L'article suivant a été rédigé par Bénédicte Jourgeaud, auteure- journaliste française, à la demande du Mot Juste. Bénédicte collabore régulièrement à notre blog et nous attachons un grand intérêt à ses collaborations.
Le dictionnaire Collins ROBERT anglais-français-anglais (Unabridged Dictionary) definit le substantif anglais drone comme suit :
1. (= bee) abeille mâle , faux boudon ; (pej = idler) fainéant(e).
2. (= sound of bees) bourdonnement;
[of engine, aircraft) ronronnement;
(louder) vrombissement ;
(fig monotonous speech) debit monotone.
3. (Mus) bourdon.
4. (Robot plane) avion téléguidé, drone.
« Le drone, c'est 60% de pilotage, 30% de vidéo et 10% de journalisme », expliquait en septembre 2013 Raphaël Labbé, directeur de l'équipe Innovation du site du magazine français L'Express. « C'est quand ce pourcentage se sera inversé que nous pourrons vraiment parler de « drone journalisme », ajoutait le rédacteur en chef du même magazine. L'Express, en France, fait figure de pionnier par rapport à cette nouvelle façon de faire du journalisme. En montant le projet Drone It - qui a duré durant trois mois pour se terminer en juin 2013 – l'expérimentation a donné lieu à la rédaction d'un Livre Blanc afin d'imaginer les « bonnes pratiques » de ce journalisme. Car beaucoup de professionnels du secteur en sont persuadés, la petite caméra volante pourrait demain devenir un outil pour les journalistes aussi courant que le dictaphone et l'ordinateur. Ou, dans le passé, le bloc-notes et le stylo.
Sans pilote embarqué, télécommandé à distance par un IPhone ou un IPad où l'on peut également visionner en direct les images, le drone peut parcourir jusqu'à 100 mètres de distance, pendant plusieurs dizaines de minutes (dans le cas des AR Drone). Les photos prises se chargent quant à elles sur une prise USB…
Cette simplicité d'emploi ne doit pourtant pas faire oublier qu'un drone n'a rien d'anodin. À l'origine, c'est d'ailleurs un outil de guerre réservé aux forces armées et de sécurité des pays.
Les premiers modèles sont apparus après la Première guerre mondiale mais leur essor véritable date de la guerre de Corée (1950-1953). Ce n'est toutefois qu'à partir des années 2000 que le drone va faire partie de la panoplie des armes de combat...
Face à ces utilisations « belliqueuses », on trouve heureusement également des applications plus pacifistes, notamment quand ces caméras servent à la prise de vues aériennes dans le cas par exemple d'épandage agricole.
Dans le secteur de la presse, il revient à Matt Waite, professeur de journalisme à l'Université du Nebraska d'avoir créé le premier « Drone Journalism Lab » (Drone Journalism Lab at the University of Nebraska-Lincoln's College of Journalism and Mass Communications) en novembre 2011. Parmi les objectifs de cette formation : poser les principes d'une pratique éthique et légale du drone journalisme.
Les drones offrent en effet de nouvelles perspectives à une profession qui est en pleine mutation. Depuis le développement de la presse en ligne et de la presse gratuite, le journalisme a plus que jamais besoin de trouver de nouvelles méthodes de travail apportant à la fois de l'information et de la rentabilité.
Les reportages réalisés avec des drones pourraient y participer. Ces caméras permettent par exemple d'atteindre des endroits qui jusqu'ici étaient inaccessibles ou nécessitaient un hélicoptère avec des coûts de reportage conséquents. Peu onéreux, discret, le drone est également plus écologique. « Un hélicoptère consomme 220 litres de carburant par heure ! Le drone, lui, a un petit moteur électrique », assurait ainsi un journaliste de BBC News à France 24.
C'est ainsi que la chaîne française BFM TV a été une des premières à présenter un reportage en juin 2013 pour couvrir les inondations dans le Sud-Ouest de la France. De la même façon, cet été, le Tour de France devrait être suivi par des drones.
Autre atout : le drone apparaît aussi plus sécurisant lorsqu'il s'agit pour un journaliste de couvrir une zone de guerre. Ou des endroits « interdits ». En Australie où une législation sur le sujet existe depuis 2002 et permet une utilisation commerciale, la chaîne Channel 9 a ainsi survolé en 2011 l'île Christmas, où sont détenus des immigrés en situation irrégulière, alors qu'elle n'avait pas obtenu d'autorisation
Comme toujours, on peut aussi trouver un revers de la médaille à l'utilisation de drones. Notamment en soulevant les problèmes d'éthique que pose le fait de s'immiscer dans la vie privée de citoyens en filmant au plus près leur intimité. Une pratique qui n'est pas sans rappeler celle des paparazzis qui « planquent » les people…
Des lois existent toutefois. En Amérique, elle est même très claire. « Toute utilisation de ces engins sans pilote est strictement interdite à proximité des personnes ou des habitations. » Seuls les appareils des forces de l'ordre et des organes gouvernementaux (CIA, FBI) bénéficient d'un passe-droit. L'État du Missouri début avril 2014, a même renforcé cette législation par une loi « imposant aux utilisateurs de drones d'obtenir l'autorisation des propriétaires des terrains survolés »…[1]
Pour les journalistes américains amateurs de drones, la solution est dès lors de filmer des zones sans âmes humaines… A l'instar d'un des reportages de l'Université du Missouri (autre université américaine formant à l'utilisation des drones en journalisme) réalisé en partenariat avec la radio publique KBIA et dont le sujet était les oies des neiges dans le centre du Missouri…[2]
Mais tout semble être affaire d'entente et de pouvoir : la société BP a ainsi réussi à obtenir l'autorisation de survoler ses zones installations pétrolière en Alaska...[3]
En France, la législation est plus souple qu'aux États-Unis. L'utilisation des drones civils est encadrée par l'arrêté du 11 avril 2012. « Le pilote du drone doit avoir suivi une formation spécifique, et il faut une autorisation de vol à partir du moment où ce n'est pas du loisir », expliquait au Monde Frédéric Durand, fondateur de Helibird, une société qui filme pour la télévision, le cinéma ou le documentaire.
Mais l'utilisation récente des drones en journalisme ne permet pas encore de dire exactement ce que l'on peut ou ne peut pas filmer… Ni où, tant que les lois ne seront pas harmonisées au niveau européen et mondial.
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Rise of the Drones [PBS Nova] 53.54 minutes
60 Minutes DRONES , June 2014 10.52 minutes
[1] L'envol du journalisme,
M Style, le Magazine du Monde. 17/05/2013.
[2] La foire du drone, Jean-Philippe Louis
[3] Les drones à la conquête du ciel de France,
Le Monde - 12 juin 2014
Lecture suppleméntaire :
The Next Drone Wars
Foreign Affairs, March/April 2014
Bird? Plne? No, It's the Wedding Photographer
New York Times, 1 August 2014
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*A priori, le terme anglais "news" (qui dérive du mot français "nouvelles") équivaut à "actualités", mais en fait son usage est un peu plus compliqué. D'abord, bien que "news" porte la marque du pluriel, le mot s'emploie au singulier, au moins depuis 1923, époque à laquelle on a commencé à l'employer dans les médias. Avant cela, le mot signifiait "nouvelles".
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