par Juliette Scott, traductrice professionnelle et chercheuse à l'Université de Portsmouth, Grande-Bretagne, qui gère le passionnant blog From Words to Deeds : translation & the law, dont le but d'établir des passerelles entre la théorie et la pratique ainsi qu'entre les traducteurs, les interprètes et les professionnels du droit.
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Ce petit article fait partie d'une série que j'ai intitulée « What exactly is… ». (cliquez ici pour en voir d'autres, en anglais).
L'émergence relativement récente du poste de « lawyer-linguist » m'intéresse depuis un certain temps maintenant. Le terme s'est retrouvé également sur Twitter cet été avec une foison d'offres d'emploi de la Banque centrale européenne couvrant plusieurs langues.
Bien que cet intitulé semble assez nouveau, vous pouvez voir ci-contre un « lawyer-linguist » des temps anciens : Cicéron…
La vidéo ci-dessous (en anglais), publiée par EU Careers et d'une durée de 7 minutes, donne un aperçu global du travail des « lawyer-linguists » à la Commission Européenne. Inter alia, on nous explique, avec véhémence, que ce travail n'est pas celui d'un traducteur.
Le terme utilisé en français par l'Office européen de Sélection du personnel est « juriste linguiste ». Chose intéressante, le Parlement européen a publié un communiqué de presse au mois d'août (disponible uniquement en anglais pour l'instant dans lequel on constate que l' « on est loin d'être juste un service linguistique » (italiques rajoutés).
Cependant, cela n'est qu'une vision partielle de la chose. En cliquant ici, vous pouvez lire un dépliant sur le travail d'un « lawyer linguist » en langue anglaise à la Cour de Justice de l'Union Européenne à Luxembourg, dans lequel vous verrez que les fonctions sont explicitement et principalement la traduction. Ce dépliant ne semble pas exister en version française, mais vous pouvez lire la description du poste en français ici.
D'autre part, ce terme anglais n'est pas le seul. Au Canada on parle du « jurilinguiste », que l'on peut définir comme suit : « Un jurilinguiste fournit des conseils se rapportant à la terminologie, la syntaxe, la phraséologie, l'organisation d'idées et le style appropriés au langage du droit et, plus précisément, au discours législatif et aux sujets y afférant, ainsi que, dans le contexte de propositions de loi et règlements bilingues corédigés, des services de comparaison afin d'assurer une équivalence entre les versions anglaises et française. » Ici on s'approche davantage de l'aspect « linguistique ».
D'autant que je puisse le voir, il s'agit aussi d'un sujet très sensible. Certaines agences de traduction font leur promotion en faisant valoir que les traductions juridiques au sein de leur agence sont effectuées par des « lawyer-linguists », laissant entendre ainsi que de « seuls » traducteurs seraient en quelque sorte moins efficaces. Certains traducteurs « freelance » s'auto-décrivent comme des « lawyer-linguists » lorsqu'ils sont qualifiés à la fois en droit et en traduction, quel que soit le diplôme. A mon sens, une amélioration de la qualité s'obtient par la collaboration : que ce soit entre le client et le traducteur, le traducteur et le juriste, ou bien avec d'autres experts. Plus il y aura d'échanges d'information, avant et pendant le travail de la traduction, mieux s'en trouvera le résultat.
En ce qui concerne les programmes universitaires, l'Université de Poitiers propose un Master professionnel « juriste-linguiste », appelé aussi JULI, depuis 2001, bien qu'il n'y ait pas d'indications précises sur les professions adoptées par leurs anciens élèves. En Lettonie, la Riga Graduate School of Law propose un Master en « Legal Linguistics » qui « vise les études de droit et de langues, donnant aux juristes et aux linguistes des connaissances interdisciplinaires pertinentes dans les deux domaines ».
Il existe même une Association of Lawyer-Linguists, basé en Slovaquie. Elle semble néanmoins cibler les personnes travaillant au sein des institutions européennes, et leur site web ne montre pas d'activité depuis 2010.
Pour terminer, je vais revenir à mes passerelles. Doit-on forcément se limiter à des camps opposés ? Ne pourrait-on pas trouver une meilleure façon d'associer les deux champs de compétences ?
Qu'en pensez-vous ? Vos commentaires m'intéressent fortement.
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