The Library: An Illustrated History
The Library: An Illustrated History [La bibliothèque: Une histoire illustrée]. Stuart A. P. Murray. New York: Skyhorse Publishing & Chicago: ALA Editions, 2009. 310 pp. $35,00 (cartonné). ISBN-13: 978-0-8389-0991-1.
Ouvrage analysé par:
(photo : Rick Bielaczyc)
le Dr. Hermina G. B. Anghelescu
School of Library & Information Science
Wayne State University
Detroit, Michigan, USA
Convenor, Library History Special Interest Group, IFLA
Bienvenue à notre nouvelle collaboratrice
Ce livre tente d’expliquer à ceux qui n'en savent pas grand chose, l’évolution des bibliothèques, les étapes de leur développement à travers les âges et au-delà des frontières, en s'attachant à des collections représentatives et à ceux qui s’en sont occupés, qu'ils soient bibliophiles ou bibliothécaires.
Il contient un avant-propos de Nicholas A. Basbanes et une introduction de Donald G. Davis, Jr. qui, chaque fois en deux pages, traitent plutôt de l’importance des bibliothèques dans la société que de l’ouvrage lui-même. Davis met en garde le lecteur contre la difficulté de sélectionner la matière (sujet proprement dit et support visuel) d' un ouvrage portant un titre aussi prétentieux : « Raconter l’histoire stimulante de la production, de la transmission, de la conservation, de l’organisation et de l’utilisation des connaissances accumulées par l’humanité — et le faire dans un style qui convienne au plus large éventail possible de lecteurs — est un tour de force, en même temps qu'une énorme responsabilité. Personne — des spécialistes de la culture ou de l'histoire des bibliothèques jusqu’au grand public et aux jeunes lecteurs — ne pourra s'entendre sur ce qui, du texte ou des illustrations, devait être retenu ou omis. Les bibliothécaires, eux non plus, ne seront pas d'accord — c’est sûr ! Cependant, l’effort de raconter cette histoire, même de façon aussi superficielle et singulière, est méritoire ».
Le grand lustre de la Carreaux Art déco Los Angeles Public Library (Photo: decopix.com) (Photo: Monceau)
La première partie du volume, plus des deux tiers (pp. 3-233), est une incursion chronologique dans l’apparition et le développement des collections de manuscrits et de livres dans certaines parties du monde. Les douze chapitres sont divisés en sections qui vont de deux paragraphes d’une proposition chacun (p. 119) à plusieurs pages, ce qui rend le traitement du sujet assez superficiel. L’incursion commence par l’Antiquité (ch.1), puis le Moyen-âge en Europe (ch. 2 et ch. 4), en Asie et dans le monde islamique (ch. 3), pour se poursuivre avec la Renaissance et la Réforme (ch. 5). Un chapitre à part (ch. 6) est consacré à ceux qui se sont impliqués de diverses façons dans l’activité d’amasser des collections, soit comme butin de guerre, soit afin de créer des centres de documentation pour les érudits, soit comme possessions privées. Le chapitre intitulé « La guerre et l’Âge d’or » (ch. 7) présente des collections de valeur qui sont devenues des objets de conquête à la suite des guerres. La prolifération des presses conduit à la dissémination des livres imprimés ce qui mène à la constitution des collections massives qui avaient besoin d’être organisées. Le chapitre inclut des portraits de bibliophiles (le cardinal Mazarin, Sir Robert Bruce Cotton, Sir Thomas Bodley) ainsi bien que des portraits de bibliothécaire qui se sont illustrés dans l’organisation et l’administration des grandes bibliothèques de l'époque, comme Gabriel Naudé. Le continent nord-américain est bien représenté, de sa découverte et jusqu’au début du XXe siècle. La fondation de la Bibliothèque du Congrès (ch. 8, ch. 9 et ch. 10) occupe la place qu'elle mérite, avec sa contribution à l’organisation de l’univers des connaissances (ch. 11). Le nom de Melvil Dewey figure à côté d'autres noms célèbres, comme Antonio Panizzi de la British Library, en tant que promoteurs des systèmes de classification et de catalogage. Le chapitre final de la première partie, « Bibliothèques, bibliothécaires et médiathèques » (ch. 12), est un potpourri de thèmes qui parcourent à grande vitesse le monde entier après la deuxième guerre mondiale jusqu’à nos jours. On y parle de la révolution culturelle en Chine, des sections « enfants » à la Bibliothèque de la Diète du Japon et à la Bibliothèque nationale de la Corée du Nord, des bibliothèques victimes de guerre, et jusqu’au développement de réseaux de bibliothèques scolaires, de l’impact de l’Internet sur la lecture et l’accès à l’information. Il n’y a aucun fil directeur dans ce chapitre. Tout ce qui n’a pas été inclus dans les autres chapitres a été mis ici sans discussion élaborée, sans transition logique d’une époque à l’autre ou d’un espace géographique à un autre : du Séoul de l’an 2006, on passe à la guerre de Trente ans en Europe, de l’occupation du Temple d’Or d'Amritsar (Inde, en 1984), on va à la désintégration de la Yougoslavie et à l’incendie de la Bibliothèque nationale de Sarajevo (1992) pour revenir à Weimar en Allemagne (1761). L’apparition de l’ordinateur et de l’Internet sont expédiées en trois paragraphes, comme si l’auteur était engagé dans une course contre la montre pour arriver à la fin de cette première partie de son ouvrage.
La deuxième partie, le tiers restant du volume, (pp. 236-304) est consacrée aux « Bibliothèques du monde » et elle contient des présentations, parfois très succinctes et sans aucun ordre, d’une cinquantaine de bibliothèques choisies de manière aléatoire, comme l’admet l’auteur-même (p. 235). Cette section comprend des croquis de plusieurs bibliothèques nationales d'Europe (Autriche, Russie, Belgique, Hollande, Italie, Allemagne, Pologne) et d'Asie (Chine, Japon, Iran, Pakistan, Inde), en commençant par la Bibliothèque nationale de France, suivie par la British Library. Les autres pays sont : le Canada, Israël, l'Australie, le Brésil, l'Égypte et le Vatican.
Thomas Jefferson’s personal library, Thomas Jefferson Building, on display at the TJ Building Library of Congress Michaela McNichol
Les grandes bibliothèques publiques de New York, Boston, Chicago et Los Angeles ont reçu de brèves vignettes ainsi que quelques bibliothèques universitaires notables comme la Bodléienne à Oxford, celle de Cambridge en Angleterre et d'Harvard aux États-Unis. Une dizaine de bibliothèques possédant des collections spéciales ou spécialisées (surtout aux États-Unis) sont aussi présentes : la Smithsonienne à Washington, DC, la Newberry à Chicago, la Folger à Washington, DC, la Bibliothèque nationale de Médecine à Bethesda (Maryland). L'Afrique est totalement absente, les pays scandinaves ont été complètement oubliés ainsi que ceux de l’Europe orientale. Les Amériques centrale et du sud n’ont reçu aucune attention non plus, sauf la Brésil.
State Library of Iowa, Des Moines Los Angeles Central Library
L’auteur est un journaliste qui a publié plus d’une trentaine de livres dont le sujet est surtout l’histoire des Etats-Unis. Malheureusement, l’auteur ne démontre pas qu'il a utilisé des bibliothèques pour raconter leur histoire. Cet ouvrage ressemble à une histoire orale, une narration qui vise un public qui n'en sait guère sur les bibliothèques. Ce livre est loin de s’adresser aux bibliothécaires en général et moins encore aux spécialistes de l’histoire des bibliothèques. Il ne contient aucun appareil critique, aucune note de bas de page. Une page dite de lectures complémentaires inclut vingt livres, dix-sept articles (pas toujours basés sur des recherches historiques) et dix-sept ressources web, surtout des sites de bibliothèques et d’associations (American Library Association) ou d'institutions ou organisations dont l’activité est proche de celle des bibliothèques (Unesco).
Powell Library, Suzzallo Library University of California, University of Washington Los Angeles
Puisque c’est un ouvrage qui abonde en illustrations (environ 100 photos couleurs et 80 noir et blanc), on doit les examiner de plus près. Plusieurs bibliothèques nationales de premier rang en Europe sont installées dans des bâtiments construits pendant la dernière partie du XXe ou pendant la première décennie du XXIe siècle. La Grande Bibliothèque — site François Mitterrand — le nouveau local de la Bibliothèque nationale de France, a été ouverte au public en 1988. L’article n’offre qu’une image de la salle de lecture du site Richelieu qui continue d’abriter les collections spéciales de la BnF (p. 236). De même, le nouvel édifice de la British Library a été inauguré à St. Pancras en 1997. Il n’y a aucune illustration de ce nouveau local qui représente le plus grand bâtiment public construit au Royaume-Uni pendant le XXe siècle. La photo représente la rotonde de l’ancien local, au British Museum (pp. 238-239). La Bibliothèque Nationale de Russie à Saint- Pétersbourg s'articule sur plusieurs endroits, parmi lesquels le site historique de la rue Sadovaya, ainsi que le nouveau bâtiment de l'avenue de Moscou, ouvert au public en 2003. Aucun de ces édifices n’est illustré dans cette histoire des bibliothèques du monde. En fait les pages où se trouve l’article sur la Bibliothèque Nationale de Russie (pp. 242-243) sont parmi les seules qui ne contiennent aucune illustration. Des bibliothèques prestigieuses, comme celle de l’Université de Cambridge (Angleterre) ne font l'objet d'aucune illustration.
Bibliotèque Nationale de France, Paris
Bibliotèque Nationale de France, Université de Strasbourg
Il y a aussi quelques problèmes de mise en pages des illustrations: la photo de la Bibliothèque Nationale de l’Inde, à Calcutta, se trouve à la page (p. 284) où il est question de la Bibliothèque du duc Auguste (Allemagne) lorsqu’elle aurait dû se trouver sur la page précédente, pour accompagner le texte. De même, la photo de la Bibliothèque de l’Académie des Sciences de Russie à Saint- Pétersbourg se trouve insérée dans le texte qui traite de London Library (p. 270) lorsqu’elle aurait dû être placée avec le texte correspondant (pp. 268-269). La photo des vitraux de la Bibliothèque Nationale et Universitaire Juive de Jérusalem paraît accompagner soit la Bibliothèque Nationale du Brésil soit la Bibliothèque de l’Université Jagellonienne de Pologne (p. 277) et pas les pages dédiées à la présentation elle-même (pp. 275-276).
Les explications qui accompagnent les illustrations sont parfois trop vagues. Par exemple, la page 25 déploie une belle enluminure byzantine qui représente l’apôtre Marc tandis que la légende donne une explication générale : « Enluminure d’un manuscrit byzantin des Évangiles chrétiens de Matthieu, Marc, Luc et Jean, dernière partie du Xe siècle ». La qualité des reproductions varie et parfois la source n’est pas mentionnée. La page 114 est une reproduction en noir et blanc qui représente « Une vue datant du XIXe siècle de la rotonde de la bibliothèque de Wolfenbüttel, bâtie entre 1705-10 et présumée avoir influencé la conception de la salle de lecture du British Museum érigée pendant les mi-1850 ». On ne sait pas qui est l’auteur de l’original, sauf que l’œuvre se trouve dans une collection privée, détail qu’on peut apprendre de la Liste des sources (p. 306). Il est difficile d’expliquer la raison pour laquelle certaines illustrations d’époque ont été retenues au lieu de faire appel à des photos plus récentes, sans doute de meilleure qualité : page 88 (la Bibliothèque Mazarine à Paris), page 114 (la rotonde de la bibliothèque de Wolfenbüttel), p. 132 (la Bibliothèque du Trinity College, Dublin) et même la New York Public Library, représentée par une image datant de 1915 (p. 214). De l’autre côté, on trouve des images contemporaines maladroitement traitées en photoshop. La photo du Temple d’Or d Amritsar (Inde) semble être rognée du côté droit de l’édifice pour montrer le paysage lacustre qui l’encadre (p. 106). La plupart des images, y compris celles des deux couvertures, proviennent de l’Internet (Wikimedia Commons) ce qui explique le manque d’uniformité par rapport à leur qualité. La liste des sources par chapitre se trouve à la fin du volume (pp. 305-306).
L’Index (pp. 308-310) semble être produit automatiquement, sans présenter aucune analyse conceptuelle des sujets. Des termes génériques comme « archives », « Greece », « librarian », « private » (supposément 'private library’/bibliothèque privée), « public » (‘public library’/bibliothèque publique), « manuscript », « periodicals » défient tous les principes et techniques d’indexation, puisqu’ils sont suivis de toute une série de pages (parfois 50), ce qui rend ces parties de l’index inutilisables.
La publication de cet ouvrage est une collaboration entre deux maisons d’édition — Skyhorse Publishing et ALA Editions — la dernière étant la maison d’édition de l’Association des Bibliothécaires Américains.
On suppose que les bibliothécaires se seraient attendus à un ouvrage d’une meilleure qualité du point de vue du contenu/traitement du sujet de l’institution où ils exercent leur métier, comme de celui de la qualité matérielle des illustrations. Malgré la qualité du support, le papier vélin, la qualité des illustrations n’est pas la meilleure pour un ouvrage qui, dans son titre-même, se qualifie d'illustré. Ceux qui ont à cœur d'enrichir leur bibliothèque personnelle peuvent se le procurer à moitié prix sur l’Internet, au lieu de payer au prix fort aux ALA Editions. Cependant, il y a d’autres livres qui le méritent davantage.
Dr. Hermina G.B. Anghelescu School of Library & Information Science Wayne State University Detroit, Michigan, USA Convenor, Library History Special Interest Group, IFLA
Commentaires