Traduction par Valérie François d'un article paru en anglais dans le TIME Magazine, comprenant la synthèse d'une analyse parue dans la revue Journal of Psychopharmacology. Valérie a été notre linguiste du mois de Septembre 2017
Ceux qui apprennent une langue étrangère trouvent parfois que l’alcool, avec modération, les aide à parler plus couramment. D’une certaine manière, cela s’explique : il a été démontré que le fait de boire une bière ou un verre de vin pouvait réduire les inhibitions, et ainsi aider certaines personnes à surmonter leur nervosité ou leur hésitation.
Pour répondre à cette question, des chercheurs britanniques et néerlandais ont mené une étude, publiée cette semaine dans la revue spécialisée britannique Journal of Psychopharmacology. Et il s’est avéré que les participants s’exprimaient en effet de manière plus fluide après avoir absorbé une faible quantité d’alcool - même s’ils ne le pensaient pas eux-mêmes.
L’étude portait sur cinquante personnes de langue natale allemande, étudiants à l’Université de Maastricht, aux Pays-Bas, près de la frontière allemande. Les participants ont tous déclaré boire de l’alcool au moins de temps en temps, et ils avaient tous récemment réussi un examen démontrant leur compétence en néerlandais (leurs cours étant en partie dispensés dans cette langue).
Avant de se soumettre au test d’une conversation informelle de deux minutes avec un interlocuteur néerlandophone, chaque participant a reçu quelque chose à boire, un verre d’eau pour la moitié d’entre eux, et une boisson alcoolisée pour l’autre moitié. La quantité d’alcool servie variait en fonction du poids de la personne ; pour un homme de 70 kg, cela équivalait quasiment à une pinte de bière.
Les conversations ont été enregistrées puis notées par deux néerlandophones qui ne savaient pas qui avait consommé de l’alcool. On a également demandé aux participants d’évaluer leurs propres performances, en particulier la fluidité de leur conversation.
De manière inattendue, l’alcool n’a eu aucun effet sur l’évaluation des participants ; ceux qui avaient bu un verre d’alcool n’étaient pas plus confiants ou satisfaits de leurs performances que ceux qui n’avaient bu que de l’eau.
Ces derniers ont pourtant été plus performants, d’après leurs évaluateurs. Dans l’ensemble, les natifs néerlandophones ont trouvé que les participants ayant bu de l’alcool s’exprimaient de façon plus fluide, avec notamment une meilleure prononciation, que ceux n’ayant bu que de l’eau. Cependant, aucune différence concernant la grammaire, le vocabulaire et l’argumentaire n’a été notée entre les groupes.
Les auteurs soulignent que la quantité d’alcool testée dans l’étude était faible et que des niveaux de consommation plus élevés pourraient ne pas avoir ces effets bénéfiques. Après tout, écrivent-ils dans leur article, la consommation excessive d’alcool peut avoir l’effet inverse sur la fluidité, voire rendre le discours lent et confus.
Et comme les participants savaient ce qu’ils buvaient, il est impossible de savoir si leur discours s’est amélioré en raison des effets biologiques de l’alcool ou de ses effets psychologiques. (Des études antérieures ont montré que les personnes qui pensaient consommer de l’alcool pouvaient connaître des niveaux de déficience similaires à ceux qui avaient bu effectivement de l’alcool.) « À l’avenir, les recherches devront inclure un placebo à l’alcool », écrivent les auteurs, « pour distinguer les effets pharmacologiques relatifs des effets psychologiques. »
En outre, d’autres groupes de personnes devraient être soumis à cette étude, ajoutent-ils, pour montrer que les résultats obtenus ne sont pas propres aux personnes de langue maternelle allemande ou à celles apprenant le néerlandais. Au moins un autre article soutient cette théorie, cependant ; dans une étude de 1972, les chercheurs avaient déjà constaté une amélioration de la prononciation des mots en langue thaï chez des Américains qui avaient bu de faibles doses d’alcool.
Même si l’état psychique ou émotionnel des participants n’a pas été mesuré dans cette étude, les auteurs affirment qu’une dose d’alcool faible à modérée « réduit l’anxiété du langage » et augmente par conséquent la maîtrise de la langue. Ainsi, concluent-ils : « L’absorption d’une faible dose d’alcool est susceptible d’aider les locateurs de langue étrangère à s’exprimer de manière plus fluide dans cette langue ».
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