Ghâzî Abd Ar-Rahmân al Qusaibi. De retour en Californie en touriste. Traduit de l'arabe saoudien par Yacine Benachenhou. Paris, Éditions Benachenhou, 2015, 46 p. Prix 15€. [* ]
Le traducteur, qui a contribué à notre blog plus d'une fois, vient de publier un dictionnaire français-arabe: La référence. Paris, Benachenhou éditeur, 2015, 709 pages (15€) que nos lecteurs pourront se procurer en s'adressant aussi à lui :
Yacine Benachenhou - [email protected].
Analyse du livre : Jean Leclercq
Grand personnage du royaume saoudien, l'auteur de ce petit ouvrage, né en 1940 et décédé le 15 août 2012, a commencé par faire de bonnes études à la faculté de droit du Caire, suivies d'un diplôme de relations internationales obtenu à UCLA et d'une thèse à l'University College de Londres (en 1970). Malgré les hautes fonctions qu'il occupa en Arabie Saoudite et dans d'autres pays du Golfe, couronnées par un poste d'ambassadeur à Londres tenu jusqu'en 2002, il trouva le temps de nous laisser de nombreux écrits dont trois seulement ont été traduits en anglais [1] et, à notre connaissance, un seul en français. Il est donc à la fois juriste, haut fonctionnaire, diplomate et lettré.
Mais, voici que l'envie lui prend, à l'été 1987, de revoir les lieux où il a fait une partie de ses études et où il n'est retourné que pour de très brèves missions. Parti avec femme, enfants et belle-mère, il retrouve le sol californien à l'aéroport de Los Angeles. S'ensuit une série d'anecdotes contées savoureusement par un observateur qui pose un regard amusé sur une société qui lui semble aussi fascinante qu'inquiétante. Inévitables formalités d'entrée sur le territoire américain, premiers contacts avec un chauffeur de taxi (qu'il baptise Édouard 1er et se révèle être une mine d'histoires), installation à l'hôtel et découverte de la télévision publicitaire. Chemin faisant, on en vient à des réflexions de caractère sociologique, sur le développement personnel, par exemple. C'est bien vu : Les Américains croient que tout est habileté ou « technique ». Ils pensent que si tu le veux, tu peux apprendre à nager, à conduire, à parler en public, à gérer une entreprise ou à attirer les femmes. Tu ne trouveras jamais aucun Américain en repos total car, quand il se délasse, il pense continuellement à la technique du « délassement » qu'il pratique. Là-dessus, en route vers Disneyland que l'auteur appelle « le royaume magique ». Après un quart de siècle, ce royaume n'a guère changé. L'enchantement exerce toujours ses effets : Comment dire à un adulte que le monde des enfants – avec ses légendes, ses magiciennes et ses contes – est plus gentil que l'univers de la finance, des sociétés et des conseils d'administration ? Non ! Depuis longtemps, j'ai compris qu'il était inutile d'expliquer les mètres d'un vers à un sourd et le sens de l'amour à un homme jaloux comme un tigre. » À l'entrée des pavillons de Disneyland, les files d'attente sont le sujet d'une autre réflexion. Comment peut-on attendre parfois deux heures pour voir une attraction ? Et, surtout, comment cela se passerait-il dans un pays du tiers monde où l'on aurait certainement aménagé une entrée à part pour les notables, les gens de qualité, leurs parents et amis ? Ne resteraient alors dans les longues files d'attente que le vulgum pecus, les gens de rien, si peu dignes d'égards qu'il serait inutile de vouloir divertir leur longue attente avec des clowns ou de la musique. Bref, ce n'est pas une somme sociologique sur la société post-industrielle dont la Californie est peut-être l'exemple le plus achevé, mais c'est intéressant et bien observé.
Pour nous permettre de mieux situer le récit et de replacer les choses dans leur contexte, le traducteur, cette fois encore, l'a fait précéder d'une note sur l'économie de l'Arabie séoudite ainsi que d'un rappel de l'histoire récente de ce pays. Il a également pris le soin d'annexer un index des lieux et des noms de personnages cités dans lequel, ordre alphabétique oblige, Nikita Krouchtchev voisine avec Ibn Mâdjid (marin et explorateur) et Abû Alâ al Maari (poète et penseur).
[*] Pour tout renseignement, s'adresser au traducteur à l'adresse : [email protected]
[1] Seven, traduction de Basil Hakim et Gavin Watterson, Saqi Books (1999) et An Apartment Called Freedom [hiqqat al-Ḥurrīyah, 1994, (شقة الحرية)], traduction de Leslie McLoughlin, Kegan-Paul (1996). En 1989, un des recueils de poésies a également été traduit en anglais par Anne Fairbairn, en Australie, intitulé Feathers and the Horizon.
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