Un itinéraire touristique dans l'est des États Unis reliant les villes francophones du Maine, du New Hampshire, du Massachusetts et du Rhode Island sera inauguré à la fin de l’été 2019.
Existe-t-il un point commun entre Lewiston et Biddeford, dans le Maine, Manchester dans le ,New Hampshire, et Woonsocket, dans le Rhode Island ? Il semble bien puisqu''il y a un siècle, plus de la moitié de la population de ces villes américaines parlait français. En effet, on estime que, de 1840 à 1930, environ un million de Canadiens francophones ont quitté la province de Québec pour aller travailler dans les villes ouvrières de la Nouvelle-Angleterre, berceau de la révolution industrielle en Amérique du Nord.
Cet exode s'explique par la présence de familles nombreuses au Canada et la pénurie e main-d’œuvre de l'autre côté de la frontière. Du côté américain, les usines de caoutchouc et les peignages et les filatures - industries de main-d'œuvre - se multiplient dans le nord-est des Etats-Unis. Comme la Nature a horreur du vide, les industriels se tournent donc vers le voisin québécois Des recruteurs sillonnent les campagnes. En 1850, la commune de Saint-Ours, dans la vallée du Richelieu, au sud-est de Montréal, fournit à elle seule 27% des migrants employés dans les filatures de Woonsocket (Rhode Island). La migration s’accélère avec la guerre de Sécession, car il faut remplacer les hommes partis au front. En 1920, les trois-quarts de la ville parlent français.
Une boutique québécoise à Manchester (New Hampshire) vers 1915.
Le patronyme Parizeau fleure bon la Saintonge,
l'une des provinces françaises d'où partirent beaucoup d'émigrants. © Ulric Bourgeois
« Le français n’est plus autant parlé en Nouvelle-Angleterre de nos jours », regrette Anne Conway, la directrice du musée consacré à l’histoire des migrants francophones à Woonsocket. La culture franco-québécoise, cependant, est toujours présente dans la région. Elle est préservée par plusieurs musées, universités, sociétés de généalogie et associations francophones. Les plats servis lors des fêtes de fin d’année sont typiquement québécois :les cretons, la tourtière, le ragoût de boulettes, la tarte à la ferlouche [1] ou encore le pouding chômeur.
Un itinéraire de 750 kilomètres
Les villes de Woonsocket, Manchester, Biddeford et Lewiston pourraient bientôt partager plus qu’un passé et des spécialités gastronomiques. Le maire de Québec, l’un des fondateurs du Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique, a récemment encouragé les 140 agglomérations membres de l’association à « travailler ensemble » et à « créer des routes » entre elles. Une consigne appliquée à la lettre.
La « Franco-Route of New England », prévue pour la fin de l’été 2019, reliera les villes de Lewiston et Biddeford dans le Maine, Manchester dans le New Hampshire et Woonsocket dans le Rhode Island, membres du Réseau des villes francophones. Un itinéraire de 750 kilomètres. Dans chaque ville étape, les restaurants seront invités à traduire leur carte en français et à proposer des spécialités québécoises. Le projet, qui a reçu le soutien de la Délégation du Québec à Boston, intéresse désormais également les villes de Lowell et Salem, dans le Massachusetts, et de Skowhegan, dans le Maine.
« Cette route existe déjà », sourit Anne Conway, la déléguée du Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique à Woonsocket. « C’est l’Interstate 95 : nombre de Québécois l’empruntent pour aller faire des recherches généalogiques aux Etats-Unis ou visiter le lieu de naissance de leurs grands-parents. Mais officialiser ce lien favorisera les échanges entre les villes francophones de la Nouvelle-Angleterre. »
Jean Leclercq
[1] Selon Jeanne Benoît, grande prêtresse de la cuisine québécoise, la tarte à la ferlouche se prépare ainsi :
Prévoir :
une tasse de farine,
une tasse de mélasse,
une tasse d'eau,
une 1/2 tasse de raisins secs,
une 1/2 cuillière à soupe de beurre,
un fond de tarte cuit.
Mettre dans une casserole la farine, la mélasse et l'eau. Delayer le tout et faire cuire jusqu'à consistance de crème épaisse et lisse, en brassant sans arrêt. Ajouter ensuite les raisins secs. Lorsque le mélange devient transparent, ajouter le beurre et verser dans le fond de tarte cuit et servir froid.
L'article ci-dessus est, pour l'essentiel, repris de l'hebdomadaire France-Amérique du 5 octobre 2017.
Lectures supplémentaires:
La Ruée vers le Sud : Migrations du Canada vers les États-Unis, 1840-1930
Bonjour, America
New York Times
23 July, 2013
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