troisième analyse
La maison d'édition québécoise, L'instant même, nous a transmis une copie numérique du livre récemment publié de Grant Hamilton « Les trucs d'anglais qu'on a oublié de vous enseigner », afin qu'une critique en paraisse dans Le Mot Juste en anglais. Trois de nos lectrices fidèles, Cindy (américaine), Marie et Martine (françaises) ont accepté notre invitation (publiée sur le blog), d'analyser le livre et nous ont fourni leurs réflexions, l’une en anglais et, les deux autres, en français. Voici la troisième analyse, de la plume de Martine Mifsud.
Auteur du livre : Grant Hamilton
Ouvrage analysé par : Martine Mifsud.
Les trucs d’anglais qu’on a oublié de vous enseigner… Dès le titre, on pressent qu’en entrant dans ce livre on va sortir des sentiers battus. Ni grammaire austère, ni lexique laconique, ce bouquin généreux, copieux, se dévore presque comme un roman. Grant Hamilton y marie avec brio chaleur et saveur, complicité et simplicité… Une pédagogie efficace servie par un ton enjoué, une aimable connivence avec le lecteur, des titres plaisants, des anecdotes, des brèves historiques, des encadrés vedettes, des tableaux comparatifs, et surtout par des phrases et des mots simples assaisonnés juste-ce-qu’il-faut de termes plus soutenus à but éducatif (« contronyme », « complétude », etc.). Deux cents et quelques pages d’un « récit de voyage en Angloland méconnu » qui répertorie allègrement une foule de curiosités « à ne pas manquer », ou plutôt « à ne plus manquer ».
Et comme il ne s’agit pas seulement d’écrire anglais, même les éventuelles indications de prononciation sont aussi originales que simplissimes. Foin des barbares signes phonétiques pour initiés ! Il suffit de savoir que spur « rime avec her, fir, purr et were » (chapitre 14), que «le verbe to wind ne rime pas avec le nom wind (vent), mais plutôt avec to find (trouver) » (35), que la « première syllabe » de phalanx « rime avec day, bay, may et say et sa deuxième avec banks et thanks » (54), que mite, slew, spate et autres wand, cower, cough et tough… ne riment pas avec ce qu’on croit, et le tour est joué !
L’auteur nous propose cet objectif exaltant : atteindre « le bilinguisme intégral » pour mieux communiquer, voire « épater notre entourage », notamment grâce à une meilleure maîtrise. Maîtrise de quoi ? En vrac, des phrasal verbs, des nuances entre les termes en apparence identiques, des seconds sens, des « mots qui se déguisent en périphrases » (18), des onomatopées, des locutions imagées, des contextes culturels, des différences de goût pour l’abstrait ou le concret, et de mille autres joyeusetés… Viser le naturel en parlant un anglais vrai, bannir les « traductions réflexes » et « boiteuses » (56), autrement dit cesser de former nos phrases en collant des mots anglais sur un schéma de pensée francophone, cesser d’employer spontanément ou en priorité les mots anglais les plus ressemblants aux nôtres (63).
Certes, cet ouvrage se veut un outil à l’intention du francophone canadien qui souhaite mieux traduire sa pensée en anglais dans un certain cadre professionnel. Mais il est conçu de telle sorte qu’il peut avoir un rayonnement bien plus grand. Le traducteur de l’anglais vers le français peut, lui aussi, en faire ses choux gras ! En effet, entre autres moyens de bien traduire, n’y a-t-il pas celui de toujours mieux comprendre la langue de départ, d’entrer dans les rouages de son génie, de parvenir à une sorte d’« empathie linguistique » ? Car mieux on maîtrise l’« idiomatique » d’une langue source, plus sûrement et spontanément on arrive à trouver des solutions idiomatiques dans la langue cible.
Or, sur 65 chapitres, 43 énumèrent des termes anglais avec leur traduction française assortie d’explications et de commentaires fort instructifs. (Seuls 13 chapitres proposent l’inverse, dans le sens français-anglais.) On glane donc au fil des pages un précieux lexique découpé en parties thématiques. Quelle surprise, par exemple, d’apprendre que crush n’est pas que béguin et pride pas qu’orgueil, mais qu’ils sont au nombre de la palanquée de mots (au moins 20) dont l’anglais dispose « pour désigner les groupes de personnes, d’animaux ou de choses » ! Ailleurs, les éclaircissements sur « more or less » valent de l’or (64).
Question grammaire, on en avale sans indigestion au gré d’explications passionnantes sur les genres traîtres (08, 09), les collectifs (36, 46, 47), les verbes anglais à la souplesse légendaire et à la particule multicolore (02, 03, 29, 50, 51), les adverbes et les adjectifs (10, 44, 45), et même sur la désuétude du subjonctif (11). On scande et on fredonne de la stylistique avec les expressions chaloupées (« réduplicatives ») des chapitres 31 à 33, ou même 34.
Les « faux » sont démasqués et hachés menu comme chair à pâté : les faux amis (07, 13, 17, 24, 56, 64), les faux contraires (35), les faux synonymes (35), les faux singuliers (36), les faux pluriels (47)…
Sept chapitres parlent utilement de typographie (39 à 45). On y fait le point sur l’écriture des nombres, mais aussi sur l’emploi des virgules, des tirets (limpide !), des traits d’union (fabuleux !) et des majuscules : le « camp » anglais et dans le « camp » français ne manient pas leurs armes de la même façon.
Le passage des termes géographiques d’une langue à l’autre n’est pas une mince affaire. Quelques chapitres nous mettent en garde et en appétit sur le sujet (04, 05, 22, 60, 61). Les surnoms des villes (61) ont un charme fou !
N’ayant nullement la prétention de nous proposer un livre exhaustif, l’auteur nous le présente comme un tremplin vers d’autres horizons d’étude et d’enrichissement : il encourage vivement à chercher par soi-même, à « se cultiver », à « surveiller », à rester « à l’affût », à « dénicher », à « puiser », à « répertorier », à « se familiariser », à « intégrer »… Pour cela, il donne le pli d’aller vers d’autres ressources, en montrant comment faire une lecture fructueuse de romans (55) et de journaux (63), en suggérant des mots clés pour des recherches sur Internet (54…), en fournissant des adresses de sites, des titres d’ouvrages de référence, et tant et plus. Il est vrai que les pistes fournies sont surtout canadiennes, mais en les explorant le Français peut aboutir à des données françaises. Ainsi, dans le chapitre 60, le renvoi à geonames.nrcan.gc.ca/info/tra_f.php mène, via Ressources naturelles Canada> Secteur des sciences de la Terre> Priorités> Direction de l'information cartographique> Toponymie du Canada, à la page Information cartographique : Renseignements pertinents pour les traducteurs. Flûte ! les traducteurs canadiens… Oui, mais la colonne de gauche, sous « Education » contient un lien vers « Autres sites intéressants du Web », qui donne accès, outre à des données canadiennes ou américaines, à des données d’organismes internationaux tels que le GENUNG ou la DGLFLF, riches de renseignements. Bref, Grant Hamilton ne se contente pas de nous mettre de bons poissons sous la dent, il nous fournit la canne, le fil et l’hameçon pour en pêcher d’autres !
Les trucs etcetera ? Un sésame vers un certain génie de la langue la plus apprise en France. La première fois, on le lit ; la deuxième, on l’étudie ; la troisième, on le consulte régulièrement ! On se prend à souhaiter un tome 2, pour continuer à remédier avec bonheur et délectation aux amnésies de nos (très respectés sinon regrettés) professeurs d’anglais…
Martine Mifsud
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