Il est des événements historiques qui ont eu un tel retentissement dans le monde que ceux qui les ont vécus (tout au moins à l'âge adulte) se souviennent très exactement de l'endroit où ils se trouvaient lorsqu'il ont appris la nouvelle. Tel fut le cas pour l'assassinat de John F. Kennedy, le 22 novembre 1963, à l'âge de 46 ans. Beaucoup de gens, nés dans les années quarante ou avant cela, se souviennent de l'endroit où ils se trouvaient lorsque la nouvelle s'est répandue dans le monde.
Jacqueline Kennedy, veuve de John Kennedy, aux funérailles de celui-ci, avec sa fille Caroline (actuellement ambassadrice des États-Unis au Japon) et son fils, John F. Kennedy, Jr., mort à l’âge de 38 ans, dans un accident d'avion. À droite, Robert Kennedy.
L'assassinat, moins de cinq ans plus tard, d'un frère cadet du président, Robert (dit Bobby) Francis Kennedy, le 5 juin 1968, à l'âge de 42 ans, n'a pas laissé une empreinte aussi forte dans les esprits. (Je me souviens l'avoir appris à la radio, dans un taxi de Tel Aviv.) Alors qu'il venait de remporter les primaires de Californie et faisait figure de favori démocrate aux prochaines
élections présidentielles, Robert Kennedy fut abattu par Sirhan B. Sirhan (condamné à mort, peine commuée en prison à vie en 1972, actuellement âgé de 71 ans). “Bobby” a été assassasiné juste après avoir prononcé son discours de victoire à l'hôtel Ambassador de Los Angeles, alors qu'il quittait les lieux par une sortie menant aux cuisines de l'hôtel.
Photos prises à quelques minutes d'intervalle
à l'hôtel Ambassador de Los Angeles.
Longtemps demeuré dans le centre de Los Angeles, l'hôtel Ambassador a ensuite été démoli en 2005 pour céder la place aux Robert F. Kennedy Community Schools, un groupe scolaire occupant un vaste espace. Dans le cadre de mon activité d'interprète, je suis appelé à intervenir de temps en temps dans ces écoles, souvent pour des parents originaires d'Afrique. (Ces écoles sont ethniquement très mélangées ; les directeurs, enseignants et élèves y sont de toutes races et ethnies. Cela tranche radicalement avec les écoles exclusivement blanches et masculines de l'Afrique du Sud de l'apartheid où j'ai fait mes études.)
J'écris ces lignes en attendant d'interpréter. Je songe à l'année 1968, au cours de laquelle Bobby Kennedy a été tué. À mon micro-niveau personnel, cette année a une valeur historique en ce sens qu'elle fut celle de la naissance de mon fils aîné. Au macro-niveau collectif, ce fut aussi une des années les plus tumultueuses du 20ème siècle. Pour les Français, elle sera le plus étroitement associée aux émeutes étudiantes lancées par Daniel Cohn-Bendit à l'université de Nanterre en mai et qui déclenchèrent une série d'événements menant la France au bord de la révolution. Mais, d'autres événements importants se déroulèrent également dans le monde au cours de cette année-là.
En janvier, le Vietnam du Nord lança l'offensive dite du Têt contre les Etats-Unis et le Vietnam du Sud, marquant le début du désengagement américain du conflit vietnamien.
Le 4 avril, Martin Luther King Jr. fut assassiné et la nouvelle en fut annoncée au monde par Robert Kennedy.
À Paris, toujours en avril, des chirurgiens de l'hôpital de la Pitié-Salpétrière réalisèrent la première greffe du cœur en Europe.
En août, les espoirs de libéralisation du Printemps de Prague s'évanouirent avec l'irruption de blindés et d'avions soviétiques en Tchécoslovaquie, à l'occasion de la plus vaste opération militaire entreprise en Europe depuis la dernière guerre mondiale.
Pendant les Jeux Olympiques organisés à Mexico en octobre, deux athlètes noirs américains ont silencieusement protesté contre la ségrégation raciale aux États-Unis. Lors de la remise des médailles d'or et de bronze du 200 m., les deux coureurs baissèrent la tête et levèrent un poing ganté de noir pendant l'exécution de l'hymne national américain, geste décisif pour le mouvement en faveur des droits civiques des minorités aux États-Unis.
Enfin, en décembre 1968, Apollo est devenu le premier
vaisseau spatial habité à orbiter autour de la lune. La veille de Noël, trois astronautes ont tourné dix fois autour de la lune à la vitesse record de près de 40.000 km/h.
Avec ceux de nos lecteurs tentés par l'approche uchronique de l'histoire [1], je me suis plu à rêver à ce qu'il serait advenu des États-Unis et du monde si Robert Kennedy n'avait pas été tué et s'il était devenu Président de l'Union, au lieu du candidat républicain, Richard Nixon.
Comme toutes les bonnes choses, mes brèves réflexions sur les problèmes du monde ont une fin. Il me faut maintenant m'attaquer mentalement au problème aussi banal que redoutable de la maîtrise du “jargon-pédago”, et cela afin de traduire des termes comme auditory processing disorders (troubles du traitement auditif), sensory motor skills (aptitudes senso-motrices), contextualized information (information contextualisée), attention deficit (déficience de l'attention) and asynchronous learning (apprentissage asynchrone).
Peut-être devrais-je changer de nom et m'appeler Goodluck Jonathan.
« Qui ose échouer superbement, peut seul réussir un jour superbement.» |
« Il y a ceux qui regardent les choses telles qu'elles sont et se demandent pourquoi... Je rêve de choses qui n'ont jamais existé et je demande pourquoi pas ? » |
Robert F. Kennedy
Lectures complémentaires:
What if Bobby Kennedy Had Become President?
Newsweek, 1 June 2008
Key figures associated with RFK’s assassination
NBC News, 9 July 2013
Éloge funèbre de Robert F. Kennedy par le sénateur Edward (dit “Ted”) Kennedy (9:42 minutes)
Jonathan G. Traduction : Jean Leclercq
[1] L'ukronie est “une histoire refaite en pensée, telle qu'elle aurait pu être et qu'elle n'a pas été.” Ses propositions commencent toujours par “si” : si le nez de Cléopâtre, si la Garonne avait voulu, si Napoléon avait gagné à Waterloo ou si l'attentat ourdi contre Hitler en janvier 1945 avait réussi, etc.
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