Nous souhaitons la bienvenue à notre invitée, la Professeure Kaufmann. L'entretien qui suit a été géré par Jonathan G. à Jérusalem.
Le Mot juste : En septembre 2011, vous avez officiellement pris votre retraite de professeur à l'université israélienne Bar Ilan, mais votre carrière a été (et reste) très riche et variée.
Francine K. C'est vrai. Après un cursus à Paris X-Nanterre qui m'a conduite à une maîtrise de théâtre et au doctorat ès lettres, parallèlement à des études d'hébreu à l'École des Langues orientales de Paris et à l'université de Lille (et plus tard un diplôme de communication à Boston), j'ai enseigné durant cinq ans la langue et la littérature hébraïques aux universités Paris III et Paris VIII. Puis, après mon installation à Jérusalem, en octobre 1974 et jusqu'à ma retraite, j'ai enseigné la traduction et l'interprétation d'hébreu en français, à l'université Bar Ilan, dans le seul département spécialisé d'Israël, dont j'ai été deux fois la directrice. Parallèlement à ma carrière de professeur des universités, je suis aussi essayiste, traductrice de poésie, conférencière, interprète officielle, interprète de conférences et interprète audiovisuelle. J'ai aussi été longtemps journaliste, réalisatrice et présentatrice à la télévision française, à La Voix d'Israël : la radio israélienne, et correspondante d'une radio juive en France (RCJ).
LMJ : Votre CV est tellement rempli que nous ne pouvons vous demander que quelques exemples de votre contribution dans chaque domaine. Avant de rentrer dans les détails, dîtes s'il vous plaît à nos lecteurs quelles sont les langues que vous maîtrisez.
Francine K. Je suis née à Paris et j'y ai vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Ma langue maternelle (et principale langue de travail) est donc le français. J'ai appris enfant à lire, écrire et comprendre un peu l'hébreu, langue des prières et de la Bible, dans un cours d'instruction religieuse. Mais ma première rencontre avec l'hébreu en tant que langue vivante et parlée a été à une école secondaire juive. Après la signature des accords culturels entre la France et Israël en 1962, j'ai même remplacé l'anglais, qui était ma première langue étrangère, par l'hébreu que j'ai présenté au baccalauréat, et j'ai pour la première fois eu accès à la littérature israélienne. À l'université, comme je vous l'ai dit, j'ai suivi des cursus parallèles de langues et littératures françaises et hébraïques, avec un certificat d'anglais, langue étrangère. Quand je suis devenue interprète de conférences, j'ai fait deux séjours linguistiques de deux mois chacun, l'un à Londres, l'autre à Boston, pour perfectionner mon anglais. Aujourd'hui, je travaille essentiellement d'hébreu et d'anglais en français par écrit. Comme interprète, je travaille aussi vers l'hébreu.
LMJ : Quand vous avez été nommée chef du département de traduction et d'interprétation de l'université Bar-Ilan, le choix de langues disponible était anglais-hébreu-anglais, français-hébreu-français. Quelles autres langues avez-vous ajoutées pour élargir l'éventail des combinaisons offertes.
Francine K. Lors de mon premier mandat, j'ai créé des sections en espagnol-hébreu-espagnol et allemand-hébreu-allemand. Jusqu'à ce jour, la plupart des professionnels actifs sur le marché sont issus de ces promotions. Lors de mon second mandat, j'ai créé une section dont je suis particulièrement fière : arabe-hébreu-arabe. J'ai aussi essayé de créer une section russe. J'avais déjà choisi des professeurs, préparé un cursus et fait passer les examens d'entrée. Mais, il n'y avait pas suffisamment de bons candidats et c'est mon successeur qui a pu reprendre le projet et le faire aboutir. Aujourd'hui, Bar Ilan continue à former des professionnels dans les sections annuelles, anglaise et française, et propose en alternance les autres filières : c'est ainsi que, l'année prochaine, l'espagnol va remplacer l'arabe. Quant à l'interprétation communautaire (dans les hôpitaux, les tribunaux etc.) et l'interprétation en langue des signes, c'est une filière parallèle.
LMJ : Dans quelle mesure avez-vous pu mener de front votre carrière universitaire et vos activités dans les media ?
Francine K. Sur un plan pratique, j'ai souvent dû jongler avec les horaires et passer des nuits blanches. Il va sans dire que ma fonction d'enseignante et de chercheur a toujours été ma priorité. Mais je considère que les aptitudes exigées d'un journaliste ou d'un traducteur sont très proches : il faut être capable de se documenter aux bonnes sources, savoir s'exprimer par écrit et/ou oralement avec clarté et élégance, être doté d'une grande curiosité et d'une souplesse intellectuelle pour passer d'un sujet à l'autre, avoir le sens de la pédagogie pour s'adapter au niveau de son public-cible, en utilisant son vocabulaire et ses références. Je suis d'ailleurs devenue interprète dans un second temps, parce que l'expérience du micro, du reportage, du direct, m'avaient préparée à l'interprétation simultanée, sans que j'en sois consciente bien sûr. En Israël, une bonne partie des interprètes, avant même la création de notre École d'interprètes (en 1972), étaient des journalistes de La Voix d'Israël (la radio nationale israélienne), et même aujourd'hui, ce sont souvent les journalistes-vedette de la télévision et de la radio qui, sans avoir reçu une formation particulière, assurent l'interprétation des conférences de presse ou des discours importants. Je crois que c'est moins courant en France. En outre, ma double pratique m'a permis d'être interprète ou traductrice pour les média : connaître les contraintes du montage de la bande-son incite certainement à interpréter en contrôlant ou en évitant les chevauchements de voix ou les bruits parasites, par exemple. Et être speakerine ou présentatrice exige de bien articuler et de savoir gérer le temps de l'émission. Réaliser des sous-titrages est beaucoup plus simple quand on a soi-même écrit des commentaires en tenant compte de l'image et de la durée des séquences. Mon expérience pratique a enrichi en retour ma carrière de chercheur. J'ai très tôt (dès les années 70), alors que l'on ne parlait pas encore de discipline autonome, donné des conférences et écrit des articles universitaires sur la traduction pour les média, qu'on appelle aujourd'hui TAV (traduction audio-visuelle). Je continue encore aujourd'hui.
LMJ : Quels sont vos plus beaux souvenirs d'interprète ?
Francine K. Il y en a tant ! Dans ma pratique d'interprète de conférence, je garde un souvenir enchanté d'un congrès de rosiéristes : les couloirs et les salles du Centre de congrès de Jérusalem regorgeaient de roses du monde en entier et il y avait même une fontaine d'eau de rose. J'ai été très fière de dominer, après quinze jours de préparation fiévreuse, la matière hautement technique et diverse d'un congrès de métallurgie. Je me souviens d'un congrès sur les W.C. qui s'est avéré très intéressant parce qu'il portait aussi sur les fuites imperceptibles qui créent un gaspillage des ressources en eau ou sur les nouveaux matériaux pour les sièges ou les chasses d'eau. J'ai énormément appris dans les congrès agricoles, médicaux, financiers, les réunions d'historiens, de psychanalystes, d'anciens combattants, de spécialistes des énergies nouvelles, des assurances, des droits d'auteur etc.
En tant qu'interprète officielle, j'ai été introduite par des collègues au Quai d'Orsay et au Ministère israélien des Affaires étrangères et j'ai pu accompagner présidents, ministres et hauts fonctionnaires dans des dizaines de visites d'État en France et en Israël : Navon, Herzog, Weizman, Katsav et Peres (cinq présidents) ont rencontré Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande. Begin, Shamir, Rabin, Olmert, Sharon et Netanyaou (six premiers ministres, côté israélien) ont dialogué avec Balladur, Juppé, de Charrette, Védrine etc. jusqu'à Fabius : je suis toujours émue de me trouver dans des cortèges officiels et des manifestations où flottent côte à côte les drapeaux de mes deux pays, la France et Israël, et de me dire que je joue ma minuscule partition dans l'entente entre les hommes et les États. J'ai durant des années accompagné les ministres israéliens de la défense au salon du Bourget et assuré diverses visites ou négociations bilatérales en matière de transport, culture, énergie etc. J'ai été jetée à l'eau par un collègue de Bar Ilan lors de la visite du président Sadate en 1977. J'ai interprété durant près de trois jours au Centre de presse installé à la hâte au Théâtre de Jérusalem et j'ai frôlé Sadate et Begin lors de la conférence de presse qu'ils y ont donnée. Mais, j'ai aussi un souvenir impérissable de la Conférence de Madrid pour la paix au Proche-Orient (octobre 1991), où j'avais été engagée par les Américains pour traduire les débats qui se déroulaient au Palais royal pour les Libanais (qui avaient demandé le français) et pour la presse francophone. C'est la Commission européenne qui m'a engagée pour la deuxième conférence ministérielle Euro-Méditerranéenne à Malte, en avril 1997 (où j'ai interprété en relais Yasser Arafat et comme pivot, pour mes collègues, David Lévy, notre ministre des AE). J'ai d'ailleurs accompagné par deux fois David Lévy à New-York pour l'Assemblée générale de l'ONU.
Enfin comme interprète pour les média, ma contribution au tournage en Israël d'interviews en consécutive par Claude Lanzmann en 1979 apparaît dans des films culte : Shoah et Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures (où ma voix figure dans la bande son).
Claude Lanzmann
J'ai aussi transporté à Paris les bobines d'un film israélien de Mira Recanati, que j'ai interprété (en faisant toutes les voix) devant le jury sélectionnant les films pour le Festival de Cannes 1981, dans la série « un certain regard » : Mille petits baisers, dont j'ai ensuite assuré le sous-titrage et traduit le dossier de presse. J'ai interprété ou sous-titré des films pour la télévision israélienne (nationale ou éducative), pour Arte, pour des associations. Et j'interprète souvent dans des festivals de cinéma ou dans des rencontres bilatérales concernant la coopération audiovisuelle. Durant la guerre du Golfe, en 1991, j'ai interprété en consécutive pour la chaîne juive de radio libre : RCJ, les bulletins horaires retransmis en hébreu par la radio israélienne et j'ai traduit de nombreuses interviews. Devenue la correspondante de RCJ, j'ai ensuite assuré l'interprétation des principaux accords de paix et de l'enterrement de Rabin. Lors de la visite en Israël du pape Jean-Paul II, en mars 2000, la chaîne française KTO m'a demandé d'interpréter en studio les retransmissions en direct des principaux événements ponctuant cette visite. Ma connaissance du contexte et de la complexité des affaires religieuses m'a beaucoup aidée. La semaine prochaine, j'accompagne une équipe qui réalise un documentaire sur les relations franco-israéliennes et qui interviewe le président Shimon Pérès.
LMJ : Sans nous divulguer le contenu des entretiens confidentiels que vous avez traduits, pourriez-vous nous raconter une ou deux anecdotes de vos missions d'interprète officielle ?
Francine K. Vous savez, le respect du secret professionnel est la première chose que l'on exige d'un interprète officiel. Il s'avère que des confidences qui nous semblent parfaitement innocentes peuvent être décryptées par des spécialistes qui en tirent des conclusions que l'on n'imagine pas. Je ne raconte jamais ce que j'ai vu et entendu, sauf s'il s'agit d'événements qui ont eu lieu en public. Mais je peux vous dire, par exemple, que j'ai été mise en difficulté dans une réunion entre Hubert Védrine et Sylvain Chalom, à l'époque ministre des affaires étrangères israélien : Védrine ne cessait de souligner qu'il tutoyait à dessein Chalom qu'il avait rencontré auparavant à plusieurs reprises. Or en hébreu (comme en anglais), le vouvoiement n'existe pas : ou plutôt : il existe un seul pronom (qui varie selon le sexe de la personne à qui l'on s'adresse) qui, comme you en anglais, s'emploie pour la seconde personne, à la fois au singulier et au pluriel. Je m'entortillais dans mes périphrases. J'avais envie d'interrompre la séance pour expliquer tout cela à Sylvain Chalom, mais je n'ai pas osé et j'ai attendu une pause. Je peux aussi vous dire que la personne privée qu'on accompagne est souvent très différente de l'image qu'on en a à la télévision ou à travers la presse. C'est ainsi qu'Ariel Sharon s'est révélé d'une grande gentillesse, très attentionné et à l'écoute de chaque collaborateur ou interlocuteur. En revanche, je n'ai jamais vu François Mitterrand se départir devant moi, même dans les moments de détente, de son masque d'impassibilité pour afficher un franc sourire, tandis que son épouse, Danielle, était affable et très chaleureuse. Mais je sais que Mitterrand s'ouvrait en privé. Je peux encore vous raconter que lors de la réception offerte par le Président Herzog à Mitterrand au King David, en 1992, le service français de garde rapprochée du Président Mitterrand a violemment repoussé Mme Herzog qu'il n'avait pas identifiée : or celle-ci, au lieu de s'offusquer, a éclaté de rire et s'est présentée comme l'hôtesse ! Je me demande ce qui se serait passé si elle avait déclenché un incident diplomatique, comme lorsque Jacques Chirac, serré de trop près par les gardes du corps israélien, lors de sa visite de la Vieille ville de Jérusalem, a laissé éclater sa colère.
LMJ : Revenons à votre carrière de chercheur. Vous avez écrit un livre tiré de votre thèse sur la littérature de la Shoah, et plus particulièrement sur l'œuvre d'André Schwarz-Bart : « Pour relire Le dernier des Justes. Réflexions sur la Shoa » (Librairie des Méridiens-Klincksieck, 1986).
André Schwarz-Bart livre de Francine Kaufmann
Francine K. Là, il ne s'agit plus de traduction ni d'interprétation, bien qu'il n'y ait qu'un pas entre l'interprétation interlinguistique, d'une langue à l'autre, et l'interprétation intralinguistique, qui décrypte et explicite le sens d'un texte dans une même langue. D'ailleurs en hébreu rabbinique, le verbe letarguem signifiait à la fois traduire (d'hébreu en araméen, grec etc.) et expliquer (exégèse). Pour en revenir à Schwarz-Bart, je l'ai choisi parmi de nombreux auteurs de la première génération d'écrivains qui ont cherché à donner une traduction littéraire à l'indicible de la Shoah. Je considère que le roman qui lui a valu le prix Goncourt en 1959 et une notoriété internationale, Le dernier des Justes, est l'un des chefs-d'œuvre qui méritent de rester dans l'histoire littéraire. D'autant plus que j'ai rencontré l'homme en 1972, puis je l'ai fréquenté et nous avons correspondu : sa personnalité était très attachante. Il était simple, honnête, et se considérait comme un artisan de la littérature. Je continue d'ailleurs à mener des recherches sur sa vie et son œuvre. J'ai fait récemment plusieurs séjours en Guadeloupe pour étudier ses manuscrits, ses notes, sa bibliothèque. J'ai rédigé et présenté une exposition sur son second chef d'œuvre, La mulâtresse Solitude (1972), avec le concours et dans les locaux de la Médiathèque caraïbe à Basse-Terre, en mai 2012. J'écris des articles, je prépare d'autres livres sur lui. Quant à la Shoah, c'est un domaine sacré pour moi : mes parents se sont connus dans le camp de Drancy et tandis que ma mère a pu en être libérée en 1942, en tant que Française âgée de moins de 17 ans, et qu'elle est entrée dans la Résistance MOI-FTP, mon père a été déporté et s'est retrouvé à Auschwitz, puis dans un commando chargé de déblayer les ruines du Ghetto de Varsovie et, enfin, après une marche de la mort, à Dachau où les Américains l'ont libéré en 1945. Vous comprendrez que je me sente directement concernée.
LMJ : Vous avez aussi beaucoup écrit sur André Chouraqui, avocat, juge, écrivain, résistant, penseur et homme politique franco-israélien, connu pour sa triple traduction de la Bible hébraïque, du Nouveau Testament et du Coran [1].
André Chouraqui La Bible Chouraqui
Francine K. Oui, il s'agit de mon second domaine de recherche, la traductologie. Habitant à Jérusalem, comme André Chouraqui, je l'ai rencontré et j'ose dire que je suis devenue son amie. Lui et sa femme, Annette, m'ont ouvert leurs archives et j'ai pu étudier ses manuscrits, son imposant dossier de presse, admirablement classé. Je lui ai posé les questions qui me préoccupaient. Il faut dire que son œuvre de traducteur est unique au monde. Et dans tous les congrès internationaux où j'allais, apprenant que je résidais à Jérusalem, on me demandait immanquablement si je connaissais André Chouraqui et on m'enviait de pouvoir l'approcher. C'est vrai que l'on fait aujourd'hui appel à moi pour écrire des notices de dictionnaires, d'encyclopédie, des articles le concernant.
L'étude des traductions de la Bible est d'ailleurs l'une de mes spécialités et je participe souvent à des congrès ou des sessions sur la traduction sacrée, pour éclairer le domaine juif. J'ai organisé et je présiderai à Amiens, en juin de cette année, une séance d'un colloque de SEPTET (Société d'Études des Pratiques et Théories en Traduction) sur l'approche juive de la traduction. J'ai par ailleurs été sollicitée pour faire partie de l'équipe de l'HTLF (Histoire des traductions en langue française : nous sommes 300) qui publie actuellement chez Verdier une série de volumes sur la traduction littéraire en France depuis le XVe siècle jusqu'à nos jours. Le tome sur le XIXe a déjà paru, celui sur les XVII-XVIIIe est en cours d'impression et celui sur le XXe siècle est en chantier. J'y assure le sous-chapitre « traduction juive » dans le chapitre consacré à la traduction des textes sacrés qui passe en revue, pour chaque siècle, les traductions de chaque confession : chrétienne, juive, musulmane, bouddhiste etc.
LMJ : Avant de nous quitter, pourriez-vous expliquer en quelques mots en quoi consiste l'approche juive de la traduction ?
Francine K. L'histoire de la traduction juive historique peut être retracée depuis au moins le Ve siècle avant l'ère chrétienne grâce aux témoignages du Talmud puis de la littérature rabbinique (midrach, responsa, commentaires exégétiques). Au détour d'une page, on découvre les règles qui présidaient à l'exercice de la profession, essentiellement dans un contexte liturgique (lecture publique de la Thora), pédagogique (accompagnement d'un grand maître enseignant dans les Écoles talmudiques, prêchant à la synagogue ou scandant la vie de la société) et juridique (tribunaux, intronisation d'un nouveau juge). Comme je vous le disais, le traducteur travaillait selon plusieurs modalités : généralement en consécutive, parfois en chuchotage, avec ou sans passage d'une langue à une autre. C'était un spécialiste de l'expression orale (ce n'est que tardivement, vers le second siècle de l'ère commune, qu'une compilation de traductions reçues se fige par écrit, dans le Targoum). Le metourguemane (l'interprète) avait lui-même de grandes connaissances et il servait d'intermédiaire entre le maître, au langage concis, parfois obscur, souvent peu audible, et le public pour qui il développait et précisait la pensée du maître, à voix haute et intelligible. Le trait le plus frappant de l'approche juive de la traduction (outre le fait que traduire, interpréter, paraphraser, développer sont des aspects d'une même profession) me semble être la volonté de distinguer ostensiblement l'original et la traduction : contrairement à l'approche occidentale, et notamment française, qui considère qu'une bonne traduction doit se lire comme un original, et qu'elle doit donner l'impression d'être pensée dans et pour la civilisation d'accueil, la traduction juive (en tout cas jusqu'au XIXe siècle) refuse cette illusion et fait coexister l'original et sa traduction. Quand il s'agit d'interprétation consécutive du texte biblique, le lecteur et l'interprète doivent être deux hommes différents. En traduction écrite, le manuscrit ou le livre est en version bilingue : ainsi, la co-présence de l'original permet de toujours revenir à lui et la traduction, interlinéaire ou en regard, est visiblement un accessoire qui, souvent encadré de notes et commentaires, se présente comme l'un des outils d'accès au texte mais ne prétend jamais remplacer le texte.
[1]
http://translation.biu.ac.il/en/page/398
Quel parcours ! C'est impressionnant et intimidant :-)
Rédigé par : Anne | 29/04/2013 à 07:32
On peut ddire que ce n'est guère erroné !!!
Rédigé par : homepage | 24/11/2013 à 10:00