LMJ : Quelles études avez-vous suivies ?
Anne : J’ai toujours aimé l’anglais et ma mère était d’ailleurs professeur d’anglais. C’est pourquoi, depuis mon plus jeune âge, j’ai souvent voyagé en Grande-Bretagne et aux États-Unis, avec mes parents.
C’est après une année d’hypokhâgne (aussi appelée « Lettres supérieures », cursus axé sur l’étude des langues anciennes, du français et de la philosophie) à Bordeaux que j’ai choisi de me lancer dans des études d’anglais et d'obtenir ma licence en 1997. Attirée par la culture anglo-saxonne, j’ai décidé d’aller voir le monde et, sac au dos, je suis partie explorer la Californie et passer six semaines à descendre la Highway 101 de San Francisco à L.A., sans oublier de faire un détour par le parc national de Yosemite et Las Vegas.
À mon retour et forte de mon expérience, je décidai de quitter la France et de partir faire ma maîtrise en Angleterre et ainsi perfectionner mon anglais.
LMJ : Qu’avez-vous fait après?
Anne : C’est comme cela (et un peu par hasard) que j’ai débarqué à Bristol en 1998 : férue de cinéma, je choisis comme sujet de mémoire le cinéma contemporain britannique et l’intitulai « Fiction and reality in British contemporary cinema ». La période qui m’intéressait couvrait les années 80 et 90. Mon idée était d’étudier les événements historiques et politiques à travers le prisme du cinéma et de comprendre comment la réalité influençait la fiction et comment le cinéma arrivait à traduire une certaine réalité, celle de l’Angleterre thatchérienne. J’ai donc passé cette année à regarder et étudier les films de Mike Leigh, Ken Loach et bien d’autres.
Ces années ont bien évidemment été excitantes mais aussi formatives, j’ai surtout noué de formidables amitiés et découvert une nouvelle culture. Mon choix de Bristol fut, je le crois, judicieux car cette ville bouillonne de vie et les scènes artistique et musicale y sont tout aussi vibrantes.
Après un petit intermède de trois mois en Australie, Nouvelle-Zélande et Inde, je décidai de rester en Grande- Bretagne et de me former au métier d’enseignante en langues étrangères. J’ai ainsi travaillé dans un nombre de collèges et de lycées du sud-ouest de l’Angleterre.
Ce n’est qu’en 2009 - soit dix ans après mon arrivée à Bristol - que j’ai ressenti le désir et l’envie de m’essayer à la traduction, ce métier me paraissait offrir ce dont j’avais toujours rêvé : la possibilité d’utiliser mes compétences et connaissances dans les deux langues que j’affectionne tant, mais aussi une certaine liberté. En outre, c’était une activité que je pouvais entreprendre à la fois en Angleterre et en France. Pour permettre cette reconversion, j’entrepris un master 2 à l’université de UWE, à Bristol, qui offrait la possibilité d’une formation à distance. C’est ainsi que notre retour en France fut possible.
LMJ : Votre mémoire, intitulé New Words to translate a New World, portait sur les Néologismes dans les textes environnementaux. Pouvez-vous en quelques mots nous décrire ses objectifs principaux ?
Anne : J’y présente les résultats d'une étude contrastive des néologismes français et anglais dans les textes environnementaux d'un point de vue lexicogénique. Mon but visait à découvrir les mécanismes utilisés par les deux langues lors de la création de nouveaux termes.
L'objectif était double: dans un premier temps, il s’agissait de construire une base de données terminologiques bilingue pour ensuite étudier la formation de ces néologismes environnementaux en utilisant un corpus de textes collectés sur l’Internet. Je me suis également servie du corpus du COCA (Corpus of Contemporary American) et des principaux dictionnaires français et anglais comme points de référence pour essayer de dater ces nouveaux termes que j’ai appelés « écotermes ».
Cette étude m’a aidée à découvrir un grand nombre de mots et collocations à la mode en ce début de millénaire comme, par exemple, les mots formés avec les préfixes éco- et bio-, mais m’a aussi aidée à découvrir bon nombre de nouveaux mots composés, centrés sur les mots-clés de « carbone, vert, global ou durable ».
Elle m’a aussi amenée à comparer la façon que les deux langues avaient de créer des néologismes et à tirer des conclusions sur les changements de mentalité et de conception du monde dans les deux pays. Les deux langues semblent évoluer pour pouvoir traduire des questions d'actualité dans un monde en constant mouvement où l’écolangage est devenu roi.
LMJ : Qu’est-ce qui vous a amenée à choisir le sujet de votre master : votre intérêt pour les néologismes ou celui pour l’environnement ou les deux ? Votre intérêt pour ce sujet s’en trouve-t-il renforcé à la fin de ces années d’études?
Anne : En arrivant en France, je me suis d’abord portée volontaire pour traduire la veille politique que publiait l’association Surfrider Foundation, une sorte de lettre d'information résumant toute l’actualité politique européenne ainsi que les directives de l’Union Européenne. C’est comme cela que je suis devenue traductrice en charge du pôle environnement de l’association. La question de l’environnement et l’importance de sa protection et plus particulièrement de celle du littoral et des océans, sont des sujets qui me tiennent à cœur. Je me sens, d’autant plus, concernée par cette question maintenant que je me suis mise au surf…
C’est cet engagement pour l’association qui a guidé le choix de mon sujet de mémoire. C’est avant tout en traduisant pour Surfrider que j’ai découvert les nouveaux termes qui foisonnent dans les textes environnementaux et forment ce que j’ai appelé, « l’écolangage ». Intriguée par cette nouvelle terminologie, j’ai décidé d’étudier les mécanismes et stratégies mis en place par le français et l’anglais pour former ce qu’on appelle des néologismes Le premier problème était avant tout de définir ce qu’était un néologisme, puis de trouver une méthode pour les extraire. Je me suis donc tournée vers la création et l’étude de corpus « the corpus based approach ». Cette recherche a été pour moi fascinante et très enrichissante et je continue, bien sûr, à m’intéresser à la question alors même que mon master est terminé.
LMJ : Comment avez-vous avancé dans votre profession de traducteur?
Anne : J’avoue qu’il n’est pas toujours facile de changer de cap et de carrière ainsi que de pays car, comme dans toute profession, on vous demande une certaine expérience; mais faut-il encore que l’on vous donne la possibilité de l'acquérir ! J’ai décidé de faire le saut au début 2011, et de m’inscrire en tant qu’auto-entrepreneur, je suis ainsi parvenue, malgré les difficultés, à trouver quelques clients basés dans le sud-ouest de la France. Hélas, les progrès sont lents et la concurrence est rude ! Ce n’est que récemment, alors que je terminais mon master qu’avec un ami webmaster, nous avons eu l’idée d’un blog, et c’est ainsi que TransAT vit le jour. C’est à la fois pour moi une plateforme d'échange d'idées mais aussi, je l’espère, un moyen de tisser des liens et d’attirer de nouveaux clients. Je publie un billet par semaine en moyenne et m’intéresse à des sujets ayant trait au monde des langues, à leur apprentissage, à la traduction bien évidemment, et récemment à la linguistique et à la formation de nouveaux termes en français et anglais. Rendez-vous sur http://www.trans-atlantic.fr.
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