L'entretien qui suit s'est déroulé à Auckland (Nouvelle-Zélande) entre Anjana Iyer [<] et notre collaboratrice Maxine Marron [>]. Anjana habite et étudie à Auckland et Maxine partage son temps entre l'État de New York et Nouvelle-Zélande.
Traduction de l'anglais : Jean Leclercq
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Maxine : Vous êtes née à Mumbai (ex-Bombay) et vous n'êtes à Auckland que depuis quelques années. Pourquoi avez-vous choisi la Nouvelle-Zélande?
Anjana : Le rythme de la vie et la diversité des cultures que j'ai trouvés à Auckland m'ont décidée à m'y installer.
Maxine : À Mumbai, vous étiez ingénieure. En arrivant en Nouvelle-Zélande, vous avez décidé de faire autre chose.
Anjana : J'ai étudié le graphisme et aussi le graphisme en ligne. Ensuite, j'ai eu la chance de décrocher un emploi dans la publicité où je fais de l'illustration et du graphisme d'animation.
Maxine : Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris.
Anjana : Ce sont essentiellement des séquences vidéo qui utilisent la technique du dessin animé pour mieux faire connaître un produit.
Maxine : Vous parlez huit langues, ce qui est étonnant. Moi-même, je ne parle qu'anglais - avec l'accent sud-africain – anglo-américain, et afrikaans avec l'accent anglo-sud-africain. Je suppose que bon nombre de ces langues que vous connaissez ne sont guère parlées hors de l'Inde ?
Anjana : C'est exact.
Maxine : Vous ne donnez pas l'impression d'une personne originaire de l'Inde qui parlerait comme une Néo-zélandaise, mais plutôt de quelqu'un qui serait né et aurait été élevé en Nouvelle-Zélande. Votre excellent accent néo-zélandais est surprenant. Je suppose que la maîtrise de huit langues vous a aidée à réaliser cet intéressant projet de livre, « Untranslatable Words » que vous êtes en train d'écrire et d'illustrer.
Anjana : Oui, cela m'a aidée. Dans les langues étrangères, il y a beaucoup de mots qu'on ne peut angliciser littéralement. J'en ai choisi un certain nombre que j'explique en accompagnant mon propos d'un dessin.
Maxine : Cela paraît fascinant. Donnez-nous donc quelques exemples.
Anjana : Prenons le mot backpfeifengesicht. C'est de l'allemand et, littéralement, ça veut dire "visage à gifles". En français, vous diriez "tête à claques". Ensuite, il y a le mot bakkushan. C'est du japonais et ça désigne, par exemple, la vendeuse qui fait une très forte impression de dos, mais beaucoup moins lorsqu'elle se retourne. Ça c'est une bakkushan.
BACKPFEIFENGESICHT A face badly in need of a fist
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BAKKU-SHAN A beautiful woman…….as long Une belle femme... tant qu'on la voit de dos |
MaxineMaxine Maxine: C'est très amusant, mais beaucoup moins quand on en est une !
Anjana : Bien sûr. Ensuite, il y a potchémouchka, un mot russe pour celui qui pose trop de questions. Il est apparu dans un livre pour enfants où un petit garçon curieux ne cesse de poser des questions. En russe, pourquoi se dit potchémou (почему) .
Anjana : Bien sûr. Ensuite, il y a potchémouchka, un mot russe pour celui qui pose trop de questions. Il est apparu dans un livre pour enfants où un petit garçon curieux ne cesse de poser des questions. En russe, pourquoi se dit potchémou (почему) .
Maxine : Je connais beaucoup d'enfants qui sont des potchémouchkas et je crois qu'en vous posant autant de questions, j'en suis une aussi !
Anjana : Vous allez aimer celui-là aussi. C'est prozvonit et c'est du tchèque. Vous appelez le numéro de portable d'un correspondant et vous ne laissez sonner qu'une fois. Votre correspondant vous rappelle alors sans que cela vous coûte un sou.
to call a mobile phone only to have it ring once so that the other person
would call back allowing the caller not to spend money on minutes
Maxine : Ça c'est un mot utile ! Quand mon fils était à l'université et qu'il m'appelait en P.C.V. [1], je refusais et l'appelais ensuite à un bien meilleur tarif que si j'avais accepté le P.C.V.
Anjana : Un autre très joli, c'est komorebi. C'est un mot japonais qui signifie que les rayons du soleil filtrent à travers les arbres.
Maxine : Que c'est joli de dire tout cela en un seul mot. J'aime celui-là.
Anjana : Je pourrais aussi vous parler de wabi-sabi, schadenfreude, llunga et Iktsuarpok. Ce dernier est un terme inuit et c'est même un mot que nous utilisons très souvent. Je vous laisse le soin de vérifier.
SCHADENFREUDE enjoyment obtained from the misery of others le bonheur que procure le malheur des autres |
WABI-SABI accepting the natural cycle of growth and delay accepter le cycle naturel de la croissance et du déclin |
Maxine : Je n'y manquerai pas, mais je voudrais aussi que nous parlions du nouveau livre auquel vous travaillez.
Anjana : Il y a de magnifiques contes populaires norvégiens que, malheureusement, personne ne lit. En anglais, la plupart des histoires pour enfants se terminent bien. En norvégien, les contes populaires sont plus réalistes.
Maxine : Pouvez-vous me donner un exemple ?
Anjana : Oui, prenons "Pierre et le Loup". Les chasseurs tuent le méchant loup et le dépècent. Du ventre du loup, sort un canard caquetant fort et en bonne santé. Si c'était un conte norvégien, le loup se serait régalé du canard et les chasseurs n'auraient probablement trouvé que quelques plumes dans son estomac. Je voudrais reprendre quelques-uns de ces contes oubliés, en leur conservant leur forme norvégienne, mais en leur donnant un tour moderne et en les illustrant de façon appropriée.
Maxine : Cela paraît merveilleux. J'ai eu tellement de joie à vous rencontrer. Je vous souhaite le plus grand succès dans vos fascinants projets.
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[1] Abrév. de à percevoir. Communication payée par le destinataire, après l'accord de celui-ci.
Lecture supplémentaire :
The Meaning of Tingo: and Other Extraordinary Words from Around the World
Adam Jacot de Boinod, Sandra Howgate
Global Wording - If you can't say it in English, just borrow le mot juste
Adam Jacot de Boinod
Smithsonian Magazine, March 2006
I'm Not Hanging Noodles on Your Ears and Other Intriguing Idioms from around the World
Jag Bhalla, National Geographic
Eleven Untranslatable Words
BBC Culture
3rd July 2014
8 mots intraduisibles dans 8 languages différentes
J'ai visité votre site car je cherchais l'entretien avec Marie Houzelle, une de mes amies, et suis tombée sur l'interview entre Anjana Iyer et Maxine Marron. C'était fascinant et je vous félicite de nous nourrir ainsi de manière si délicieuse.
Pas trouvé l'interview de Marie Houzelle, mais j'ai passé un bon moment à lire Anjana et Maxine s'entretenir.
Manolita
Rédigé par : Manolita Farolan | 27/02/2015 à 20:55