Au nom du blog, nous vous souhaitons, chères lectrices et chers lecteurs, chères collaboratrices et chers collaborateurs qui avez fourni des textes dans le courant de 2012, où que vous soyez dans le monde, d'excellentes Fêtes de Fin d'Année.
May you always have walls for the winds, a roof for the rain, tea beside the fire, laughter to cheer you, those you love near you, and all that your heart might desire.
(bénédiction irlandaise)
Jean Leclercq
Divonne-les-Bains
Jonathan Goldberg
Los Angeles
Voici les collaborateurs qui ont récemment soumis des articles ou ont été interrogés par le blog :
pays de résidence
par ordre alphabétique
Tony CLARK
Nicole DUFRESNE
Françoise la Plume de DUSSERT
Joël
DICKER
Louise FILI
Jackie GRAND-
CHAMPS
Carole JOSSERAND
Émilie LECOURS
Alexis NÉDÉLEC
Nadia PRICE
Juliette
SCOTT
Franklin SERVAN-SCHREIBER
Marie TRAN
Voici les personnes que nous avons choisies comme traducteurs ou traductrices du mois pendant la seconde moitie de l'année 2012 (dont quelques unes ont également contribué des articles). Ils nous ont aimablement accordé des interviews.
Nous voudrions également remercier l'Ambassadeur de France aux Etats-Unis, qui avait la gentillesse d'envoyé un message au blog à l'occasion de la publication de notre article sur Pierre Charles L'ENFANT, aussi que l'Ambassadeur de la Suisse aux Etats-Unis, qui a bien voulu nous envoyer ses félicitations à l'occasion du 250ème anniversaire de la naissance du Suisse célèbre, Albert GALLATIN au quel nous avons aussi consacré un article.
Notre amie et correspondante, Denise
Morel, écrivaine et animatrice de plusieurs ateliers d'écriture,
vient de créer un site, Le Palais des mots: http://www.palaisdesmots.fr
En
préface, elle pose la question fondamentale :
Visiteurs
du PALAIS DES MOTS, pourquoi écrire?
écrire
pour un concours, pour un roman, pour raconter ma vie
écrire
parce que j'aime partager, offrir un beau texte
écrire,
ça s'apprend, le style ça vient, le temps on le trouve!
je
ne peux écrire tout ce que je porte en moi... ça viendra !
écrire
ma maladie, mon cancer, mes angoisses,
écrire
ma dépendance à la drogue, à l'alcool, au jeu
écrire
pour rire, me marrer, rigoler, faire des jeux de mots
écrire
pour mes enfants, mes petits-enfants
écrire
des contes, des souvenirs de famille, des voyages
écrire
pour être publié, devenir écrivain, être connu
écrire
des chansons, composer des slams, inventer un rythme écrire
à partir de photos
écrire
sur Internet, participer à des concours littéraires
Quelles
que soient les motivations, le Palais
des mots, au
fil des ses rubriques, s'offre à guider la démarche d'écriture de
toutes sortes de manières. Un conseil cardinal est prodigué
d'emblée : écrire, relire, rectifier, chercher le mot juste. À
cela, LMJ ne peut que souscrire !
Exactement soixante-dix ans après qu'Humphrey Bogard ait répliqué à Ingrid Bergman : « Nous aurons toujours Paris », à la fin du film Casablanca, Paris accueille, en cette fin d'année 2012, trois grands événements culturels qui sont autant d'aspects différents de l'interpénétration culturelle franco-américaine dans le domaine de la peinture et du cinéma.
Audrey Hepburn
Jusqu'au 15 décembre dernier, dans la salle Saint-Jean de l'hôtel de ville de Paris, s'est tenue l'exposition Paris vu de Hollywood. Mais, direz-vous, pourquoi Paris ? Il se trouve que la capitale française est de loin la ville étrangère la plus présente dans le cinéma américain. Plus de 800 films ont été tournés à Paris ou dans un Paris reconstitué en studio. Ernst Lubitsch qui y situa une dizaine de ses films, sans jamais y tourner un seul plan, eut un jour cette boutade : « Il y a le Paris-Paramount, le Paris-MGM et le Paris en France ». En effet, aux yeux des réalisateurs américains, Paris a toujours été le cadre idéal des histoires d'amour et des scénarios-mystères. Et cela, depuis Le roman de Marguerite Gautier (1936) de George Cukor jusqu'au Hugo Cabret (2011) de Martin Scorsese, en passant par Les Trois Mousquetaires (1948) de George Sydney, Un Américain à Paris (1951) de Vincente Minelli et même Les Aristochats (1970) de Wolfgang Reitherman. Tour à tour synonyme de luxe et de raffinement au temps du cinéma muet, de cadre mondain ou de haut-lieu du divertissement avec Moulin-Rouge de John Huston ou Gigi (1958) de Vincente Minelli, Paris est désormais tantôt le théâtre de films d'enquêtes et d'aventures, tantôt un îlot de nostalgie au charme décadent. Réalisée avec la collaboration de la Cinémathèque française et le soutien des services culturels de l'Ambassade des États-Unis d'Amérique, l'exposition s'est voulue très didactique. De nombreux panneaux et des bornes interactives renseignaient le visiteur le long d'un parcours chronologique en plusieurs étapes : le Paris historique du muet, le Paris raffiné de la comédie sentimentale, l'apogée du Cancan film, Hollywood joue dans Paris et, enfin, Paris action, avec des productions aussi récentes que le Midnight in Parisde Woody Allen.
Des écrans diffusaient des séquences de films et des vitrines présentaient des accessoires (chaussures de Gene Kelly, robes d'Audrey Hepburn, etc.) Le public n'a jamais désempli et, l'entrée étant gratuite, il n'était pas rare d'attendre une heure dans la rue de Lobau !
Une Américaine à Paris : Mary Cassatt au Mona Bismarck American Center
Installée à Paris en 1870, Mary Cassatt (1845 – 1927), encouragée par Edgar Degas, sut vite s'imposer dans le monde de la peinture en exposant au Salon de 1872 et en adhérant (en 1879) au groupe des Impressionnistes. Avec Berthe Morisot, elle allait démontrer que cette école pouvait aussi se décliner au féminin. Privilégiant les sujets liés à la maternité et à l'enfance [Nourrice et enfant (1874)], elle est le peintre de la femme par excellence, au style à la fois ferme et délicat. Aucune rétrospective de son œuvre n'a jamais été tentée jusqu'ici et ce qu'on nous propose cette fois n'est qu'une première approche, constituée de près de 70 gravures, pastels, aquatintes et dessins provenant essentiellement de la collection du marchand Vollard. Suffisamment, malgré tout, pour démontrer la maîtrise technique et artistique d'une Américaine qui s'épanouit en France et contribua ensuite à faire connaître chez elle les maîtres de l'art pictural français de la fin du XIXe siècle. Une passerelle au-dessus de l'Atlantique !
L'inimitable Edward Hopper, peintre de la lumière et de l'attente
Self-portrait [Autoportrait](1925-1930)
Compartiment C, Car 193 [Compartiment C, voiture 193] (1938)
Enfin, depuis le 10 octobre et jusqu'au 28 janvier 2013, aux Galeries nationales du Grand Palais, une exposition à ne manquer sous aucun prétexte : Edward Hopper. Autre artiste qui doit autant à l'Europe qu'à l'Amérique - mais que seule l'Amérique pouvait enfanter - Edward Hopper (1882 – 1967) est le sujet de l'exposition la plus complète jamais organisée jusqu'ici. Les premières salles sont dédiées aux années d'apprentissage à la New York School of Art (de 1900 à 1924), entrecoupées de trois séjours à Paris (1906, 1909 et 1910) au cours desquels Hopper subit l'influence des maîtres français, Degas et, surtout, Marquet. Ses premières huiles sur toile (Pont à Paris, Le Pont des Arts, Le Quai des Grands Augustins) sont nettement post-impressionnistes. Il fait aussi une découverte qui l'influencera durablement, celle de la lumière. Hopper écrit :« La lumière était autre que tout ce que je connaissais. Même les ombres brillaient, et il y avait beaucoup de lumière réfractée. Jusque sous les ponts, dominait une certaine clarté. » Les ponts, déjà omniprésents, comme les voies ferrées et les navires. Revenu à New York, et parce qu'il lui faut vivre, le peintre se lance dans l'illustration commerciale. Il dessine des couvertures de revues (pour Hotel Management, Wells Fargo, etc.) et commence une série d'aquarelles représentant des résidences néo-victoriennes des environs de New York qui annoncent son œuvre future. Les décors architecturaux occuperont dès lors une grande place dans sa peinture. Ce bâti, souvent extravagant, des débuts du XXe siècle et qui va progressivement disparaître au profit des grands immeubles modernes, fascine visiblement Hopper [Maison au bord de la voie ferrée (1925), Laville (1927), Tôt un dimanche matin (1930)] . D'ailleurs, l'exposition ménage plusieurs « entractes », espaces obscurs de transition entre les différentes étapes de l'évolution d'Hopper. Des séquences filmées y sont projetés montrant le New York bourdonnant d'avant la grande Crise économique ou des diaporamas de couvertures dessinées par Hopper pour des revues de grande diffusion. Cela permet de mieux situer la période et le milieu au sein duquel mûrit le talent si original de l'artiste, mais aussi d'apprécier son extraordinaire coup de crayon. À mesure que le temps passe, les paysages et les scènes de rues cèdent la place au thème du commerce mystérieux des êtres. Ce n'est plus « un rayon de soleil découpant une architecture », mais un ou plusieurs personnages qui attendent, semblant plongés dans une profonde méditation, le plus souvent rivés à une fenêtre qui est une échappée sur le monde extérieur [le célèbre Noctambules (1942) Conférence nocturne (1949), Gens au soleil (1960)]. Transmis avec une extrême minutie, le message d'Hopper traduit-il l'incommunicabilité des êtres, l'attente, la solitude? Ou tout simplement la lumière ? À propos de Chambres au bord de la mer (1951), l'artiste écrit justement : « Peut-être ne suis-je pas très humain. Mon désir consistait à peindre la lumière du soleil sur le mur d'une maison. »
People in the Sun [Gens au soleil] (1960)
Railroad Sunset [Coucher de soleil sur voie ferrée] (1929)
Le mot juste : Où êtes-vous née, quelle est votre langue maternelle et où habitez-vous?
Jackie : Je suis née à Liège, dans le sud-est de la Belgique où l'on parle français, et non néerlandais comme dans la partie nord-ouest du pays. Ma mère est luxembourgeoise, mais mon père, francophone, a tenu à ce que mes sœurs et moi ne soyons élevées qu'en français. Je le regrette maintenant, car en ayant des notions de luxembourgeois, j'aurais eu plus de facilite a apprendre le néerlandais et l'allemand qui sont aussi les langues nationales de la Belgique. Aujourd'hui, je parle plus souvent anglais puisque j'habite a San Leandro, en Californie, et cela depuis 1995.
Le mot juste : D'après ce que j'ai compris, vous avez effectué un changement de carrière radical après votre installation aux États-Unis. Pouvez-vous nous en dire plus?
Jackie : En Belgique, j'ai fait des études scientifiques en zoologie, puis en biologie à l'université de Liège, où j'ai obtenu un doctorat en biologie moléculaire. Pour effectuer mon post-doc, j'ai choisi la Californie, et c'est à l'université de Stanford que j'ai été engagée par un laboratoire pour faire de la recherche sur le cancer.
Quelques années plus tard, avec l'explosion des start-ups, j'ai décidé de changer de domaine et de faire de la recherche comportementale concernant les utilisateurs de ce nouvel outil qu'était Internet. Mais, là encore, le contact avec les gens me manquait et, en 2003, j'ai décidé de créer ma propre entreprise. C'est dans le tourisme que j'ai décidé de me lancer, ce qui me permettait de réaliser mes envies d'interactivité avec les gens et aussi de créer un pont entre mon lieu d'origine, l'Europe et les États-Unis.
Le mot juste : À l'heure actuelle, vous accompagnez des groupes d'Américains en Europe pour des circuits culturels, des stages de peinture ou des ateliers de cuisine. Comment ça marche?
Jackie : Je créé des circuits dans les endroits que j'aime et que je veux faire découvrir aux Américains, ou plutôt aux anglophones, car mes clients viennent parfois du Canada, d'Australie ou des Îles britanniques. Les circuits durent huit jours. Les participants me retrouvent dans le pays choisi, et je les prends en charge dès leur arrivée; ils n'ont plus à se soucier de quoi que ce soit. À bord d'un minibus confortable, je les conduis sur tous les lieux de visite ou de dégustation, sur les sites à peindre ou chez les grands cuisiniers pour des cours de cuisine. En fin de séjour, je les ramène à la gare ou à l'aéroport.
En Belgique, nous visitons la Wallonie et les Flandres: visite de Bruges et de Bruxelles, journée consacrée à la 2ème guerre mondiale; atelier de confection de spéculoos et dégustation de chocolat; découverte de la Mer du Nord à Ostende et goûter chez l'habitant.
En Suisse, loin des foules cosmopolites qui inondent Interlaken, mon circuit propose une découverte de la région de la Gruyère et des bords du lac Léman: visite de Gruyère et de son château, du Grand chalet de Balthus et du château Chillon; dégustation de plats locaux chez l'habitant, de vin et de chocolat, marché de Vevey;...
Le mot juste : Quand vous organiser un séjour de cuisine, quels plats préparent les américains de votre groupe? Reçoivent-ils des conseils des chefs locaux? Est-ce que la nourriture préparée est aussi bonne que celle qu'on trouve dans les restaurants locaux?
Jackie : Pour l'instant, nous organisons des séjours de cuisine en Provence. Les participants préparent des plats typiques de la région, comme la ratatouille, des plats à base de foie gras ou de melon qui est une spécialité locale. Les chefs français non seulement donnent des conseils et aident à la préparation, mais nous les accompagnons sur les marchés locaux où ils nous expliquent comment reconnaitre des produits frais.
Quant au goût des plats préparés, sans vouloir me vanter, ils sont meilleurs que ceux servis dans les restaurants. Les produits que nous utilisons sont frais du marché, ou même cueillis par nous le jour même. En effet, lorsque nous préparons la ratatouille, nous allons dans un jardin biologique, avec le chef, et nous ramassons les légumes directement. Les produits ne pourraient pas être plus frais.
Le mot juste : Vous travaillez avec un contact dans la région Rhône-Alpes, dans le Sud de la France. Quelles sont ses qualifications et quelle est sa contribution?
Jackie : Valérie Sans habite effectivement cette région de France. Elle a deux maîtrises, une en littérature française et, l'autre, en littérature anglaise. Elle a enseigné pendant trois ans aux États-Unis en tant que boursière Fullbright. Elle a donc une connaissance approfondie des cultures française et américaine. Son rôle est d'établir des contacts locaux pour mes voyages, et également de rechercher les endroits stratégiques qui intéressent les américains sans que ce soient des visites touristiques organisées par tous les voyagistes.
Valérie Sans
Le mot juste : Organisez-vous également des voyages en Californie pour les francophones?
Oui, depuis quatre ans, j'organise des visites à la carte pour individuels ou petits groupes francophones à San Francisco et alentours. J'organise soit des visites à pied dans la ville, soit des visites en voiture. Les clients peuvent choisir ce qu'ils veulent visiter et le temps qu'ils souhaitent passer avec moi. Cela varie d'un à plusieurs jours. Tous mes voyages, que ce soit en Europe ou en Californie, sont décrits en détail sur mon site Internet : www.frenchescapade.com
À l'automne dernier, un jeune auteur suisse, Joël Dicker, a défrayé la chronique en remportant successivement deux grands trophées littéraires français : le Grand Prix du Roman de l'Académie française et le Prix Goncourt des lycéens. Son livre [1], La vérité sur l'affaire Harry Quebert, s'est déjà vendu à 250.000 exemplaires dont 25.000 avant l'obtention des deux prix !
Malgré l'agenda très chargé d'un auteur à succès, Joël Dicker a répondu aux cinq questions que Jean Leclercq lui a posées. Le mot juste l'en remercie et a le plaisir de publier cet entretien.
[1] Dicker, Joël. La vérité sur l'affaire Harry Quebert. Paris, Éditions de Fallois/L'Âge d'Homme, 2012. 669p.
Le mot juste : Monsieur Dicker, vous êtes Genevois, juriste de formation, et vous n'avez que 27 ans. Or, votre livre révèle une connaissance intime des États-Unis. Qu'il s'agisse de la Nouvelle-Angleterre ou du Sud profond, vous semblez parfaitement à l'aise dans le quotidien américain. D'habitude, les auteurs européens se sentent obligés d'utiliser des clichés qui finissent par agacer le lecteur averti. Chez vous, rien ne sonne faux. Comment avez-vous acquis une telle connaissance de la culture américaine ?
Joël Dicker : À force d'y passer du temps, j'ai peu à peu appris à connaître les États-Unis de l'intérieur. Cela fait plus de vingt ans que je vais, chaque année ou presque, passer quelques semaines aux États-Unis. J'ai donc appris à comprendre le fonctionnement de la société américaine. Je connais très bien la Nouvelle-Angleterre, je m'y sens très à l'aise. Mais, je connais également bien d'autres parties du pays, comme le Midwest, que j'ai longuement sillonné. Je suis même allé à deux reprises dans l'État que vous considérez être la dernière frontière : l'Alaska.
Le mot juste : À tort, on a d'abord présenté votre livre comme un« roman policier », alors qu'il est bien plus que cela. L'Académie française ne s'y est pas trompée en vous décernant son Grand Prix. Ceci étant, l'intrigue policière n'en constitue pas moins le fil conducteur. Sous ses dehors lisses et son ambiance feutrée, Genève a connu bien des énigmes policières. Pourquoi situer votre roman aux États-Unis ?
Joël Dicker : J'avais envie de situer mon livre en Nouvelle-Angleterre pour raconter aux lecteurs français et européens cette région magnifique et exceptionnelle. J'avais également envie de rendre hommage à ces endroits qui m'ont tant inspiré. Vous avez cependant raison : j'aurais parfaitement pu situer mon intrigue à Genève, ou en Suisse. Mais j'avais envie de prendre de la distance avec mes personnages, avec mon intrigue. La Nouvelle-Angleterre me permettait un certain détachement avec le livre et je ressentais en avoir besoin.
Le mot juste : Votre livre semble comporter de nombreux éléments autobiographiques. Votre héros, Marcus Goldman, est un écrivain dont le premier livre a eu un énorme succès. Devenu célèbre, il connaît les affres d'un passage à vide - le syndrome de la page blanche – alors que son éditeur exige de lui un deuxième ouvrage. « Faire pour faire n'a jamais eu de sens » écrivez-vous (p. 274). Que pensez-vous de ces contrats qui obligent les auteurs à écrire un livre par an ? Peut-on bien écrire à jet continu et à la demande de son éditeur ?
Joël Dicker : Vous savez, il n'y a pas grand chose d'autobiographique dans ce livre. Marcus rencontre le succès avec son premier livre, en ce qui me concerne, c'est le sixième. Si des contrats obligent à la livraison d'un livre par an, c'est que les auteurs le veulent bien. La véritable réflexion qui m'intéressait était celle de la relation auteur-lecteurs. Il y a parfois chez les écrivains la peur de la perte du lien entre eux et les lecteurs. Au fond, c'est le plus passionnant, je trouve. Cette relation presque dépendante avec son public que peut créer le succès. Marcus a peur de voir le lien se rompre. Mais c'est le livre qui doit créer le lien, et non l'inverse.
Le mot juste : « Publier, cela signifie que ce que vous avez écrit si solitairement vous échappe soudain des mains et s'en va disparaître dans l'espace public. C'est un moment de grand danger: vous devez garder la maîtrise de la situation en tout temps. Perdre le contrôle de son livre, c'est une catastrophe » (p.385), dit le maître Harry à son élève Marcus. N'y aurait-il de sécurité et de tranquillité pour un auteur que dans l'œuvre confidentielle ou posthume, comme celle de Kafka ?
Joël Dicker : Non, je ne pense pas. La question ne réside pas tant dans l'ampleur de la diffusion que dans la diffusion elle-même. Aussitôt qu'un texte devient public, peu importe l'audience qu'il rencontre, l'auteur en perd partiellement la maîtrise. Une seule personne, une seule interprétation suffit. L'important réside donc dans la capacité de l'auteur à pouvoir réagir aux interprétations qu'on fait de son texte. Dès qu'il n'est plus en moyen de le faire, je pense qu'on peut considérer qu'il a perdu la maîtrise de son texte.
Le mot juste : Votre dernier roman est un grand succès. Reprendrez-vous vos travaux de révision constitutionnelle ou vous consacrerez-vous entièrement à l'écriture ? Dans ce cas, les Américains ayant reconduit dans ses fonctions un président qui avait vos faveurs, situerez-vous votre prochain roman outre-Atlantique ?
Joël Dicker : J'ignore encore de quoi seront faites les prochaines années, mais il y aura en tout cas un prochain livre. Se déroulera-t-il aux États-Unis ? C'est très probable. Non pas parce que Barack Obama a été réélu, mais parce que je ressens un grand intérêt personnel à y situer mon intrigue. Peut-être parce que cela me permet de créer un lien avec ce pays. Vivre à cheval entre la Suisse et les USA. Cela a quelque chose de très plaisant pour moi.
Portrait of Orleans par Edward Hopper huile sur toile reproduite en couverture du livre
L'article suivant a été
rédigé par Marie Tran, auteure-journaliste française, exclusivement pour Le Mot Juste. Marie
collabore régulièrement à notre blog et nous attachons un grand intérêt à
ses
collaborations. Nous recommandons également son article, Querelle de talons rouges, publiésur ce blog.
Ce sont des souliers magiques. Ceux de Dominic Wilcox, un
designer londonien, qui a eu l’idée d’équiper une paire de chaussures d’une
fonction GPS. La création a été baptisée "No Place Like Home,"
en hommage aux chaussures rouges de Dorothy Gale (Judy Garland) dans Le
Magicien d’Oz. Même si l’objectif est le même : retrouver le chemin de son
« chez soi », ces deux paires de souliers n’ont pas grand chose à
voir.
Il n’existe en effet aucune ressemblance avec les malicieux souliers
rubis avec lesquels Judy Garland circule au Pays d’Oz. Les chaussures de Dominic
Wilcox sont des chaussures d’homme, de type Richelieu, grises, élégantes
certes, mais définitivement classiques… quoique leurs semelles aient été
joliment décorées et que leur doublure rouge apportent une touche de couleur. La
véritable fantaisie des chaussures de Dominic Wilcox tient en fait dans leur
possibilité d’indiquer le chemin à suivre à leur propriétaire. Ainsi, l’extrémité
de la chaussure gauche est équipée de lumières Led avec pour mission de vous
conduire là où vous le désirez. Pour la chaussure droite, une autre fonction
entre en scène : un compteur qui indique le nombre de kilomètres qu’il reste
à parcourir avant d’arriver à destination. Pour la mise en route, et après
avoir programmé sur un ordinateur le lieu à atteindre, il suffit de claquer les
talons tout comme Dorothy entrechoquait ceux de ses souliers rouges dans
le Magicien d’Oz !
Une étude (« Shoes as a source of first impressions »)
menée par l’université du Kansas, et publiée dans le Journal of Research in
Personality aurait pu trouver matière à étudier ces deux paires de chaussures
atypiques pour tenter d’y découvrir la personnalité de leur propriétaire.
Sur la base de 200 photos de chaussures de personnes ayant entre 18
et 25 ans, 68 étudiant ont dû se prononcer sur la personnalité - mais aussi les
opinions politiques - de leurs propriétaires… Les résultats ont été croisés
ensuite avec ceux livrés par les « cobayes ». Age, niveau social,
opinions politiques - liberal ou conservative -, réservés ou extravertis,
calmes ou agressifs… Dans 90 % des cas, les résultats auront correspondu entre
le ressenti des étudiants et celui de porteurs de chaussures (exceptions faites
des opinions politiques cependant). C’est ainsi que cette étude a pu mettre en
lumière que les adeptes des boots à boucles sont plutôt du genre agressif. Ou
encore, plus évident, que les chaussures de qualité sont recherchées par des personnes
aisées.
Quelle interprétation pour les chaussures de Dorothy et les « No
place like Home » si celles-ci avaient été soumises à ce panel
d’étudiants ? Le diagnostic est simple : le choix pour des couleurs vives –
donc comme le rouge.. - reflète une personnalité plutôt extravertie (Et il faut
l’être pour se promener comme Dorothy avec un épouvantail, un homme de fer et
un lion peureux). Les souliers de coloris neutres tels que les cuirs grisés,
marron, noirs… sont eux recherchés par des personnalités qui manquent de
confiance en elles. Peut-être est-ce pour les guider que Dominic Wilcox leur a
ajouté la fonction GPS ?
Salvador Felipe Jacinto Dalí, premier marquis de Dali et de Púbol (1904 -1989), grand maître du surréalisme espagnol, reçoit actuellement un hommage sans précédent des deux côtés de l'Atlantique. En effet, tandis qu'à Paris une grande exposition de quelque 200 œuvres de Dali verra encore affluer les visiteurs à Beaubourg jusqu'au 25 mars 2013 [1], Montréal lui consacre trois manifestions culturelles très originales. Ce fut d'abord, le 5 novembre dernier, le dévoilement, après des décennies d'oubli, du gigantesque rideaude scène (9x 12 mètres) peint par Dali en 1944 pour Tristan fou, avec une chorégraphie de Léonide Massine.La toile de Dali avait dormi pendant des décennies chez le marquis de Cuevas (mécène du ballet), avant d'être achetée par une fondation culturelle suisse privée.
Dévoilement du rideau de scène de Dali, à Montréal, le 5 novembre 2012. Source : ARTFINO Canada
Ouvre à partir du 13 décembre, une exposition de photographies préludant au spectacle de Daniele Finzi Pasca intitulé La Verità. Ce sera, enfin, du 17 janvier au 3 février 2013, au théâtre Maisonneuve, la première mondiale de La Veritàà La Place des Arts, spectacle auquel participeront marionnettistes, acrobates, danseurs et chanteurs.
L'élément central du décor de cette grande fresque scénique sera le rideau de tulle de Dali, illustration du mythe fondateur de l'amour courtois, revisité à la lumière de la psychanalyse.
Après Montréal, l'œuvre et les artistes de La Verità effectueront une tournée à travers l'Europe et l'Amérique latine.
Madame Jennifer Whisper, critique d'art et commissaire de l'exposition Finzi Pasca, Dali & La Verità a bien voulu nous présenter la deuxième de ces manifestations montréalaises. Nous lui donnons bien volontiers la parole :
L'article suivant a été redigé par Anne Anstice conjointement pour ce blog et pour son propre blog. Diplômée de l'Université de Bristol en 2002 (Postgraduate certificate in Education in MFL), Anne est enseignante de formation. Elle s’est inscrite à un cours de maîtrise (MA2) en traduction de l’Université de West of England, et elle a obtenu son diplôme en 2012 « with distinction ». Son mémoire, intitulé « New Words to Translate a New World », portait sur les néologismes dans le domaine de l'environnement.
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La naissance d'un mot est un fait remarquable et sa formation empreinte de mystère. C'est ce mystère qui m'a toujours intriguée et fascinée. C'est aussi le mystère qui entoure la formation du mot "greenwash" que nous allons essayer d'élucider dans ce billet. Nous verrons comment les mots voyagent d'une langue à l'autre et peuvent s'employer soit dans leur forme d'origine, soit traduits dans une autre langue.
Le Service postal des États-Unis et la Poste française émettent des timbres à l'effigie d'Édith Piaf et de Miles Davis
feuille de timbres américains
La musique est un langage universel qui transcende les frontières et les océans. À cet égard, les deux timbres Édith Piaf et Miles Davis émis conjointement par le Service postal des États-Unis et la Poste française forment un duo musical qui enchantera mélomanes et philatélistes. Plus tôt cette année, en collaboration avec la Poste suédoise, la Poste française avait émis deux timbres à l'effigie du compositeur Esprit Auber (0,60€) et de son œuvre Gustave III ou le Bal masqué (0,77€).
Cette fois, dans un autre magnifique geste de coopération culturelle, les deux services postaux honorent des artistes particulièrement représentatifs de la musique populaire de leur pays. Édith Piaf, à jamais associée au Paris qui l'a vue naître, est une des rares chanteuses françaises qui se soit faite un nom aux États-Unis; Miles Davis, trompettiste de jazz américain, chef d'orchestre et compositeur, est adulé en France où il s'est produit à maintes reprises. [1]
timbres français, émis le 6 decémbre 2012
La vie tumultueuse d'Édith Piaf (1915-1963) connut des débuts orageux. Née à Paris, Édith Gassion fut abandonnée par sa mère et connut ensuite la vie errante d'une chanteuse des rues accompagnant un père, acrobate forain. Petite femme de moins de cinq pieds (1,52m.), elle fut découverte par un propriétaire de boîte de nuit qui la surnomma « Piaf » (moineau, en argot parisien). Elle devint vite célèbre en interprétant des chansons d'amour réalistes dans lesquelles certains ont vu des sortes de « blues » à la française. Piaf fit dix tournées américaines et donna deux récitals au Carnegie Hall. En 1960, déjà malade, la chanteuse lança le pathétique « Non, je ne regrette rien » qui devait devenir son morceau fétiche.
Miles Davis (1926-1991) devint trompettiste professionnel à l'âge de 16 ans et fit son premier enregistrement connu un peu avant d'avoir 19 ans. Pendant les décennies qui suivirent, il fut à l'avant-garde des musiciens de jazz , définissant les tendances et explorant des styles musicaux allant du bebop au funk, en passant par le cool jazz et le fusion. L'infatigable recherche musicale de Davis a parfois médusé ses critiques et admirateurs, tout en le faisant apparaître à d'autres comme un héros. Parmi ses nombreux enregistrements marquants figurent Birth of the Cool, Kind of Blue,Sketches of Spain, et In a Silent Way. Ce fut aussi un grand chef d'orchestre et de nombreux musiciens de renom ont « percé » au sein de ses formations, dont les saxophonistes John Coltrane et Wayne Shorter, les batteurs Tony Williams et Jack DeJohnette, et les pianistes Bill Evans, Chick Corea et Herbie Hancock.
Précisons qu'en juin dernier, le Service postal des États-Unis a émis deux timbres à validité permanente (forever) alors que la Poste française va émettre, le 6 décembre 2012, deux valeurs distinctes: Miles Davis (0,60€) et Édith Piaf (0,89€).
[1] Lors de son premier séjour en France, en 1949, Miles Davis se lia d'amitié avec Boris Vian qui le présenta à Picasso et à Jean-Paul Sartre ainsi qu'à Juliette Gréco, l'égérie du Saint-Germain des Près de l'époque. Une idylle s'ensuivit et, plus tard, Davis devait dire de Juliette qu'elle fut "probablement la première femme qu'il ait aimée en toute égalité". En 1989, Jacques Chirac, alors maire de la capitale, remit à Miles Davis la Grande Médaille de Vermeil de la ville de Paris, distinction dont le musicien se déclara extrêmement touché et honoré.
Le 10 novembre, nous avons publié un article intitulé « Jour du Souvenir - 11 h, le 11e jour du 11e mois » pour commémorer l'heure et le jour de l'armistice qui mit fin a la Première Guerre Mondiale en 1918. Nous avons également expliqué pourquoi ce jour s'appelle « Poppy Day » en anglais (le Jour du Coquelicot). Cette appellation dérive d'un poème, « In Flanders Fields » que nous avons cité, écrit par un militaire canadien, John McCrae, qui aperçut comment les coquelicots avaient fleuri dans la terre où ses camarades étaient enterrés près du canal de Ypres-Yser.
Pour compléter ce récit, mon co-bloggeur, Jean Leclercq, qui connaît bien la région d'Ypres-Yser, a rédigé l'article suivant.
Si, n'en déplaise au poète, le coquelicot est une fleur « qui dit quéq'chose », il n'est pas certain qu'Ypres, l'Yser ou Gallipoli soient aussi bien connus de tous. Un peu d'histoire donc, et plus précisément celle de la Grande Guerre, 1914-1918.
Le conflit, déclenché en août 1914, commença par une guerre de mouvement qui, au bout de six semaines, s'acheva par la victoire française de la Marne, obligeant l'armée allemande à se replier d'une centaine de kilomètres et à s'enterrer pour mener une guerre de position. Dès lors, et pendant quatre ans, le front occidental n'évolua plus guère, offensives et contre-offensives n'aboutissant qu'à déplacer les lignes de quelques dizaines de kilomètres de part et d'autre, dans le meilleur des cas. Tout cela, au prix de pertes humaines effroyables dues à la puissance de feu mise en œuvre au cours de ces combats.
Dans le secteur nord, essentiellement tenu par les armées britannique et belge, la ligne de feu se stabilisa à la hauteur de la ville d'Ypres (Ieper, en flamand), saillant du dispositif allié. La belle cité flamande fut totalement détruite - mais heureusement reconstruite à l'identique, après la guerre. Il ne resta plus de la Belgique non occupée qu'une petite bande de territoire entre l'Yser (petit fleuve côtier de 78 km de long) et la frontière française à laquelle s'accrocha le roi Albert 1e r (le Roi Soldat) avec ce qui subsistait de son armée, épaulée par la brigade fusiliers marins français de l'amiral Ronarch. Au nord du saillant d'Ypres, le front suivait le canal d'Ypres à l'Yser (Kanaal Ieper-Ijzer, en flamand), furieusement disputé.
C'est dans le secteur d'Ypres que les Allemands utilisèrent pour la première fois, en 1917, un gaz de combat à base de sulfure d'éthyle dichloré d'abord surnommé « gaz moutarde » (à cause de son odeur) puis, plus techniquement, d'ypérite (d'après Ypres). Le substantif donna même le verbe ypériter (ypériter une zone) et l'adjectif ypérité (un blessé ypérité).
Pour Gallipoli et les Dardanelles, c'est une autre histoire. En 1915, Winston Churchill, alors Ministre britannique de la marine – et qui ne fut jamais à court d'idées – conçut le projet de s'emparer des Détroits turcs (les Dardanelles), ce qui aurait coupé l'empire ottoman de ses deux alliés austro-hongrois et allemand, et l'aurait forcé à capituler.
Les détroits des Dardanelles
En outre, les Alliés auraient pu ravitailler la Russie par la Mer Noire, ce qui aurait sensiblement modifié la logistique des approvisionnements. Une expédition franco-britannique tenta donc de forcer le passage des Détroits. Outre l'importante armada d'abord concentrée à Corfou, les Français débarquèrent des troupes sur la rive orientale et les Britanniques investirent la presqu'ile de Gallipoli, sur la rive occidentale des Détroits.
Les forces britanniques, en majorité australiennes et néo-zélandaises (les ANZACs), se heurtèrent aux forces turques du général Mustapha Kémal, le futur Ataturk (le Père des Turcs). Après des combats terrestres très meurtriers ainsi que des pertes navales importantes (dont celle du cuirassé français Bouvet), les Alliés durent se replier et Churchill fut contraint de démissionner.
Soldats australiens morts sur les champs de bataille, 1915
Aujourd'hui encore, les Australiens se souviennent de la boucherie de Gallipoli et n'ont pas pardonné au haut commandement britannique d'avoir si mal engagé l'affaire en sous-estimant la combativité de l'armée ottomane. Ypres, l'Yser, Gallipoli, autant de lieux où a fleuri le coquelicot!
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