Le 23 Juin, le monde entier célèbrera l'anniversaire de la naissance d'Alan Turing...
Crédit Flickr/joncallas
Turing, mathématicien britannique, né il y a exactement 100 ans, a réalisé une œuvre scientifique considérable, avant de mourir prématurément à l'âge de 42 ans.
Il est l'un des principaux prétendants au titre de « père de l'informatique » et on lui reconnaît le mérite d'avoir jeté « l'indispensable pont entre le monde de l'abstrait et celui dans lequel les choses se réalisaient. » [1] Il fut l'un des premiers universitaires à entrevoir les capacités potentielles des ordinateurs.
En 1935, Turing a décrit ce que pourrait être une calculatrice se composant d'une mémoire illimitée et d'un système de balayage se déplaçant à travers la mémoire, symbole par symbole, lisant ce qu'il trouve et écrivant d'autres symboles. Les allers et venues du balayage sont dictés par un programme d'instructions qui est également stocké dans la mémoire sous forme de symboles. Après la Deuxième guerre mondiale, Turing entra à l'Université de Manchester et devint l'un des pionniers dans le domaine de l'intelligence artificielle.
Turing fit la prédiction suivante: « Je ne vois pas pourquoi l'ordinateur ne pourrait pas pénétrer tous les domaines normalement couverts par l'intellect humain et rivaliser à égalité avec lui. Les machines en viendront à concourir avec moi dans tous les domaines purement intellectuels. » Dans une veine plus souriante, il disait: « Un jour viendra où les dames emporteront leur ordinateur en promenade avec elles et se diront l'une à l'autre: 'Ce matin, mon ordinateur m'a raconté cette chose amusante.'
Selon la Stanford Encyclopedia of Philosophy, l'article de Turing intitulé « Machinerie informatique et intelligence » est l'un des plus fréquemment cités dans les écrits philosophiques modernes. Il a permis d'envisager différemment le problème traditionnel du lien entre l'esprit et le corps. Dans son article « sur les nombres calculables, il a donné une définition du calcul qui en fait l'œuvre fondatrice de l'informatique moderne ».
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Bletchley House |
Enigma |
Pendant la Deuxième guerre mondiale, Alan Turing observa une pause dans sa carrière de chercheur universitaire. Il rejoignit une super-équipe d'intellectuels britanniques, à l'École nationale du Code et du Chiffre de Bletchley Park [2] (maintenant Milton Keynes), travaillaient à décoder la machine allemande Enigma et les chiffres Lorenz, ainsi que 150 systèmes de cryptage et de chiffrage de 26 pays. La machine Enigma, le principal appareil de codage des Allemands, était une machine numérique utilisée pour le codage et le décodage des messages. Le système britannique de recueil des renseignements, connu sous le nom d'Ultra, la désignation ultra-secrète adoptée par le Renseignement militaire britannique en juin 1941 pour les données transmises en temps de guerre obtenues en brisant le codage des messages ennemis transmis par radio et téléscripteurs. Le général Dwight Eisenhower a dit que ce système avait joué un rôle décisif en aidant les Alliés à vaincre. À la fin de la guerre, le Premier Ministre britannique, Winston Churchill, devait dire au roi Georges VI : « C'est grâce à Ultra que nous avons gagné la guerre ». De Turing et de son équipe de briseurs de codes, Churchill dit aussi qu'ils étaient « la poule qui a pondu des œufs d'or sans jamais caqueter » [3]. Nombreux sont ceux qui estiment que Turing et son équipe ont abrégé la guerre d'au moins un an et peut-être de trois.
En 1945, Turing fut fait Officier de l'Ordre de l'Empire britannique (OBE) pour ses services en temps de guerre bien que son travail restât secret pendant longtemps.
En 1952, Turing signala à la police une effraction de son domicile par le complice d'un ami. Au cours de l'enquête, il admit être homosexuel et avoir eu des relations avec cet ami, ajoutant : «Où est le mal ?». À l'époque, l'homosexualité était illégale au Royaume-Uni. Poursuivi pour outrage aux bonnes mœurs, on lui donna le choix entre la prison ou la mise à l'épreuve après acceptation de la castration chimique,solution qu'il choisit.
En 1954, à l'âge de 42 ans, Turing fut retrouvé mort dans son appartement, s'étant, semble-t-il, suicidé en mangeant une pomme contenant du cyanure. Sa mère a toujours prétendu que c'était un accident. Certains ont émis l'idée que les services de renseignement britanniques avaient éliminé Turing (ou tout au moins l'avaient poussé au suicide) craignant qu'un homosexuel de ses connaissances ne le contraigne, par chantage, à divulguer des secrets d'État. Cette thèse est loin de faire l'unanimité car Turing n'avait jamais fait mystère de son homosexualité, si bien qu'il pouvait difficilement être l'objet d'un chantage.
Plaque apposée sur la maison de Turing, à Wimslow, près de Manchester (Angleterre).
En 2009, une pétition a été adressée au Gouvernement britannique, lui demandant de faire des excuses posthumes à Alan Turing pour les poursuites engagées naguère contre lui par les autorités. le Premier Ministre Brown a présenté des excuses au nom du Gouvernement britannique.
2012 a été déclarée « Année Alan Turing » et des manifestations scientifiques ont lieu dans de nombreux pays en hommage à l'œuvre d'Alan Turing.
Glossaire du blog des termes du renseignement et cryptanalyse :
algorithme |
algorithm
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calculabilité |
computability
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chiffre
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figure
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chiffrement, cryptage*
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encryption
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cryptogramme
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cipher
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cryptographie
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cryptography
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cryptosystème
|
cryptosystem
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décryptage
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decryption
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informatique
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computer science, informatics
|
intelligence artificielle
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artificial intelligence
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ordinateur
|
computer
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téléscripteur
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teleprinter GB, teletypewriter US, tape machine
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Selon Wikipedia :
À cause de l'utilisation d'anglicismes puis de la création des chaînes de télévision dites « cryptées », une grande confusion règne concernant les différents termes de la cryptographie :
- chiffrement : transformation à l'aide d'une clé d'un message en clair (dit texte clair) en un message incompréhensible (dit texte chiffré) pour celui qui ne dispose pas de la clé de déchiffrement (en anglais encryption) ;
- chiffre : utilisation de la substitution au niveau des lettres pour coder1 ;
- code : utilisation de la substitution au niveau des mots ou des phrases pour coder ;
- coder : action réalisée sur un texte lorsqu'on remplace un mot ou une phrase par un autre mot, un nombre ou un symbole ;
- cryptogramme : message chiffré ;
- cryptosystème : algorithme de chiffrement;
- décrypter : retrouver le message clair correspondant à un message chiffré sans posséder la clé de déchiffrement (terme que ne possèdent pas les anglophones, qui eux « cassent » des codes secrets) ;
- cryptographie : étymologiquement « écriture secrète », devenue par extension l'étude de cet art (donc aujourd'hui la science visant à créer des cryptogrammes, c'est-à-dire à chiffrer) ;
- cryptanalyse : science analysant les cryptogrammes en vue de les décrypter ;
- cryptologie : science regroupant la cryptographie et la cryptanalyse.
- cryptolecte : jargon réservé à un groupe restreint de personnes désirant dissimuler leur communication.
Le terme « encryptage » et ses dérivés sont des anglicismes, tirés de l'anglais encryption. Le mot « chiffrement » est un terme utilisé depuis le XVIIe siècle dans le sens de chiffrer un message.
L'Académie francaise précise que le mot « cryptage » est à bannir et il ne figure pas dans son dictionnaire même si on peut le trouver dans des dictionnaires usuels. Toutefois, en France, « crypter » est souvent employé, surtout au passif, dans le cadre de la télévision à péage (on « crypte » des chaînes).
D'autre part, le Grand dictionnaire terminologique de l' Office quebecois de la langue fran ç aise permet le mot « cryptage » comme synonyme à « chiffrement » : « La tendance actuelle favorise les termes construits avec crypt-. Plusieurs ouvrages terminologiques récents privilégient cryptage au lieu de chiffrement, terme utilisé depuis longtemps pour désigner cette notion ».
Pour ajouter à la confusion, le terme « chiffrage » est reconnu par l'Académie française mais n'est pas un terme retenu par l'OQLF.
J.G. & J.L.
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[1] Un précédent prétendant se nomme Charles Babbage (1791-1871), mathématicien, philosophe, inventeur et ingénieur mécanicien anglais qui, de l'avis de certains, a eu le premier l'idée d'une calculatrice programmable. Tim Berners Lee (né en 1955) est un autre Anglais qui a beaucoup apporté à l'informatique en inventant le Web mondial (WWW).
[2] Aujourd'hui, Bletchley Park accueille le Centre national des Codes et le Musée national du Calcul.
[3] Note linguistique : En anglais, le verbe to cackle décrit le bruit que font les poules et les oies, notamment après avoir pondu des œufs (et s'applique par extension aux gloussements de la voix humaine). L'allusion de Churchill aux poules qui n'ont jamais caqueté s'entend aussi de celles qui ont pondu des œufs d'or, elle-même inspirée de la fable d'Ésope. Ainsi a-t-il voulu complimenter doublement l'équipe de Turing, en ce sens qu'ils ont aidé les Alliés à remporter une victoire et qu'ils ne s'en sont pas vantés.
Alan Turing - celebrating the life of a genius (8:14 minutes)
Alan Turing - le hacker (3:23 minutes)
Lecture supplémentaire :
Glossaire des termes de sécurité de l'internet
The father of computer science and war hero who was prosecuted for being gay
Morals and the Machine
The Economist, June 2, 2012
Alan Turing, cet informaticien de génie, briseur de codes
atlantico, 22 juin 2012
My first boss, the tortured genius who saved England
Camden New Journal, 5th July, 2012
Royaume-Uni : grâce posthume pour Alan Turing, condamne pour homosexualité
Le Monde, 24.12.2013
Un ordinateur passe le test de Turing: pourquoi c'est important
Le Nouvel Observateur. 10-06-2014
Un manuscrit d'Alan Turing vendu un million de dollars aux enchères
Le Monde, 14.04.2015
New U.K. Currency Honors Alan Turing
NPR - 25th March 2021
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