analyse de livre
Pierre Jaskarzec. Le mot juste. Pièges et difficultés du vocabulaire : mots déformés, impropriétés, confusions... Nouvelle édition revue et augmentée. Paris, Librio, 2011, 107 p., 3 €.
C'est toujours dans les petits livres qu'on trouve les meilleures choses car leurs auteurs ont dû y condenser leurs idées et s'en tenir à l'essentiel. Tel semble être encore une fois le cas pour Pierre Jaskarzec qui nous donne une version revue et augmentée de son édition de 2006. Petit ouvrage donc, et d'un prix plus que modique, il est destiné à tous ceux qui souhaitent améliorer leur maîtrise du vocabulaire français ainsi que leur expression écrite et orale. Présenté sous forme d'articles, il permet, comme cela est dit dans l'introduction, « de s'assurer du sens d'un mot à travers une définition claire, illustrée par des exemples. Les emplois fautifs ou critiqués sont toujours signalés, mais sans purisme dépassé ».
Quelle que soit la façon dont nous jouons avec les mots, que nous soyons traducteurs, interprètes, terminologues ou enseignants de langues, c'est un petit ouvrage à garder sur le coin du bureau afin de le consulter quand surgit un doute ou une hésitation. Les mots traités y sont présentés dans l'ordre alphabétique, en distinguant souvent deux termes voisins, mais ayant des significations différentes : à l'attention de/ à l'intention de, acronyme/sigle (un acronyme se prononce comme un mot ordinaire [OVNI, SIDA] alors que, pour un sigle, on détache les lettres qui sont prononcées une à une [SNCF, RTBF, TSR]), agonir/agoniser, ou de paronymes tels que collision et collusion ou encore vacuité et viduité. On y trouve aussi l'explication de délicieuses expressions comme dès potron-minet que l'on avait regretté de ne pas trouver dans les 100 expressions à sauver de Bernard Pivot. [1] En ancien français, potron voulait dire « postérieur » et, comme le chat est un animal très matinal, dès potron-minet signifie : « dès que le chat met son postérieur à l'air », autrement dit « dès l'aube ».
Mais, c'est au chapitre des anglicismes que nous attendions M. Jaskarzec. Dans le petit lexique annexé à l'ouvrage, l'auteur en distingue trois sortes : l'anglicisme lexical, c'est-à-dire le passage d'un mot anglais en français avec d'éventuelles modifications dans la prononciation ou la graphie (exemples : crash ou nominer) ; l'anglicisme sémantique, lorsque le mot anglais donne l'un de ses sens à un mot français de forme voisine, ce qui fait qu'il passe inaperçu de la plupart des locuteurs (exemple : opportunité, dans le sens d'« occasion favorable ») ; enfin, l'anglicisme syntaxique, traduction littérale de l'expression anglaise, calque de l'anglais (exemples : demander une question pour « poser une question » ou faire du sens pour « avoir du sens »). Cependant, l'auteur relève que certains anglicismes sémantiques ne le sont pas toujours. Il prend pour exemple l'adjectif domestique, dans le sens d'« à l'intérieur d'un pays », comme dans vols domestiques par opposition aux vols internationaux. Il rappelle qu'en français, domestique a eu jadis le sens de « national », par opposition à « étranger ». Le Dictionnaire de l'Académie française (4e édition, 1762) nomme guerres domestiques celles qui se situent à l'intérieur des frontières nationales, celles que nous appellerions aujourd'hui « civiles ».
Bref, comme on peut le lire en quatrième de couverture, « cet ouvrage est aussi destiné aux amoureux de la langue française, aux curieux de l'étymologie, de l'histoire des mots ou des usages linguistiques. Il séduira tous ceux qui ne se résignent pas aux mots creux, aux approximations et aux tics de langage ». Son auteur est éditeur d'ouvrages de référence et de livres pour la jeunesse. Il est l'auteur du Français est un jeu (Librio, n° 672) et des Mots sont un jeu (Librio, n° 976). Avec lui, la linguistique devient un gai savoir !
1. Bernard Pivot. 100 expressions à sauver. Paris, Éditions Albin Michel, 2008, 145 p., 12 €.
Jean Leclercq
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