Ce mois-ci, nous avons choisi de vous présenter les deux fondatrices d'un organisme de formation en langues vivantes, Terra Lingua, qui entend proposer à la population de la région genevoise une formule d'apprentissage sur mesure adaptée aux besoins particuliers de chacun. Anne Maguire et Rima Chamaa, venues d'horizons très différents rencontrées lors d'une session de préparation à la création d'entreprise, se jugent très complémentaires. C'est cette synergie qui est le moteur de leur projet.
J. L. : Mesdames, je vais vous demander de vous présenter à nos lecteurs.
Anne M. : Après un DEA en biologie moléculaire et un mastère en administration des entreprises, suivis d'une dizaine d'années d'expérience en marketing et communication, je suis arrivée dans la région où j'ai immédiatement décelé le besoin d'une structure d'enseignement des langues. J'ai rencontré Rima lors d'un accompagnement à la création organisée par Pôle emploi.
Rima Chamaa : Ayant grandi au Liban, le multilinguisme était pour moi une évidence. Nous baignions dans un monde où le français, l'arabe et l'anglais se côtoyaient à l'écrit et s'entremêlaient à l'oral, sans frontières. Mon grand défi, quand je suis arrivée en France, après le baccalauréat, a été d'apprendre à isoler mes trois langues, à m'exprimer exclusivement dans l'une ou l'autre ! Après une maîtrise en sciences économiques, j'ai suivi mon conjoint à l'étranger, où j'ai saisi l'occasion d'enseigner le français langue étrangère (FLE), à l'École Indienne tout d'abord, puis à l'Alliance Française. Le virus m'avait contaminée, la suite logique a été de passer le DAEFLE (diplôme d'aptitude à l'enseignement du français langue étrangère) !
J. L. : Terra Lingua, c'est un joli nom. Est-ce une allusion à votre secteur d'intervention, cette région frontalière aux confins de la France et de la Suisse ? Comment se caractérise-t-elle sur le plan linguistique ?
Anne M. : La région est internationale de par la présence des organisations internationales et de nombreuses entreprises internationales. Ce brassage culturel très enrichissant donne à la maîtrise des langues un enjeu professionnel et dans la vie au quotidien. Il suffit simplement de regarder combien de nationalités composent les communes de Ferney-Voltaire ou de Divonne-les-Bains (62 et 90).
Rima C. : Terra Lingua trouve effectivement sa place dans le contexte international et multilingue de la région, mais c'est aussi et surtout pour moi une référence au rôle de médiation interculturelle des langues, qui mène à la compréhension et à l'acceptation de l'autre, et des différences. La terre des langues, une terre pour tous !
J. L. : Pour confectionner un vêtement sur mesure, un tailleur commence par mesurer soigneusement les dimensions caractéristiques de son client. Mais, pour concevoir et organiser une formation en langues, comment prendre la mesure de l'apprenant ?
Rima C. : L'essentiel est tout d'abord de savoir pourquoi, et pour quoi faire, l'apprenant est là. Nous commençons donc par définir avec lui ses besoins, ses motivations, ses objectifs, cela peut être clair pour certains, mais pas pour tous. Nous cherchons aussi à connaître ses rapports aux langues étrangères, ses représentations, et, si cela nous semble pertinent, son niveau de scolarisation. Ces renseignements nous permettent d'esquisser le profil de l'apprenant, et de dresser la liste des difficultés qu'il pourra rencontrer.
Ensuite, nous passons à un QCM à difficultés progressives, qui nous permet d'évaluer le niveau de l'apprenant en fonction de critères grammaticaux, lexicaux et structuraux. Il est évident que l'objectif de la formation est de communiquer, et pas la grammaire, mais une homogénéité d' « outils » dans le groupe est importante pour une progression optimale de chacun, sans démotivation. Et nous finissons par une autoévaluation : cela consiste en une liste de compétences de compréhension et de production orales et écrites. L'apprenant cochera ce qu'il sait faire, ce qui affinera notre diagnostic. Cette évaluation nous permet aussi de montrer au futur apprenant les compétences concrètes sur lesquelles nous travaillerons.
J. L. : Dans un milieu comme la région frontalière entourant Genève, le recrutement doit être très divers. Comment « profiler » tout ce monde et s'adapter à ses besoins ?
Anne M. : Malgré cette grande diversité, nous arrivons à distinguer quelques grandes catégories. Il y a les personnes en recherche d'emploi et qui pensent pouvoir enrichir leur curriculum vitae en possédant une connaissance pratique de l'anglais ou de l'allemand. Se former en langues permet de rebondir ou d'évoluer professionnellement. Enfin, il y a les apprenants de « français langue étrangère » qui présentent un profil plus ouvert : les uns peuvent être faiblement scolarisés, tandis que d'autres – je pense aux cadres et aux chercheurs temporairement en poste dans la région – ont fait des études supérieures et possèdent un bagage intellectuel parfois considérable.
J. L. : Comment dès lors pouvez-vous les réunir en petits cours collectif homogène ?
Anne M. : Nous privilégions l'apprentissage en groupes. Au sein d'un groupe, il se crée une synergie, les uns apprennent des autres. Le groupe suscite aussi une émulation positive. En rompant le tête à tête maître-élève, bien des freins se relâchent. Cependant, nous offrons aussi des cours particuliers avec des objectifs très ciblés.
J. L. Quels instruments pédagogiques utilisez-vous ? Des manuels, des articles de journaux, des vidéos, des jeux ? Que sais-je ?
Rima C. : Euh… oui, tout ça, et encore plus (sourire). On pioche là où on trouve, dans des manuels, certes, mais aussi dans tout ce qu'on peut croiser dans la vie, au travail, etc. C'est infini, nous avons chacun des documents de prédilection, mais nous restons ouverts aux besoins des apprenants qui peuvent nous amener à faire de belles découvertes.
J. L.: On dit parfois que la langue maternelle est le plus grand frein à la possession d'une autre langue. D'après votre expérience d'enseignante, quels sont les principaux freins ? Et comment peut-on les desserrer ?
Rima C. : Votre question demande à être précisée. S'agit-il de l'usage de la langue maternelle en classe de langues ? Là, nous sommes dans un débat classique, entre frein et moteur. Je pense qu'il faut rester ouvert, et l'utiliser à bon escient, quand l'apprenant est capable prendre du recul par rapport à sa langue maternelle et peut accepter un fonctionnement différencié des langues.
Par contre, si votre question porte sur la langue maternelle de chacun, qui constituerait un obstacle entre l'apprenant et la langue cible… Le sujet est vaste, et je ne suis pas sûre de le maîtriser parfaitement, même si j'ai mes petites opinions, acquises par l'expérience… Finalement, un formateur en langues étrangères tend bien davantage à être un « technicien », et n'a pas vraiment l'approche scientifique du linguiste. Ceci dit, je suis flattée d'être invitée à votre rubrique (sourire). Je peux cependant affirmer sans trop de risques que le multilinguisme précoce est certainement facilitateur dans l'apprentissage des langues étrangères.
J. L. : Trouvez-vous facilement des enseignants ?
Anne M. :Terra Lingua est un tout jeune organisme de formation qui a démarré il y a moins d'un an et nous sommes en recherche constante d'enseignants performants car la demande est de plus en plus grande. Nous proposons à chacun un espace pour exprimer au mieux son savoir-faire et partager lors de temps d'échanges pédagogiques, ainsi qu'un espace ressource (salles de formations, des supports pédagogiques, matériels informatiques, la supervision de la responsable pédagogique) et une organisation flexible selon leurs souhaits en termes d'horaires, de volume d'activité ou selon le type d'apprenant.
Jean L. : Le mot juste vous souhaite le plus grand succès et ose espérer vous apporter, de temps en temps, de la matière pour certains de vos cours !
Terra Lingua
Téléphone : +33 972 47 54 99
Courriel : [email protected]
Site : www.terralingua-services.eu
Adresse postale : 50, rue Gustave Eiffel 01630 Saint-Genis-Pouilly (France)
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