Jonathan Goldberg s'est entretenu avec Valérie François, traductrice douée et polyvalente, par Skype de Los Angeles a Málaga, en Espagne. Le site de Valerie est accessible à l'adresse http://www.FrenchTranslations.
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Valérie François |
J.G. |
Malaga |
Los Angeles |
JG : Vous avez vécu toute votre enfance en France, et votre vie d'adulte jusqu'à ce jour à l'étranger. Où êtes-vous née en France ? Au cours de votre enfance, auriez-vous imaginé partir vivre à l'étranger ?
VF : Je suis née dans un village des Vosges, un département de la région aujourd'hui appelée Grand Est. J'ai grandi dans un petit village vosgien appelé Aulnois, qui compte une centaine d'habitants. Les villes et villages des Vosges sont en général peu connus par mes interlocuteurs. Aux personnes qui m'interrogent sur mon lieu de naissance, j'ai pour habitude de répondre en citant la ville de Nancy, comme étant la plus grande ville la plus proche, mais se trouvant tout de même à une heure de route en voiture ou en train. Je me rappelle que lorsque mes parents m'ont annoncé qu'on partait s'installer près de Valence, la Porte du Sud de la France, quand j'avais quatorze ans, j'en étais très heureuse, j'ai toujours eu l'âme voyageuse. À peine cinq ans plus tard, et après un séjour linguistique aux États-Unis et en Allemagne, je partais m'installer en Écosse pour une année d'étude universitaire « Erasmus ».
JG : À quel âge avez-vous commencé à développer un intérêt pour les langues étrangères ? Quelles langues parlez-vous aujourd'hui ?
VF : Ma passion pour les langues a débuté par un intérêt pour les mots. Dès ma plus tendre enfance, j'ai eu un intérêt grandissant pour les mots, peu après avoir appris à lire. Je me rappelle notamment mon intérêt particulier pour les dictionnaires, monolingues ou bilingues et vouloir à tout prix les lire. Je demandais à ma mère de m'expliquer quelques mots et définitions dans le dictionnaire, une habitude qui s'est d'ailleurs transmise, car à mon tour je parcours très souvent les dictionnaires avec ma fille de huit ans. Cette passion des dictionnaires, et par la suite des glossaires ne m'a jamais quittée, au point de conserver au fur et à mesure des années des mêmes dictionnaires aux éditions différentes, ce qui me vaut quelques taquineries de mon entourage ! Au cours de mes différents séjours linguistiques et de mes études à l'étranger, je prenais des notes sur des points de traduction qui se présentaient à moi dans la vie de tous les jours. J'ai par la suite créé un glossaire que j'alimentais jour après jour et qui est devenu la base de l'outil de terminologie en ligne de l'entreprise où j'ai exercé comme traductrice. J'ai commencé à apprendre l'anglais et l'allemand au collège, l'italien au lycée, et l'espagnol en Irlande grâce à des échanges linguistiques (français/espagnol) que nous organisions avec mes collègues espagnols.
JG : Vous avez travaillé et vécu en Irlande, parlez-nous de votre expérience de vie en Irlande.
VF : Je me suis installée en Irlande en 2008. J'ai eu l'opportunité de rejoindre une nouvelle équipe de traducteurs européenne basée à Dublin, après avoir travaillé comme seule traductrice dans le bureau parisien de l'entreprise qui m'embauchait. Quand l'opportunité s'est présentée, le départ pour l'Irlande était une évidence pour moi. J'avais toujours rêvé de vivre dans un pays anglophone, et l'Irlande représentait à mes yeux un pays fascinant et où il faisait bon vivre. Nous avons vécu sept ans en Irlande avec ma famille, mes deux enfants y sont nés. Le départ de l'Irlande n'a pas été une décision facile. Nous portons ce pays dans nos cœurs, et nous n'excluons pas de repartir s'y installer un jour. En particulier ma fille, qui se dit « d'abord » irlandaise et qui se lie pour l’instant plus facilement d'amitiés avec les écoliers anglophones de son école en Espagne.
JG : Les diplômes que vous avez obtenus entre l'année 2001 et l'année 2004 ne semblaient pas vous diriger de manière inéluctable vers une carrière de traductrice. Parlez-nous de votre parcours et de la période à laquelle vous avez décidé de consacrer votre carrière à la traduction.
VF : Lorsque j'ai choisi d'effectuer des études supérieures en langues étrangères, j'ai choisi le cursus plus généraliste des « langues étrangères appliquées » (étude des langues anglaise et allemande appliquées aux affaires internationales et au commerce) afin d’élargir mes possibilités, ne sachant pas encore très bien quels débouchés exacts je voulais atteindre. La seule chose dont j’étais sûre, c’est que je souhaitais approfondir l'apprentissage de mes trois langues étrangères (anglais, allemand, italien). Tout au long de ce cursus, j'ai suivi des cours de traduction qui m'ont passionnée. Les deux années suivantes, j'ai obtenu une maîtrise (master 1) en Langues Étrangères Appliquées de l'Université Sorbonne Nouvelle (Paris III) puis un master 2 en management des affaires internationales de l'École de Commerce CESCI à Paris. À la fin de mes études, j'ai pu travailler dans une entreprise du secteur des biotechnologies en tant que coordinatrice export, une mission dans un environnement soucieux du détail et axé sur la qualité. J’ai ensuite pris connaissance d’un poste de traducteur en entreprise qui s’ouvrait à Kansas City. Cette annonce a suscité un très vif intérêt chez moi. J’ai passé les tests de traduction avec succès et j’ai décroché mon premier poste de traductrice en entreprise, basé à Paris (et non plus à Kansas City, comme il était prévu initialement). Après neuf années de collaboration au sein de la même entreprise, dont cinq ans en tant que traductrice (« Global Localization Analyst ») et quatre ans en tant que consultante des solutions de pharmacie, alors que l'opportunité m'était présentée d'évoluer dans mes responsabilités, j'ai choisi de reprendre mon métier de traductrice à plein temps.
JG : Vous parlez aujourd'hui cinq langues, mais vous choisissez de ne traduire que de l'anglais vers le français. N'avez-vous pas voulu inclure d'autres langues dans votre répertoire de langues sources ?
VF : Lors de ma mission de traductrice que j'ai exercée pendant cinq ans dans une société américaine d’informatique médicale (un éditeur de logiciels dédiés aux hôpitaux), je traduisais de l'anglais vers le français presque exclusivement. J'ai bénéficié d'une spécialisation très forte grâce notamment aux tâches de localisation des logiciels de pharmacie dont j'étais chargée à part entière et d'une mission de quatre ans en tant que consultante de la solution logicielle de pharmacie auprès de clients (hôpitaux) français, irlandais et anglais. Je pense que sans cette spécialisation dans le domaine de la santé, et de la pharmacie en particulier, que j’ai développée au cours de mon parcours professionnel, je n’aurais pu m'installer à mon compte de façon pérenne en tant que traductrice spécialisée. J'ai donc choisi de concentrer mes efforts sur ma spécialisation et ma combinaison de langues la plus développée à ce jour, plutôt que de diversifier mes langues de travail, ce qui demandait un effort d'un autre type. Pour autant, je ne pense pas tirer un trait sur la possibilité de diversifier mes langues de travail à l'avenir.
JG : Il semble que vous ayez la capacité de sortir des domaines techniques et des affaires dans votre travail de traduction. Il m'a été en effet possible de le constater à la suite de vos contributions sur des sujets de littérature et de filmographie sur ce blog et de votre excellente traduction d'un texte juridique que j'ai pu voir. Avec ces aptitudes diversifiées, n'avez-vous pas parfois l'envie de traduire en dehors de votre champ de spécialisation par plaisir ?
VF : Je pense avoir développé ces capacités de diversification tant au cours de mon cursus universitaire que de mes expériences en entreprise. Il fut un plaisir pour moi de contribuer sur ce blog, autant que cela fut un exercice ardu, car la traduction générale et littéraire est un exercice bien plus compliqué pour moi que la traduction technique. Néanmoins, la question que vous posez tombe à point nommé. Après ces presque trois années, par chance fructueuses, en tant que traductrice indépendante spécialisée dans le secteur de la santé, je cherche en effet à développer de nouvelles compétences. Comme le reflète peut-être mon parcours universitaire et professionnel, j'aime relever des défis. Mon nouveau défi est de parvenir à exercer mon métier dans des domaines qui me sont d'un intérêt plus particulier.
JG : Vous vivez en Espagne avec votre mari français et vos deux enfants français nés en Irlande. Comment abordez-vous le multilinguisme au quotidien ? Quelle langue parlez-vous à vos enfants ?
VF : Nous parlons à nos enfants la langue qui nous est la plus naturelle, c'est-à-dire le français. Néanmoins, mes deux enfants parlent également couramment l'anglais et l'espagnol. Ma fille de huit ans et mon fils de quatre ans sont tous deux nés en Irlande. Ils ont pu pratiquer l'anglais au quotidien jusqu'en 2015. Une fois que nous sommes arrivés à Málaga, en Espagne, nous avons découvert un environnement culturel et linguistique international, et les enfants ont pu rejoindre une école bilingue (anglais/espagnol). Nous abordons cet apprentissage simultané de langues variées de la manière la plus naturelle possible.
Les enfants ont la possibilité de parler ces trois langues presque tous les jours de l'année, grâce à leurs parents français, leurs professeurs et amis espagnols et anglais, et notre entourage plurilingue. Le fait de vivre dans cet environnement constitue pour eux la meilleure façon d'entretenir et de contribuer à l'apprentissage de plusieurs langues. Le soir, au coucher, ma fille lit des histoires en anglais à son petit frère, nous leur lisons des histoires en français, parfois en anglais, mais pour les histoires en anglais, nous préférons laisser le soin à notre fille qui a un accent anglais naturel !
JG : Parlez-nous des plaisirs et des frustrations que vous connaissez dans votre métier de traductrice et en tant que traductrice indépendante en particulier.
VF : Pour avoir travaillé en entreprise pendant onze ans, dont cinq ans en tant que traductrice en interne, je dirais que la principale frustration que je connais aujourd'hui est de ne plus être entourée de tous les experts médicaux (pharmaciens, médecins, infirmier/ères) et techniques qui travaillaient près de moi au quotidien à Paris, ou de mon équipe de traducteurs à Kansas City et à Dublin, avec lesquels nous débattions entre autres de sujets de terminologie. J'apprécie néanmoins l'environnement de travail personnel, de pouvoir travailler dans mon propre bureau, entourée de tous mes livres et dictionnaires, et parfois sur ma terrasse sous le soleil andalou !
JG : Quels sont vos projets pour l'avenir ?
VF : Je projette actuellement de créer mon site internet avec mon mari et de développer mon activité. Quant à mes aspirations futures, comme je l'ai mentionné précédemment, je souhaite allier mes aptitudes en traduction à de nouveaux domaines d'intérêt. Ma spécialisation aujourd'hui est technique, et je voudrais pouvoir contribuer à des questions d'intérêt plus général, d'ordre politique, culturel ou littéraire. En outre, j'ai toujours eu un fort intérêt pour les institutions et les activités multilingues de l'Union européenne, que j'ai cultivé de par les modules que j'ai suivis à l'université et plus récemment de par mon travail de traduction et de validation linguistique effectué indirectement pour l'Agence européenne des médicaments. A l'avenir, je souhaiterais me rapprocher des organisations européennes ou internationales et pouvoir travailler sur des thématiques me tenant à cœur, touchant notamment notre environnement de vie en Europe et dans le monde. Je pense en parallèle à poursuivre des cours ou formations pouvant m'aider à suivre cette direction.
JG : Je vous souhaite une excellente Journée mondiale de la traduction, ainsi qu'à nos lectrices et lecteurs du monde entier.
Traductions/adaptations de Valérie sur ce blog :
Entre les draps d'Hollywood
Un parcours remarquable et des capacités linguistiques impressionnantes. L'amour des mots, la fascination exercée par les dictionnaires, voilà qui prédestine quelqu'un à la traduction et à l'écriture !
Rédigé par : jean-paul | 01/10/2017 à 23:12