(où il est question de « promotion canapé »)
Une analyse de la plume de Danielle Bertrand,
Gagnières (Gard)
Cette analyse fait suite à l'article que nous avons publié en julllet dernier, et que vous pouvez relire en cliquant sur ce lien
Pour écrire SEXUS POLITICUS, Christophe Deloire et Christophe Dubois ont interviewé quelque deux cents personnes. L'ouvrage a été plus ou moins bien accueilli par les « grands personnages » dont il révèle les frasques. Si Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac se sont montrés beaux joueurs, Nicolas Sarkozy a parlé de « casser la gueule » aux auteurs.
J’avoue avoir porté un intérêt assez limité aux détails des « histoires de fesses » de ceux qui nous gouvernent, assez prompts à échanger leurs conquêtes sans se soucier des clivages entre la droite et la gauche. Je renvoie ceux qui en seraient friands à la lecture de l’ouvrage.
Le palais de l’Élysée a un long passé érotique, du comte d’Évreux à l’actuel locataire, en passant par Murat, Napoléon Bonaparte, Louis-Napoléon et Félix Faure, au point que le général de Gaulle (un de nos rares chefs d’État « vertueux » ou assez malin pour cacher ses turpitudes, sinon à Tante Yvonne, du moins aux journalistes), hésita à s’y installer.
Je me suis plus intéressée aux questions de fond, même si celle qui suit tient de l’histoire de l’œuf et de la poule …
Faut-il une forte dose de testostérone pour arriver au pouvoir suprême? ou le pouvoir est-il l’aphrodisiaque absolu, comme l’affirmait Kissinger ? Notre médecin qui fut ministre, Philippe Douste-Blazy, considère que le pouvoir génère du stress et que le stress est un aphrodisiaque qui pousse à rechercher les contacts physiques et la tendresse... Nos hommes politiques seraient-ils en quête d’amour ? Mais pourquoi le rechercher avec autant d’acharnement en dehors des liens du mariage ?
Je me suis amusée des distinctions que les auteurs ont établies entre trois de nos Présidents.
- Valéry Giscard d’Estaing serait un nigaud romantique qui se fit souvent berner par ses conquêtes.
- François Mitterrand serait un voluptueux, un personnage autoritaire se comportant comme un coq dans un poulailler.
- Quant à Jacques Chirac, ce serait un affamé, sujet à des fringales, se jetant sur les femmes comme sur la tête de veau !
Autre question: faut-il être un chaud-lapin pour réussir en politique? L’échec de Lionel Jospin à la magistrature suprême s’expliquerait-il par sa rigueur, dans ce domaine comme dans d’autres ?
Matignon emboite joyeusement le pas à l’Élysée et nos premiers ministres n’hésitent pas à utiliser leur pouvoir pour séduire. L’épidémie se répand d’ailleurs dans toute la classe politique, même aux niveaux les plus modestes.
Mais, me direz vous, et les femmes dans tout cela ? Il semble que ceux qui détiennent ne serait-ce qu’une infime parcelle de pouvoir les attirent, aussi dénués de charme naturel puissent-ils être, et même s’ils les méprisent et les malmènent.
Elles tirent souvent avantage de leurs « relations » : postes pour lesquels leur compétence ne les désignait guère (on parle alors de « promotion canapé » ou « promotion culotte »), avantages fiscaux, appartements de fonction, etc.
Et les épouses de nos héros ? Elles savent, elles acceptent, mais veillent au grain, trouvent une compensation en collaborant avec leur époux pour profiter des retombées qu’entraîne le rôle de ce dernier, attendent parfois leur heure pour prendre leur revanche, quand leur époux est affaibli par l’âge ou la maladie (devinez !) ou donnent un sens à leur vie en ayant leur propre activité politique (l’exemple de Danielle Mitterrand correspond assez bien à ce cas de figure).
J’aborde maintenant un thème traité par les auteurs, qui me semble plus sordide. Celui de l’utilisation des « histoires » par les Renseignements généraux qui disposent d’une caisse noire pour rétribuer des « indics » (tenancières de bordels comme Madame Claude, ou prostituées) et même pour payer des prostituées pour « tenter » ceux que l’on veut atteindre. Il peut s’agir de rivaux politiques qu’on veut éliminer ou de diplomates étrangers sur lesquels on veut faire pression.
Cela peut aller jusqu’à la véritable manipulation, en utilisant les médias ou maintenant les réseaux sociaux pour « monter » des scénarios sans rapport avec la réalité. Les objectifs sont les mêmes que ceux cités plus haut, mais il peut s’agir aussi de se faire un peu d’argent.
J’ai retenu quelques exemples : Lionel Jospin accusé de relations coupables avec tantôt Isabelle Huppert, tantôt Nathalie Baye (ce serait un coup des fabiusiens car, au sein d’un même parti, tous les coups bas sont permis !), Édouard Balladur accusé d ‘avoir séduit son chef de cabinet, Daniel Vaillant accusé de « tabasser » son épouse , ou Jacques Chirac auquel on attribua un fils sumo, engendré au cours d’un de ses nombreux voyages au Japon, et joliment baptisé Mazarin !
Le lecteur sera-t-il légèrement écœuré de toutes ces turpitudes? Les Français semblent ne pas l’être. Peut-être même en sont-ils fiers, comme si ces preuves évidentes de virilité garantissaient un exercice du pouvoir sans faiblesse !
Certains sondages laissaient même penser que malgré ses exploits présumés au Sofitel, DSK, s’il s’était présenté aux primaires socialistes, aurait recueilli un nombre non négligeable de voix. Mais, les instances socialistes ont jugé que toutes les casseroles qu’il traînait faisaient oublier ses compétences.
Je me permets de conclure par un avis personnel. Ces messieurs (car il s’agit surtout d’eux, les femmes politiques étant plus discrètes, sinon plus vertueuses, et surtout moins présentes dans les hautes sphères du pouvoir) peuvent faire de leur corps toutes les folies qu’ils veulent tant que cela n’a pas d’incidence sur l’exercice de leurs fonctions.
Je n’ai pas besoin d’hommes politiques irréprochables dans leur vie privée s’ils sont compétents et prennent de bonnes décisions dans l’intérêt général, mais qu’ils ne mélangent pas les genres et ne s’attendent pas à ce que j’admire leurs exploits.
Danielle Bertrand
Note historico-linguistique
En anglais, cuckold, est un terme désobligeant pour désigner le mari d'une épouse infidèle. Le mot, dont l'usage est attesté depuis le XIIIe siècle, dérive de cuckoo [coucou, volatile « dont la femelle pond ses œufs dans des nids étrangers », pour reprendre la définition du Petit Robert] auquel on a ajouté le suffixe péjoratif -old. La première utilisation date de 1250, sous la plume de Jesse Conklin. Le féminin de cuckhold, cuckquean (cocue), fait son apparition dans la littérature anglaise en 1562, par adjonction d'un suffixe féminin au substantif cuck. Quant à to cuckold, le français offre deux solutions: tromper et cocufier; Edmond Rostand y a ajouté ridicoculiser qui n'a pas fait souche !
Dans la terminologie contemporaine, le terme cuckold en est venu à désigner également le voyeur ou l'échangiste qui tire plaisir de l'observation de sa partenaire au cours d'ébats auxquels il consent le plus souvent.
À l'acte II, scène 7, de Cyrano de Bergerac, lorsque les cadets sont présentés au comte de Guiche, Edmond Rostand joue fort joliment avec l'étymologie du mot cocu :
Que le vieil époux se renfrogne:
Sonnez, clairons! Chantez, coucous!
Voici les cadets de Gascogne
Qui font cocus tous les jaloux.
Par un beau parallélisme, les cuckolds anglais “are wearing horns” et les cocus français « portent des cornes » (d'où l'adjectif et le substantif cornard, que l'on retrouve en italien: cornuto, et en espagnol: cornudo), allusion au fait que le mari trompé est souvent le dernier à apprendre l'infidélité de sa femme. Autrement dit, il porte des cornes qu'il est le seul à ne pas voir !
L'attribut cornu est ancien. Bien avant que Georges Brassens ne chante Cornes d'auroch, Molière, dans L'école des femmes, avait mis en scène un personnage qui se moque des cocus et le devient à la fin de la pièce. On raconte aussi que, rentrant au pays, le marquis de Montespan (qui avait fort mal accepté la liaison de son épouse avec le Roi-Soleil) fit ouvrir toutes grandes les portes de son château, en disant à ses gens qu'avec les cornes qu'il avait désormais au front, cette précaution s'imposait !
Personnage malheureux, le cocu (un peu comme le sourd) déclenche l'hilarité alors qu'il devrait plutôt inspirer la pitié. Sujet d'innombrables comédies (dont Le Cocu magnifique, de Fernand Crommelynck), le cocu appartient pourtant à une espèce menacée. À terme, la vogue des « amours plurielles » risque de le faire disparaître. Gageons cependant que cette disparition prendra encore du temps puisque, selon les spécialistes, 2% seulement des Français se déclarent « polyamoureux » !
Vers 1815. Image d'Épinal raillant le cocuage, sur laquelle cocus et cocues portent des cornes !
« Tu ne commettras point d’adultère », un des reliefs de bronze de l'église de la Madeleine, à Paris.
L'innocence du mari trompé, un thème éternel
- C'est sûrement une erreur, jeune homme.
Il n'y a personne de ce nom ici, sauf ma femme.
Extrait de l'hebdomadaire Match, 31 août 1939, p.43.
Jean Leclercq
J'ai beaucoup aimé l'analyse de Danielle Bertrand et je suis de son avis. Peu nous importe la vie privée de nos hommes politiques pourvu qu'ils gouvernent bien. Hélas, en politique comme sur le lieu de travail, il n'est jamais possible d'installer une cloison étanche entre vie privée et vie publique. L'histoire nous en fournit maints exemples. En 1939, alors qu'allait se jouer le destin de la France, les maîtresses en titre d'Edouard Daladier et de Paul Reynaud faisaient la pluie et le beau temps. C'est l'égérie du second qui le retint de partir à Londres, avec de Gaulle!
Rédigé par : Jean Leclercq | 16/11/2011 à 06:27