Dictionaries: A Very Short Introduction,
par Lynda Mugglestone (Oxford University Press, 2011)
En moins de 150 pages, Lynda Mugglestone fait le tour de la lexicographie, qui est l’art d’établir des dictionnaires.
Dans le premier chapitre, elle définit la fonction du dictionnaire. Celui-ci ne se borne pas à cerner le sens des mots, mais indique aussi leur prononciation, leur origine, leur étymologie, leur nature grammaticale, les variations qu’ils subissent (conjugaison, pluriel, etc.), leur usage et leur registre. Ouvrage utilitaire, le dictionnaire ne se lit pas, mais se consulte.
La définition revêt différentes formes. L’auteur établit une distinction entre les définitions classiques, elliptiques, destinées aux locuteurs natifs, et les définitions qui prennent la forme de phrases complètes, destinées aux apprenants.
L’auteur aurait pu illustrer la définition classique, par exemple en reprenant l’article de l’Oxford Concise Dictionary consacré au verbe expel : « 1 force or drive out. 2 force (a pupil) to leave a school. » On remarque que la première définition est peu explicite et que la seconde l’est davantage parce qu’elle a recours à un co-occurrent (a pupil). En revanche, les définitions du Collins COBUILD Dictionary sont concrètes : « 1 If someone is expelled from a school or organization, they are officially told to leave because they have behaved badly. […] » Pour comprendre les définitions de l’Oxford, il faut déjà connaître de sens du mot.
Dans le deuxième chapitre, l’auteur retrace l’histoire du dictionnaire, qui se présentait sous la forme de tablettes d’argile à Sumer, 2000 ans avant notre ère. Le support devint ensuite le manuscrit, l’ouvrage imprimé, le CD-Rom, le Web, et l’application sur le téléphone intelligent et, juste retour des choses, la tablette… numérique.
L’auteur présente ensuite la démarche prescriptive (« comment il faut s’exprimer ») et la démarche descriptive (« comment l’on s’exprime »). La première est privilégiée par l’Académie française, dont le premier dictionnaire est publié en 1694, tandis que Samuel Johnson (1755) considère que si les académies publient des versions successives de leurs dictionnaires, c’est parce que la langue évolue.
Johnson se fondait sur des textes et en présentait des extraits à titre d’illustration. Pour leur part, les lexicographes modernes utilisent des corpus de textes informatisés et ne sont plus uniquement tributaires de lectures dont la nature ne reflète pas nécessairement la langue prise dans sa totalité. Cependant, j’estime que, s’il est commode de définir un terme en recourant à une liste d’exemples, la lecture de textes divers, au cours de laquelle les mots surgissent de façon aléatoire, oblige le lexicographe à remettre constamment son ouvrage sur le métier, alors que l’utilisateur de corpus rédige son article une fois pour toutes.
Dans le troisième chapitre, consacré aux techniques du lexicographe, l’auteur aborde la structure des dictionnaires, l’influence des dictionnaires les uns sur les autres (qui peut aller jusqu’au plagiat), la méthode de travail de Samuel Johnson, l’aide offerte par les corpus.
Les chapitres 4 et 5 portent notamment sur l’autorité du dictionnaire et la validité des définitions. Ces dernières évoluent avec les mœurs et les idées du temps.
Le dernier chapitre envisage l’avenir. Le dictionnaire n’est plus toujours un livre et est souvent offert gratuitement sur le Web. Dans ce cas, il peut être le fruit d’un travail collectif d’auteurs qui ne sont pas lexicographes (Urban Dictionary, par exemple). Par ailleurs, des dictionnaires sont inclus dans des logiciels de traitement de texte et des liseuses.
En conclusion, ce livre est une riche source d’informations sur le thème du dictionnaire. On y apprend par exemple qu’un dictionnaire néerlandais compte 43 volumes, que plus de 30 000 tablettes d’un dictionnaire sumérien ont été conservées et qu’un dictionnaire latin-français du XVe siècle comptait plus de 45 000 entrées. Les 16 illustrations ne manquent pas non plus d’intérêt : l’une d’elles reproduit une page des épreuves de la première édition de l’Oxford English Dictionary.
René Meertens
René Meertens est un traducteur de langue française qui travaille principalement à partir de l’anglais. Il a été employé par l’ONU, l’Unesco, la Commission européenne et l’Organisation mondiale de la santé. René est l'auteur, entre autres livres, du "Guide anglais-francais de lsa traduction." En outre, il a son propre blog, « Traduction anglais-français », où chaque article soumis en anglais est traduit en français, ce qui permet aux lecteurs de voir un traducteur expérimenté à l’œuvre. http://vieduguide.blogspot.com/ René a rédigé cette analyse à la demande de «Le Mot Juste en anglais».
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livre supplentaire (en anglais) sur le même sujet :
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