Aujourd'hui, deux citoyens des États-Unis, les frères Harrison (90 ans) et Lyon (86 ans) Tyler qui habitent, le premier, dans le Tennessee et, le second, en Virginie, peuvent – sans plaisanter – dire que leur grand-père vivait au XVIIIe siècle et même à la fin du règne de Louis XVI !
Si cette prouesse suscite tant d'intérêt outre-Atlantique, c'est que ce grand-père était tout simplement John Tyler (1790-1862), le dixième président de l'Union. Né à Greenway (Virginie), le 29 mars 1790, il était le deuxième fils de John Tyler, juge et gouverneur de la Virginie, et de Mary Armistad Tyler [2]. Après des études au College of William and Mary (à Williamsburg), il est admis au barreau en 1801, à dix-neuf ans ! Il se lance ensuite dans la politique et suit la filière classique en entrant deux ans plus tard, en 1811, à la Chambre des Représentants de Virginie. En 1813, il épouse Letitia Christian qui lui donnera huit enfants. Il poursuit son ascension politique et devient gouverneur de Virginie et sénateur des États-Unis (en 1827 et 1833). À l'élection présidentielle de 1840, il est le colistier de William Henry Harrison, le héros de Tippecanoe. Une chanson-slogan, Tippecanoe and Tyler too, contribue à les faire triompher de Martin Van Buren. Malheureusement, le président Harrison décède au bout d'un mois, semble-t-il d'une pneumonie contractée lors de la cérémonie d'investiture. John Tyler devient le dixième président des États-Unis et le premier à accéder à la présidence de cette façon, c'est-à-dire par décès du chef de l'exécutif en cours de mandat. Autre première, Letitia Christian Tyler meurt à la Maison Blanche, le 10 septembre 1842. C'est la première fois qu'une « première dame » décède au cours du mandat de son époux. Le président se remarie à Julia Gardiner et son activité génésique ne fléchit pas puisqu'il aura d'elle sept enfants (5 garçons et 2 filles) entre 1844 et le 16 janvier 1862, date de sa mort à Richmond (Virginie), en pleine guerre de Sécession.
C'est du deuxième lit que naquit Leon Gardiner Tyler (1853-1935), le père des deux frères Harrison et Lyon, respectivement nés en 1924 et 1928, et toujours vivants. Les trois générations enjambent donc une période de 224 années, et cela grâce à deux paternités tardives : à 63 ans pour le président et à 71 et 75 ans pour son fils, John Gardiner Tyler.
L'Amérique est le lieu de tous les records, me direz-vous. Mais, à cet égard, la « vieille Europe » n'est pas tout-à-fait en reste. Si l'on ne connaît aucun cas de grand-père né au XVIIIe siècle, la lignée de Ferdinand de Lesseps, le diplomate et constructeur du canal de Suez, n'en est pas moins étonnante. En effet, le vicomte Ferdinand de Lesseps, neveu du baron Jean-Baptiste Barthélemy de Lesseps (seul survivant de l'expédition de La Pérouse parce que débarqué au Kamchatka avant le naufrage de l'Astrolabe et de la Boussole), est né en 1805 (comme Alexis de Tocqueville). Marié deux fois, il eut cinq fils de sa première union et douze enfants de ses secondes noces dont la dernière, Giselle (1885-1973), à l'âge de 80 ans. Cette Giselle a eu un fils, Robert La Caze, né en février 1917, et donc petit-fils du vicomte.
Grand pilote automobile, vétéran des 24 heures du Mans, Robert La Caze a aujourd'hui 97 ans et n'a bien sûr jamais connu son grand-père, décédé en 1894.
Les paternités tardives ont toujours mobilisé la presse de boulevard. On cite souvent le cas de Charlie Chaplin qui avait 73 ans lors de la naissance du dernier enfant qu'il eut de son épouse Oona, fille du grand dramaturge Eugène O'Neill.
Plus près de nous, dans le monde politique, le président Sarkozy a innové en devenant père à 56 ans, ce qui n'était jamais arrivé au Palais de l'Élysée depuis la Révolution. Les amateurs de termes rares retiendront que les empereurs d'Orient qualifiaient de « porphyrogénètes » (nés dans la pourpre) leurs enfants venant au monde pendant leur règne.
La « parentalité tardive » n'est nullement le propre de notre époque. Deux démographes [3] ont montré que que les maternités après 40 ans concernaient 6,1% des naissances en 1901 et seulement 1,1% dans les années 1980. Malgré la possibilité que la PMA offre aux femmes d'enfanter bien plus tard qu'auparavant, c'est la paternité tardive qui, seule, permet d'enjamber les siècles.
Jean L.
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[1] La matière du présent article provient essentiellement d'une chronique de Jean-Pierre Robin, parue sous le titre : « Mon grand-père est né au XVIIIe siècle » : le miracle des paternités tardives, dans Le Figaro du 6 octobre 2014, p.31. Nous conseillons vivement à nos lecteurs de s'y reporter pour de plus amples informations. A regarder aussi : le video clip "President Tyler: The VP who became President" - https://www.youtube.com/watch?v=Svwg0j19KGI
[2] Yves Demeer. La vice-présidence des États-Unis d'Amérique. Paris, Presses universitaires de France, 1977, p.174.
[3] Marc Bessin & Hervé Levilain.
Parents après 40 ans. Paris,
Éditions Autrement, 2012, 187 p.
Petit lexique de LMJ de la paternité
ascendant |
progenitor, ancestor |
degré de parenté |
degree of relationship |
descendance |
descent |
filiation |
filial relation |
plus proche parent |
next-of-kin |
maternité tardive |
late motherhood |
parentalité tardive |
late parenthood |
parents ou apparentés |
blood relatives, kin |
paternité tardive |
late fatherhood |
progéniture |
progeny, offspring |
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