter, la Croix de Lorraine est le plus lourd. »
France's noble, exasperating icon
The Economist, June 17, 2010
Jonathan Goldberg
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