L'auteur américain, Brian Selznick,
expose son œuvre pour nos lecteurs
L’auteur et illustrateur américain, Brian Selznick, a accepté de contribuer a cet article concernant son livre, « The Invention of Hugo Cabret ».
Inspiré par le réalisateur français, George Méliès, « The Invention of Hugo Cabret » a été publié par Scholastic, la plus grande figure mondiale de l'édition jeunesse, et a remporté un vif succès au niveau international.
Il a obtenu le Prix Caldecott 2008 remis chaque année aux États-Unis par l’Association for Library Service to Children.
Par ailleurs, Danièle Laruelle, traductrice de la version française, L’Invention de Hugo Cabret (Éditions Bayard Jeunesse, 2008), a eu la gentillesse de traduire en français les paroles de l’auteur, et d’y ajouter quelques réflexions sur son propre rôle dans la traduction de l’œuvre.
Les contributions faites par ces deux linguistes distingués ont été recueillies par le Dr Trista Selous, traductrice anglaise agréée par l'UNESCO et membre de l'association des traducteurs du Royaume-Uni, une spécialiste du domaine cinématographique.
Brian Selznick :
Je ne sais plus quand j’ai vu Le Voyage dans la lune de George Méliès pour la première fois ; j’étais jeune, et je me souviens y avoir pris un immense plaisir. Plaisir des décors, des costumes, des objets scéniques qui, tous, étaient à l’évidence faits main – tout portait la marque de l’artiste. Plaisir de voir que tous les protagonistes avaient l’air de bien s’amuser, surtout Méliès qui jouait le premier rôle. Ensuite, pendant longtemps, j’ai eu envie de raconter une histoire dans laquelle un garçon rencontrerait Méliès, l’idée me semblait bonne, mais je n’avais pas d’intrigue, pas de personnage central.
George Méliès Le Voyage dans la lune
Les années ont passé, j’ai fait beaucoup d’autres livres pour enfants, et cette idée de Méliès et du garçon me trottait toujours dans la tête. En 2004, j’ai illustré un livre sur Walt Whitman, sans doute l’un des travaux les plus difficiles que j’aie entrepris. J’ai alors décidé de changer de cap, de réorienter ma carrière sans avoir une idée précise d’où j’allais. Je voulais continuer dans le livre jeunesse, mais uniquement en fiction. Le problème, c’est qu’on ne me proposait que du document, si bien que j’ai cessé de travailler pendant environ six mois. Faute de mieux à faire, j’ai beaucoup lu, et réfléchi à l’avenir. Un jour je suis tombé sur une histoire des automates, Edison’s Eve de Gaby Wood (en traduction française, Le Rêve de l’homme-machine) ; à ma grande surprise, l’ouvrage consacrait un chapitre à Méliès.
Il se trouve que Méliès avait une collection d’automates (de personnages mécaniques à remontoir) et, lorsqu’il a été ruiné, il l’a donnée à un musée. Mais le musée n’en a pas pris soin, les automates ont été détruits ou jeté au rebut. En lisant cela, j’ai imaginé un garçon grimpant sur un tas d’ordures et découvrant l’une des machines brisées. J’ignorais qui était ce garçon, ce qu’il ferait quand il aurait découvert la machine, mais je savais que je tenais le début d’une histoire. Et j’ai ensuite passé deux ans et demi à travailler sur ce qui deviendrait L’Invention de Hugo Cabret.
Au départ, je ne connaissais rien au cinéma français. J’ai commencé par regarder autant de films de Méliès que je pouvais, et puis mon ami m’a parlé de son film préféré, L’Atalante de Jean Vigo, réalisé en 1934. Quand nous l’avons regardé, j’ai été fasciné par sa beauté, par la manière étrange dont l’histoire y est racontée. J’ai découvert plus tard que Jean Vigo avait tourné un autre film, Zéro de conduite, qui met en scène une révolte dans un pensionnat de garçons et qui a influencé François Truffaut pour Les Quatre-cents coups, dont le jeune héros fait une fugue et passe quelques nuits seul dans Paris. Ces films ont à leur tour influencé mon livre, ainsi que d’autres, comme ceux de René Clair, Sous les toits de Paris et Le Million. Tournées au début des années 1930, ces œuvres de Clair m’ont particulièrement intéressé, car le son était apparu depuis quelques années au cinéma, et beaucoup de gens pensaient qu’il tuerait les films. On prétendait qu’il deviendrait trop facile de raconter des histoires, que le son gâcherait tout puisque le cinéma était un moyen d’expression visuel. Clair et d’autres réalisateurs n’en ont pas moins expérimenté cette nouveauté, utilisant le son de manière originale afin d’enrichir la narration, et ces expérimentations ont influencé mes réflexions concernant Hugo. Peut-être pourrais-je utiliser les images dans un livre comme ces cinéastes utilisaient le son dans leurs films ? J’ai également réfléchi aux procédés narratifs visuels du cinéma, à ce que peut faire la caméra, à ce qui se passe au montage, et j’ai tenté de transposer certaines de ces idées dans mon roman.
Les livres illustrés pour les jeunes lecteurs utilisent souvent le changement de page pour créer du suspense ou un effet de surprise car, lorsqu’on tourne une page, c’est souvent comme ouvrir une porte ou soulever un rideau. On ne sait pas ce qu’il y a de l’autre côté. J’ai eu l’idée de réduire le texte au minimum et de le remplacer par des séquences en images qui raconteraient visuellement une partie de l’histoire – à la manière d’un film. J’ai simulé des sautes d’images, des panoramiques, des zooms et des gros plans. Je n’étais pas certain que le lecteur passerait facilement du texte à l’image et de l’image au texte, mais j’étais convaincu que l’expérience serait intéressante. Le plus souvent, dans les romans graphiques pour lecteurs plus âgés, les images ne RACONTENT pas l’histoire, elles se contentent de souligner des moments clés de l’intrigue. Dans Hugo, je voulais que les images prennent en charge une part importante de la narration. Je voulais qu’en refermant le livre, le lecteur ne sache plus exactement ce qu’il avait vu et ce qu’il avait lu. J’espérais que tout se fondrait en un récit unique dans son esprit.
Mais rien de tout cela n’aurait eu lieu sans l’inspiration initiale de Georges Méliès et des cinéastes novateurs qui l’ont suivi sur la voie qu’il avait tracée.
Film
L'adaptation cinématographique de Hugo par Martin Scorsese sortira sur les écrans pour la Thanksgiving 2011.
Lectures supplémentaires :
Brian Selznick - The Invention of Hugo Cabret book trailer
Children’s Books, New York Times, March 11, 2007
Reads Like a Book, Looks Like a Film, New York Times January 26, 2008
Cet article est le premier d’une série de trois articles. Vous pouvez lire les deuxième et troisième parties en cliquant sur les liens suivants :
Cher Jonathan,
Bravo pour votre article sur "L'invention de Hugo Cabret" et son adaptation cinématographique. Comment faites-vous pour enrichir sans cesse votre blog et proposer des articles aussi variés ? Vous êtes incroyable.
Nathalie
Rédigé par : Nathalie | 27/09/2011 à 21:55
Cher Jonathan,
Ces articles sont excellents. C'est très touchant et intéressant de voir les liens qui unissent la France et l'Amérique à travers les générations. Merci de nous faire découvrir tant de choses originales et nouvelles et surtout de nous faire partager vos anecdotes. Chapeau bas !
Rédigé par : Anne | 29/09/2011 à 18:37