Nous avons déjà évoqué le destin de quelques présidents des États-Unis [1], mais nous voulons aujourd'hui vous entretenir d'un personnage qui ne passa que quelques mois à la Maison Blanche et dont l'incapacité à gouverner par suite de la blessure qu'il avait reçue posa une grave problème constitutionnel.
James Abram Garfield (1831 – 1881) fut le 20ème président des États-Unis d'Amérique, fonction qu'il occupa du 4 mars 1881 jusqu'à sa mort, quelques mois plus tard. Dernier président à être né dans une cabane en rondins, il fut aussi le premier à avoir utilisé deux langues (anglais et allemand) au cours de sa campagne électorale. Autre particularité, il était ambidextre et, si cette aptitude à « être à toutes mains » lui servit dans la vie, il utilisait plutôt la main gauche et, à ce titre, fut le premier président gaucher de l'Union américaine.
Avant de voir dans quelles circonstances tragiques s'acheva prématurément le mandat du président Garfield, sans doute convient-il de revenir sur les événements qui précédèrent son élection, et notamment sur la convention républicaine de 1880. Celle-ci fut, comme elle l'est souvent, le théâtre d'un violent affrontement entre deux clans [2] . Les premiers étaient les stalwarts (les durs), partisans de l'ancien président Ulysses S. Grant dont ils soutenaient une troisième candidature et, les seconds, les half breeds (les mous) dont le candidat s'appelait James G. Blaine. La lutte devint si âpre qu'il fallut 36 tours de scrutin pour désigner le vainqueur. Comme c'est ce qui se produit lorsqu'on ne parvient pas à départager deux candidats, on en choisit un troisième en la personne d'un obscur sénateur de l'Ohio, James A. Garfield qui prit, selon l'usage, comme colistier (et futur vice-président), un membre du clan opposé, le stalwart, Chester A. Arthur.
Le climat n'était cependant pas apaisé puisque, dans la matinée du 2 juillet 1881, le président James A. Garfield fut atteint de deux coups de feu alors qu'il s'apprêtait à monter dans un train en partance pour la Nouvelle-Angleterre. Le meurtrier était un stalwart du nom de Charles J. Guiteau qui déclara avoir agi par conviction politique. Dans sa poche, on retrouva un billet sur lequel il avait écrit : « Je n'avais aucun sentiment de malveillance envers le Président, mais sa mort était une nécessité politique. » Mais, la blessure n'était pas mortelle et le président, que l'on avait d'abord cru perdu, se rétablit peu à peu, sans toutefois pouvoir reprendre ses activités. Puis, des complications apparurent, obligeant à deux interventions chirurgicales, suivies d'une nouvelle embellie et d'un transport à Elberon, sur la côte du New Jersey, le 6 septembre. Une semaine plus tard, une septicémie se déclencha et emporta le malade, le 19 septembre 1881, peu avant minuit. Son assassin fut condamné à mort en janvier 1882 et pendu le 30 juin de la même année.
La survie du président Garfield posa un grave problème constitutionnel. En effet, Garfield n'était pas mort, mais il n'exerçait plus aucune fonction. Pendant toute la période allant de l'attentat à son décès, il n'accomplit qu'un seul acte officiel en apposant sa signature sur un document (préparé par le Secrétariat d'État) autorisant l'extradition d'un faussaire. On se trouvait donc face à une vacance présidentielle de fait. Craignant de passer pour un usurpateur, le vice-président Chester Arthur se tint prudemment à l'écart du pouvoir, au risque d'être accusé de laisser le pays sans gouvernement. Le décès du président dénoua la situation et Chester A. Arthur devint le 21ème président des États-Unis. Cependant, le problème de la vacance présidentielle se posera aussi sous les présidences de Grover Cleveland et de Woodrow Wilson. Il ne trouvera sa solution qu'au cours de la présidence de Dwight Eisenhower.[3]
----------------
Jean Leclercq & Jonathan Goldberg
[1] Enjamber les siècles : un défi a la démographie
LMJ 17/11/2014
[2] La prochaine Convention Républicaine se tiendra du 18 au 21 juillet 2016. La présence de Donald Trump peut faire craindre qu'elle soit, cette fois encore, le théâtre d'un violent affrontement.
En outre, ces cinglés de partisans du 2ème amendement ont déjà demandé (et menacent de poursuivre les propriétaires de l'édifice où se tiendra la réunion) à pouvoir s'y présenter en armes. theatln.tc/1Yc4zDr
Ainsi, l'histoire risque-t-elle de se reproduire avec une confrontation entre les « très durs » et les « moins durs », car il y a très peu de chances qu'il y ait des « mous » !
[3] Yves Demeer. La vice-présidence des États-Unis d'Amérique. Paris, Presses Universitaires de France, 1977, pp.127 et suivantes.
Vous nous mettez sur les charbons ardents : quelle solution ?
Rédigé par : René Meertens | 05/04/2016 à 00:07
C'est vrai que cette année, l'élection présidentielle américaine s'annonce plus violente que d'habitude. Fait-il vraiment bon avoir le pouvoir en ce moment? Même le président suisse Johann Schneider-Ammann s'est ridiculisé. Rire, c'est bon pour la santé! Sauf peut-être de l'humour en dessous de la ceinture du candidat Donald Trump.
Rédigé par : Elsa Wack | 07/04/2016 à 00:28