Nous souhaitons la bienvenue à Maître Cynthia Hazelton. Cynthia est née et a grandi aux États- Unis. Elle est diplômée de la faculté de droit de l'Université d'Akron et est membre du barreau de l'État de l'Ohio. Cynthia a un mastère en français du Middlebury College ainsi qu'un mastère en traduction de l'« Institute of Applied Linguistics » de Kent State University. Elle enseigne la traduction juridique, commerciale et diplomatique à cette université.
Plus d'un tiers de tous les mots anglais dérivent directement ou indirectement du français. La linguiste Henriette Walter soutient que cette proportion est même plus proche de deux tiers [1]. Comment s'est produite une intégration d'une telle ampleur ?
La thèse la plus couramment admise est que l'intégration commença avec la Conquête normande (1066), après que Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, devenu roi d'Angleterre. Le français devint la langue officielle de la cour, de l'administration et de la culture. Mais, l'intégration fut facilitée par le fait qu'au 11ème siècle l'Angleterre et plus largement la Grande-Bretagne, n'avaient pas de langue unique et fédératrice. Les habitants parlaient différents dialectes dérivés des langues scandinaves, celtiques, latines et germaniques. La communication entre eux n'était donc pas facile.
Statue de Guillaume le Conquérant,
duc de Normandie dans sa ville natale, Falaise
Photograph courtesy of Keith 1999.
La Conquête normande se produisit dans ce vide linguistique. À partir de 1066 et au cours des 300 ans qui suivirent, tous le souverains anglais choisirent leur épouse en France. Du règne d'Henri II Plantagenet (1152) à celui d'Henri VI (1455), les reines anglaises nées en France apportaient en dot de vastes territoires et le français était tout naturellement la langue de leur cour. Treize reines anglaises consécutives, toutes venues de France, contribuèrent grandement à faire du français la langue officielle de la cour de Londres jusqu'au début qu quinzième siècle.
La tapisserie de Bayeux représentant la conqûete de l'Angelterre |
La classe dominante normande acquit (c'est-à-dire prit) des terres et des biens des propriétaires anglais. Des châteaux normands furent construits par des ouvriers anglais et dotés ensuite d'une domesticité anglaise. Pour cela, il fallait pouvoir communiquer et des mots français s'introduisirent progressivement dans la langue des gens du peuple
Château normand de Chepstow en Pays de Galles |
Bientôt, des évêques et des prêtres normands arrivèrent pour s'emparer de la hiérarchie de l'église anglaise. Le français fut utilisé dans dans tous les prétoires et les greffes d'Angleterre. En fait, le français fut la langue du Parlement anglais jusqu'en 1363. L'usage du français dans le système judiciaire anglais a perduré, même après 1362, date à laquelle fut adoptée la Statute of Pleading law,obligeant à utiliser l'anglais dans tous les procès en Angleterre. Aujourd'hui encore, le ministre des finances du Royaume-Uni porte officiellement le titre de Chancellor of the Exchequer. Ce titre provient directement issu de la cérémonie pendant laquelle le secrétaire du roi, appelé Chancelier de l'Échiquier, contrôlait les finances du royaume.
Le français devint la langue du commerce et de la diplomatie. Les mariages mixtes favorisèrent aussi l'assimilation linguistique, et les traversées de la Manche, pour des motifs officiels, d'affaires ou tout simplement de voyage d'agrément, continuèrent d'entretenir l'usage du français en Angleterre. Parmi les premiers exemples de mots empruntés au français figurent prude (proud), tour (tower) et joute (joust). Au fil des ans, les termes français évoluèrent et pénétrèrent de nombreux domaines de la vie anglaise. En voici un petit échantillonnage :
Toutefois, pendant cette période, l'anglais continua d'être employé. Le pays devint bilingue : les puissantes classes dirigeantes parlaient français et les classes inférieures parlaient anglais. Les interactions entre les différentes classes obligeaient bon nombre de gens à apprendre la langue de l'autre pour ce qui était du droit, du commerce, de la construction et de l'emploi.
Deux termes synonymes sont souvent apparus pour désigner la même chose, l'un dérivé du vieil anglais et, l'autre, du français.
dérivation |
dérivation |
line |
queue |
country |
nation |
hard |
difficult |
question |
interrogate |
start |
commence |
meet |
encounter |
go on |
continue |
end |
terminate |
steer |
navigate |
Il est intéressant de noter que le mot dérivé du français est jugé d'un registre supérieur à celui dérivé de l'anglais. Il faut se souvenir qu'en Angleterre, pendant plus de 300 ans, le français a été considéré comme la langue de la classe dirigeante.
Toutefois, au cours des dernières décennies, l'anglais a commencé à s'insinuer dans la langue française, véhiculé par la musique. les films, l'Internet et notamment l'informatique. Tout cela a le don d'exaspérer l'Académie française et les défenseurs de la langue française....
English terms that have commonly replaced the French term |
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browser |
navigateur |
bug |
bogue |
chat |
dialogue en ligne |
cloud computing |
informatique en nuage |
hacker |
fouineur |
hashtag/pound sign |
mot dièse |
mouse |
souris |
software |
logiciel |
Le mois dernier, par exemple, le Times de Londres a signalé qu'Arnaud Montebourg, le bouillant ministre français du Redressement industriel, a annoncé un plan visant à promouvoir la “Silver Economy”, au grand dam du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault qui a rapidement envoyé une lettre aux membres du gouvernement pour leur rappeler que “la langue de la République française est le français”.
What goes around comes around. Ou, devrions-nous dire : “Qui sème le vent, récolte la tempête”?
Cynthia Hazelton
Traduction : Jean Leclercq
[1] Honi soit qui mal y pense, Haneritte Walter, Livre de Poche, LFG edition (1 mai, 2003)
Vidéo-clip en anglais sur l'usage d'anglais en Angleterre après la Conquet normande :
Au Québec, on tente d’éviter les anglicismes. On préfèrera des néologismes francophones… Ex. infonuagique, clavardage, courriel, etc.
Peut-être les 400 millions d’anglo-saxons qui nous entourent nous rendent-ils plus frileux envers les emprunt de leurs expressions…
Rédigé par : Martin Alix | 17/03/2022 à 05:54