compilés par Madeleine BOVA, notre collaboratrice et correspondante fidèle en Italie, que nous remercions infiniment de sa précieuse et érudite contribution.
Antics. Bouffonneries, facéties, plaisanteries.
Comme Antiquity, ce mot vient du latin "antiquitas (féminin singulier) et signifie Antiquité. Aucun dictionnaire étymologique italien n'attribue à "antico" le sens que lui donne l'anglais antics. C'est au contraire un mot noble : "pareva un antico Romano" écrit Ungaretti, parlant d'Apollinaire. Il faut faire une petite excursion archéologique pour arriver au sens anglais d'antics : cabrioles, bouffonneries, excentricités. En effet, c'est lors de l'exploration des cryptes et des grottes des villas de la Rome antique, notamment de la "Domus Aurea" de Néron, qu'on découvrit des peintures murales sur des sujets bizarres, ridicules ou caricaturaux. Les grottes devinrent vite un incontournable. Michel-Ange s'y fit descendre et il fut longtemps à la mode de s'en inspirer. Les grotesques de Raphaël sont des tableaux à l'imitation des grotesques antiques. À Florence, le Musée des Offices a une salle de "grottesche". Ces œuvres inspirées des "grotte antiche" (grottes antiques), ont donné l'adjectif et le substantif grottesco (grotesque) pour qualifier ce genre de peinture. Mais, si de l'expression grotte antiche, l'italien a retenu grottesco, l'anglais a retenu deux termes : grotesque et antics...
Dans son Dictionnaire illustré d'archéologie, Thomas Decker donne du mot grotesque la définition suivante : "Figures bizarres, monstrueuses, comiques ou hideuses et parfois obscènes que les artistes du Moyen Âge plaçaient sur les façades des églises."
Bank (moyen anglais).
Les usages très différents du mot bank sont en définitive apparentés.
The bank, la rive, la berge d'un fleuve, a été emprunté au scandinave au début du Moyen-Âge, il s'apparenté à bench (vieil anglais), banc, banquette. Le plus ancien usage du mot bank dans le sens de banque, c'est-à-dire d'institution financière remonte au comptoir du cambiste ou changeur de monnaies. Ce sens provient du français ou de l'italien, à la fin du 15e siècle, mais provient de la même racine bank, rive du fleuve. A bank of oars, un banc de nage ou a bank of lights, les feux de la rampe, représentent toutefois une autre forme apparentée. Ce sens à fait son apparition en anglais au début du Moyen-Âge, en provenance du français, pour désigner une estrade ou un tréteau du haut duquel on parlait. Le sens de banc ou d'estrade se retrouve dans le mot mountbank (fin du XVIe) dans le sens de charlatan, de l'italien monta in banco : monte sur le banc, illustrant la manière dont on attirait la foule, (1) tandis que bankrupt : banqueroute (moitié du XVIe), à l'origine bankrout nous ramène au sens du comptoir et vient de l'italien banca rotta (2) : comptoir brisé, faillite du cambiste. En anglais, le mot s'est rapidement altéré par association avec le latin ruptus qui signifiait rupture. Toutefois, il y a un mot de la même origine : banquet (bas Moyen-Âge) : banquet, qui provient du français signifiant petit banc, et voulait dire un casse-croûte et non pas un repas copieux et élaboré.
Serenade (17e siècle) : sérénade.
Une sérénade évoque un jeune homme chantant ou jouant d'un instrument nuitamment, sous la fenêtre ou le balcon de sa belle. L'origine du mot ne comporte aucun de ces éléments. Il suffit que l'exécution soit serene : sereine. Elle provient du latin serenus, calme, tranquille. L'idée de donner une sérénade dérive d'une contamination par l'italien sera :soir (3). Le latin serenus est aussi à l'origine des mots anglais serene et serenity : serein, sérénité qui remontent au moyen anglais tardif.
Tarantula (15e siècle) : tarentule.
Le port de Tarente donne son nom à la tarentule, une grosse araignée noire que l'on trouve dans le sud de l'Italie (4). Autrefois, on croyait que sa piqûre provoquait le tarentisme, mal de la tarentule, qui suscitait un besoin incoercible de danser dont de nombreuses personnes souffrirent du 15e au 17e siècle. La tarantella : tarentelle, danse très rapide, tire son nom de la même origine. On croyait soigner le mal de la tarentule en faisant danser les malades jusqu'à l'épuisement.
Vendetta (15e siècle), vendetta.
Les Corses et les Siciliens ont été les premiers à pratiquer cette forme de vengeance (5). Ce mot italien vient du latin vindicare : venger.
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1) Italien moderne, saltimbanco, saltimbanque : comédien ambulant ou charlatan.
2) En effet, rotta est le participe passé féminin singulier du verbe rompere : rompre, briser.
3 ) La sera, le soir (La sera del dì di festa : poésie de Giacomo Leopardi, XIX' siècle )
4 ) La tarantola ou lycosa tarantula, à ne pas confondre avec la tarentule des pays tropicaux, est une araignée dont la piqûre n'est pas plus dangereuse que celle d'une guêpe. Les Pouilles semblent avoir eu un rôle important dans la genèse du mot "tarentisme". Par la musique et la danse, il était possible de guérir du mal de la tarentule grâce à un véritable exorcisme musical.
5 ) Prosper Merimée s'inspira d'une vendetta corse qui, en 1833, opposa deux familles de Fozzano, les Carabelli et les Durazzo, pour écrire sa nouvelle "Colomba".
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