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Voici l’édition actuelle d’une série d’entretiens mensuels avec des traducteurs reconnus professionnellement.
Jonathan Goldberg, votre bloggeur (lui-même traducteur professionnel), pose des questions à Amanda Grey, traductrice de nationalié irlandaise qui habite la commune de Caudan, en Bretagne.
Un lien vers le CV d'Amanda se trouve à la fin de cet entretien.
Jonathan : Comment avez-vous démarré dans la traduction ?
Amanda : A l’école, j’étais partagée entre des matières techniques comme la chimie et la physique, et les langues. Je parle le français depuis l’âge de 5 ans, et j’ai appris l’allemand et l’espagnol à l’école. J’ai cherché un programme universitaire pour poursuivre mes études dans les langues, mais en association avec l’aspect technique, et j’ai découvert les Langues Appliquées à Dublin City University . Je n’avais alors aucune idée de ce qu’était la traduction, mais j’ai beaucoup aimé relever le défi que cela représentait.
Maintenant, je traduis exclusivement du français vers l’anglais dans des domaines techniques, principalement l’industrie automobile et l’environnement (énergies renouvelables, développement durable, déchets et eau).
Jonathan : Qu’est-ce que vous appréciez particulièrement dans le défi de la traduction ?
Amanda : Je relève volontiers le défi de produire un texte qui se lit comme s’il avait été écrit à l’origine dans la langue cible – pas aussi simple qu’on le pourrait croire ! Un traducteur se doit d’être multifonctionnel ; de maîtriser la langue source, d’écrire bien et de façon cohérente dans la langue cible (langue maternelle) et d’avoir de bonnes connaissances de base dans le sujet concerné. Une curiosité saine est essentielle. Le style et la culture sont également primordiaux et, plus que l’exercice simplement linguistique, il faut garder à l’esprit le lecteur et l’objectif du document – informer, persuader, vendre, …
Jonathan : Qu’est-ce que vous n’avez pas appris à l’université ?
Amanda : Comment gérer une entreprise ! Je me rappelle d’un conseil dans un cours intitulé « Outils de Traduction » (bien avant l’époque de la Traduction Assistée par Ordinateur), qui consistait à se procurer un tapis antistatique pour mettre sous sa chaise… J’espère qu’aujourd’hui, les cours de traduction comprennent l’aspect gestion du traducteur. Je suis souvent en contact avec des traducteurs qui débutent et qui ont très peu de connaissances concernant la gestion des clients, des fichiers voire de leur temps.
Gérer les deadlines était autre chose qu’il fallait apprendre sur le tas. Les projets de traduction à l’université était petits (deux ou trois pages au plus) et les délais se comptaient en semaines. C’est tout un art de savoir combien de travail on peut accepter raisonnablement, sans compromettre la qualité ou sa vie personnelle !
Jonathan : Quelle est la chose la plus difficile que vous avez dû apprendre en tant que traductrice indépendante ?
Amanda : Sans aucun doute, la capacité de dire « non ». C’est très tentant au départ d’accepter chaque projet qui arrive, sans regarder la difficulté technique, le délai ou le tarif. C’est seulement après une erreur grave ou deux que l’on se rende compte qu’il n’aurait jamais fallu prendre le projet, et ensuite on examine chaque projet en fonction de ses capacités et disponibilités et on réfléchit à deux fois avant d’accepter.
Jonathan : Le métier a-t-il beaucoup changé depuis vos débuts en 1989 ?
Amanda : Evidemment, la plus grande évolution est la technologie. Lors de mon premier stage dans un centre de recherche géologique français, nous avions un seul ordinateur pour quatre ! Les traductions se faisaient au crayon, et ensuite on tapait les textes sur une vieille machine à écrire IBM ! De nos jours, les ordinateurs, dictionnaires en lignes, outils de TAO et Google (il faut l’avouer) ont rendu le processus de la traduction plus efficace et plus rapide. Ce n’est pas forcément plus facile, car la quantité d’informations disponibles, pas toujours de bonne qualité d’ailleurs, rend les choix du traducteur plus difficiles.
J’ai également trouvé que, depuis plusieurs années, les clients sont davantage sensibilisés aux difficultés inhérentes à une traduction de qualité. Ils ne pensent plus que parce que vous êtes de langue maternelle, vous pouvez facilement « produire » 20 pages de traduction pour le lendemain, plus rapidement qu’une secrétaire pourrait les taper ! Ils ont aussi moins tendance à discuter les aspects linguistiques et à regardent davantage la relation comme un partenariat.
Jonathan : Quels sont les outils essentiels du métier ?
Amanda : Un ordinateur – cela va sans dire ! La question dans le métier concernant les outils TAO fait toujours rage, mais pour moi, qui travaille avec des clients réguliers et des textes assez répétitifs, les mémoires de traduction me permettent d’offrir une cohérence durable à mes clients et accélèrent le processus de manière considérable. Ces outils m’ont aussi permis de construire un corpus de glossaires et de mémoires (de traduction) spécialisés qui représentent plusieurs années de travail acharné. Ce qui m’amène à un autre outil – les systèmes de sauvegarde. J’ai compris la leçon …
Il existe également sur le marché des outils qui permettent aux traducteurs d’organiser leur travail (Translation Office 3000 par exemple). Cette application conserve tous mes projets dans une base de données et me montre en un coup d’œil quel document est à livrer et le délai, et qui me doit de l’argent !
Jonathan : Comment voyez-vous l’évolution du métier de traducteur dans les dix prochaines années ?
Amanda : Je suis optimiste ! Je ne partage pas les prévisions sombres de ceux qui disent que Google Translate va voler le travail aux traducteurs ou que les marchés émergents vont faire baisser les tarifs et nous faire tous mettre la clé sous la porte. Exactement comme les langues que nous utilisons, le métier évolue et nous devons nous adapter. La collaboration entre traducteurs devient plus nécessaire et plus facile par le biais d’Internet, et les normes ont tendance à éduquer les clients et à séparer les bons des mauvais traducteurs. Tant que nous habitons ce monde multiculturel et polyglotte, il y aura toujours besoin de traducteurs !
Le CV d'Amanda
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