À l'occasion de la sortie de son dernier livre, Louise Fili a fait l'honneur à vos bloggeurs, Jean et Jonathan, de leur accorder un entretien exclusif. Nous l'en remercions au nom de tous nos lecteurs.
J. : D'abord, félicitations pour votre dernier livre "Elegantissima: The Design and Typography of Louise Fili". C'est une véritable œuvre d'art et un régal pour les yeux.
Louise : Merci.
Louise : De parents nés en Italie, j'ai eu la malchance de naître dans le New Jersey. J'ai ensuite passé les meilleures années de ma vie à tenter de rattraper cela en me rendant en Italie aussi souvent que possible, en photographiant des enseignes, en écumant les marchés aux puces et, bien sûr, en mangeant... Le graphisme italien (et français), particulièrement des années 20 et 30, a énormément influé sur mon œuvre.
J. : Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs ce qu'est l'art de la typographie ?
Louise : La typographie est l'art d'assembler les caractères pour qu'ils soient beaux et lisibles.
J. : Habituellement, nous sommes à la recherche de sujets ou de points de vue anglo-français. Nos lecteurs souhaiteront savoir quelles influences françaises ont marqué votre œuvre.
Louise : Les enseignes des restaurants et des magasins parisiens m'ont toujours beaucoup fascinée. Je photographie des enseignes de ce genre depuis des décennies et, même dans une ville comme Paris où l'on s'attendrait à un certain respect pour cette magnifique typographie, j'ai vu les enseignes commencer à disparaître. Je me félicite donc d'avoir commencé à les photographier quand je l'ai fait.
Paris possède quelques-uns de mes marchés aux puces préférés. Je les fréquente depuis longtemps. Il n'y a rien qui égale la typographie française des débuts du XXe siècle. J'ai deux jeux de livrets de caractères de Deberny & Peignot qui comptent parmi ce que j'ai de plus précieux. Un autre ouvrage dont je ne peux me passer est un fac-similé d'un manuel français de peintre d'enseignes que j'ai reproduit dans mon livre.
J. : Qui étaient Deberny & Peignot ?
Louise : L'une des fonderies de caractères les plus célèbres de Paris, au début du XXe siècle. Elle résultait de la fusion de deux entreprises, les sociétés Deberny et Peignot. Georges Peignot fut l'introducteur en France de l'Art Nouveau dans la typographie.
J. : Parlez-vous français ?
Louise : Un petit peu. À une certaine époque, je le parlais couramment mais, quand j'ai commencé à me concentrer sur l'italien, tout mon français a disparu (mais je peux encore le lire avec plaisir). Quand je suis à Paris, si je commence à parler français, je ne tarde pas à continuer en italien.
J. : Lorsque vous étiez directrice artistique des éditions Pantheon Books, vous avez conçu plus de 2.000 couvertures de livres. En quoi les couvertures françaises diffèrent-elles des couvertures américaines ?
Louise : Quand j'étais directrice artistique de Pantheon Books, j'ai un jour eu une charmante conversation avec le romancier et critique d'art John Berger (l'auteur de Ways of Seeing). Nous avons été d'accord pour estimer que chaque culture a son propre style de couverture de livre, et que ce style est fonction du public auquel on s'adresse. Pour la France (pays où l'on lit), c'était la couverture blanche de Flammarion, avec un lettrage rouge et aucune illustration, alors que les couvertures américaines étaient beaucoup plus illustrées. Cela me rappelle une anecdote que je narre dans mon livre. Un jour, j'essayais d'expliquer à un Français ce qu'était mon métier. « Pourquoi voulez-vous qu'un restaurant ait besoin d'un logo ? », me dit-il, sceptique. Certes, dans une ville comme Paris, de simples lettres néon suffisent. Quelque chose de plus stylisé serait suspect. Toutefois, aux États-Unis, ce n'est pas le cas. Un logo est souvent l'annonce de ce que l'on peut attendre d'un restaurant – que ce soit à la porte de l'établissement ou à la page d'accueil de son site Web.
J. : Vous avez écrit des livres sur le style graphique de l'Italie, de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas, etc. Songez-vous à quelque chose sur le style français ?
Louise : Je l'ai fait! French Modern appartient à cette série consacrée au style graphique Art Déco que j'ai réalisée avec mon mari, Steven Heller. Beaucoup d'illustrations de ce livre proviennent de notre collection.
J. : Actuellement, vous vous spécialisez dans l'esthétique des restaurants et des emballages alimentaires. Dans quels pays se trouvent vos clients et dans quels pays voyez-vous des perspectives d'expansion du marché ?
La plupart de mes clients sont américains, mais j'ai travaillé pour quelques sociétés internationales. Je crois que c'est l'Amérique qui représente un potentiel inexploité! Quand je songe à quel point le raffinement des emballages alimentaires compte pour les supermarchés britanniques, je me demande combien de temps il va encore falloir attendre pour que le marché américain se réveille (s'il se réveille un jour).
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Dessins supplémentaires de Louise Fili :
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Lecture recommandée:
Anne Cuneo. Le Maître de Garamond. Bernard Campiche Éditeur, Orbe, 2002.
L'histoire romancée d'Antoine Augereau qui fut à la fois imprimeur, éditeur et graveur de caractères.
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