Reportage de Magdalena Chrusciel avec l'aide précieuse d'Elsa Wack - nos contributrices fidèles
Le Prix international Man Booker existe depuis 2004. Il est décerné chaque année à un auteur, britannique ou étranger, pour un ouvrage en anglais ou largement diffusé en traduction anglaise. En 2016, son montant a été porté à 50 000£ et, dans le cas d'une traduction, il est équitablement partagé entre l'auteur et le traducteur. [1]
En 2016, le prix a été décerné à l'auteure sud-coréenne Yi Chong-jun et à sa traductrice anglaise, Deborah Smith. En juillet 2017, nous publiions une interview intitulée « Deborah Smith – linguiste du mois de juillet ».
Le lauréat du Prix international Man Booker 2017 sera annoncé le 13 juin. Voici les six candidats qui ont été nominés dans une première étape [2]:
Mathias Enard (France), Charlotte Mandell (États-Unis), Boussole
(Compass)
David Grossman (Israël), Jessica Cohen (États-Unis),
A Horse Walks Into a Bar
Roy Jacobsen (Norvège), Don Bartlett, Don Shaw (Grand Bretagne),
The Unseen
Dorthe Nors (Danemark), Misha Hoekstra (États-Unis),
Mirror, Shoulder, Signal
Amos Oz (Israël), Nicholas de Lange (Grand Bretagne),
Judas
Samanta Schweblin (Argentine), Megan McDowell (États-Unis),
Fever Dream
Nicholas de Lange, professeur d'hébreu et d'études juives à l'Université de Cambridge, Grande-Bretagne, traducteur du livre « Judas », d'Amos Oz, a bien voulu nous accorder un entretien, qui se déroulera fin juin. Que « Judas » soit ou non couronné du prix international Man Booker, nous présenterons le Professeur Lange à nos lecteurs à ce moment-là.
En attendant, voici une brève présentation de l'écrivain Amos Oz. Oz est un auteur, romancier, journaliste et intellectuel israélien. Il enseigne également la littérature à l'université Ben-Gourion à Beersheba. Il est considéré comme l'écrivain israélien vivant le plus renommé.
Oz a été publié en 42 langues, y compris l'arabe, et dans 43 pays. De nombreux prix et distinctions lui furent décernés, parmi lesquels la Légion d'honneur en France, le prix Goethe, le prix de littérature du Prince des Asturies, le prix Heinrich Heine ainsi que le prix Israël. Des extraits de la traduction chinoise d'«Une histoire d'amour et de ténèbres» constituent depuis 2007 les premiers textes littéraires contemporains en hébreu à figurer dans un recueil officiel en chinois. En 2007, Oz avait fait partie des nominés pour le prix Man Booker. Un film realisé par Nathalie Portman a été inspiré par son autobiographie.
Depuis 1967, Oz s'est prononcé en faveur d'une solution à deux États du conflit israélo-palestinien.
Nous souhaitons bonne chance aux six auteurs ainsi qu'à leurs traducteurs pour le 13 juin.
En attendant, voici quelques commentaires intéressants sur l'intérêt des lecteurs pour la littérature traduite, exprimés par Deborah Smith et rapportés dans l'édition du 28.4.2017 du British Financial Times.
Selon Deborah, si ces dernières années des romans traduits ont été honorés par le prix Man Booker International (MBI) et d'autres prix, c'est que la littérature traduite est en train de monter en puissance auprès des lecteurs. Selon Nielsen BookScan, en 2015, 1,5% seulement des œuvres de fiction publiées au Royaume-Uni étaient des traductions alors qu'elles représentaient 5% du total des ventes de fiction", constate Smith. "La rapide expansion de la gamme des traductions, y compris de certains des auteurs contemporains les plus prisés dans la fiction littéraire et la fiction populaire, contredit la croyance selon laquelle les traductions sont des œuvres particulièrement difficiles ou d'un haut degré d'intellectualisme", explique Smith. "En revanche, le fait que seule la crème de la crème passe la barrière de la langue constitue une assurance de l'originalité et de la qualité de ces ouvrages – comme en témoignent ceux listés par MBI cette année", dit-elle. Smith voit également de manière optimiste l'attribution pour la première fois cette année du prix Warwick des Femmes en traduction, compte tenu de la sous-représentation endémique des traductions d'écrivaines. "Les traducteurs sont à bien des égards des auteurs – tout au long d'une traduction, nous nous escrimons contre certains mots, rêvons des personnages, malmenons notre dos et nos yeux et nous coupons de nos relations en restant rivés à nos ordinateurs quatorze heures par jour", ajoute Smith. "Mais tout cela, les auteurs le font aussi - cadence, ténacité, rythme et registre, avec en plus l'intrigue, le personnage et la création ex nihilo. Comment ne pas en être épaté?
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(1) « En élevant le statut des traducteurs, le prix relève celui du multilinguisme et des traductions, assez déconsidérées dans le monde anglo-saxon. Celles-ci ne seront plus de simples dérivés ou adaptations : les traductions publiées seront considérées comme des œuvres à part entière » (commentaire de Rebecca Walkowitz, auteure de Born Translated: The Contemporary Novel in an Age of World Literature, sur le nouveau prix Man Booker pour les œuvres de fiction traduites).
(2) Pour une critique de la sélection de six finalistes, voir :
The Man Booker International prize shortlist is only half right — this is what it gets wrong
The Sunday Times, 11 June 2017
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