L'entretien qui suit a été mené par Skype
entre Los Angeles et Papetee, Tahiti.
Maimiti Elkain - l'interviewée | Jonathan G. - l'intervieweur |
JG : Vous avez passé votre vie entre Nice, où vous êtes née, Papeete, une commune sur l'ile de Tahiti en Polynésie française, où vous avez grandi et où vous êtes retournée, et San Diego en Californie où où vous vous êtes mariée. [1]
ME : C’est exact, Jonathan, mon prénom est d’origine tahitienne, il représente « ce qui vient de la mer » et signifie “l’appel de la mer”.
Selon la signification profonde, Maimiti développe une personnalité en étroite affinité avec le milieu marin, elle est inspirée par la mer et possède les mêmes attributs que la mer au niveau de son caractère (calme, houleuse, forte, nourricière, dangereuse, mystérieuse, inquiétante, purificatrice…, etc.) (tahititourisme.pf)
Mon père en est tombé amoureux et a insisté auprès de ma mère pour que cela soit mon premier prénom. Il a perdu… Mon premier prénom est Elodie, mais je porte celui de Maimiti depuis ma naissance. Maimiti était le nom de la Tahitienne dont était amoureux le lieutenant Christian, incarné par Marlon Brando, dans « Les Révoltés du Bounty ». [2] Aujourd’hui, je suis bien contente que mon père se soit imposé, je suis fière de porter un prénom tahitien qui me permet de transporter cette culture partout où je vais. Ce n’est que récemment que je me suis aperçue que ma vie s’était imprégnée de mon prénom au point que je n’ai jamais vraiment quitté la mer. La mer m’apporte énormément, comme un équilibre émotionnel, une perspective d’avenir positive et rassurante. C’est aussi le respect des forces naturelles et de la création de D… nous rappelant que notre place sur cette terre est sa volonté… je pense que l’humilité est la valeur dont je m'imprègne lorsque je regarde la mer.
JG : Après votre naissance à Nice, vous êtes partie à Tahiti avec vos parents. Qu'est-ce qui a poussé vos parents à s'installer là-bas?
ME: Ma mère est née en Algérie et mon père en Espagne. Leur destin les a menés tous les deux à Tahiti. Mon père y était depuis plusieurs années lorsque le bonheur frappa à sa porte, littéralement. Un jour, un de ses amis tape à la porte de son appartement accompagné de cette jeune vacancière d’origine juive. Mon père étant juif, il a pensé qu’ils s’entendraient. Donc mes parents se sont mariés à Tahiti. Pour son accouchement, ma mère est rentrée en métropole près de sa mère jusqu'à mes trois mois. J’ai vécu à Tahiti jusqu’à mon baccalauréat.
JG : Où avez vous poursuivi vos études?
ME : J’ai passé mon bac en 2000, à 18 ans. A cette époque, l’Université de la Polynésie Française venait à peine d’ouvrir et n’offrait pas un large choix. Il était courant de partir pour étudier. Nice fut ma destination et le Droit mon sujet. J’ai obtenu un DEUG de Droit à la Faculté de Droit de l'université Nice Sophia Antipolis. Puis je suis revenue à Tahiti pour obtenir ma Licence de Droit. Mes études se sont clôturées à Nice par l’obtention d'un deuxième Master, en Droit économique ainsi qu’un second Master en Droit privé et sciences criminelles en 2006.
JG : Qu'est-ce qui vous a amenée en Californie et que faisiez-vous la-bas?
ME : À mon retour de France, j’ai obtenu un poste de fonctionnaire (catégorie A) en remplacement, à la Direction des Affaires Foncières en Polynésie. À chaque congé, je partais à Los Angeles afin d’assouvir mon attirance obsessionnelle pour les États Unis. J’y ai rencontré l’homme qui est devenu mon mari en 2010. Nous nous sommes installés à San Diego où j’ai obtenu un LL.M. qui m’apporte une équivalence en Droit américain.
Je dirai que l’amour m’a menée en Californie. Lors de mon Master de Droit américain, je me suis passionnée pour le Droit de l’immigration, sujet brûlant aux États-Unis faisant partie de ma propre expérience, étant moi-même passée par les étapes requises pour devenir résidente en Californie. Par la suite, j’ai travaillé pour un excellent cabinet d’avocats spécialisés en droit de l’immigration à San Diego. J’ai énormément appris en travaillant avec cette équipe d’avocates et de juristes exceptionnellement talentueux et passionnés. Mon centre d’intérêt s’est avéré être le droit de l’immigration appliqué aux entreprises multinationales, aux investisseurs étrangers et professionnels qualifiés, leur permettant ainsi d’étendre leur activité en territoire américain.
Je n’ai pas passé le Barreau en Californie, donc je ne suis pas avocate mais j’ai acquis une connaissance solide du droit international et des affaires d'un point de vue français et américain.
JG : Quelles langues avez vous étudiées à l'école? Il est évident que vous maîtrisez parfaitement le francais, votre langue maternelle ainsi que l'anglais. Qu'en est-il de l'espagnol?
Français, anglais et espagnol et un peu d'hébreu. Mon espagnol parlé n'est pas très fort, car je n'ai jamais eu l'occasion de le pratiquer. Dans mon travail à San Diego, j'ai traduit des documents et manipulé des documents dans différentes langues, dont l'espagnol. J'adore les langues et j'ai pris beaucoup de plaisir à comparer des versions d'un document donné dans différentes langues.
JG : Comment passez-vous votre temps libre?
J'aime courir et pratiquer d'autres sports, ainsi que le yoga, l'entraînement fractionné de haute intensité et la musculation. J'apprécie les bons vins et la nourriture saine.
JG : Où est-ce que vous voyez votre avenir?
Ma mère est décédée et je suis maintenant divorcée. Mon père, qui a 84 ans (mais en pleine forme) vit ici sur l'île. Tant qu'il aura besoin de moi, je resterai ici. Après cela, je voyagerai et choisirai où je veux m'installer.
JG : Finissons cet entretien là où nous avons commencé, sur le sujet de la mer. Le fait d'avoir vécu à San Diego, Nice et Tahiti indique clairement un attachement fort à la mer. [3] Tahiti et ses îles offrent des kilomètres de littoral, avez-vous l'occasion d'en profiter?
Vivre près de l'océan est extrêmement important pour mon bien-être et ma stabilité. J'apprécie le coucher de soleil sur la mer pour son intensité autant que voir le lever de soleil pour sa douceur et la sérénité que cela procure. C’est une source d’énergie incommensurable et surtout inépuisable.
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[1] Note linguistique (Jean Leclercq) :
Les mots anglais “island” et “isle” ont la même signification. Selon l'Online Etymology Dictionary, “isle” est entré dans la langue anglaise au 13e siècle, par l'intermédiaire du vieux français isle, lui-même dérivé du latin insula, signifiant “île”, peut-être la forme féminine de l'adjectif en-salos, signifiant “dans la mer”, de salum, “mer”. C'est un terme plus littéraire, utilisé dans la toponymie: Isle of Man, Isle of Wight. Remarquons qu'en français la vieille graphie isle a survécu dans des patronymes (Rouget de Lisle, Leconte de Lisle) et des toponymes (L'Isle-Adam, L'Isle-Jourdain, L'Isle-en-Dodon).
Le mot anglais « island » est entré dans la langue anglaise par un cheminement plus complexe.
Le mot anglais « islet », désigne un îlot. Il est entré dans la langue anglaise vers 1530, en provenance du français « islette ».
L'adjectif « insular » (insulaire, en français, dans son sens littéral, géographique), est couramment employé en anglais dans un sens métaphorique que l'on pourrait, dans ce cas, rendre en français par étriqué(e).
Enfin, en anglais, “insular” n'est pas employé comme substantif, de la façon dont les Français emploient insulaire, dans le sens d'îlien, d'habitant d'une île. L'équivalent anglais serait le mot “islander”.
[2] Tarita, l'actrice interprétant Maimiti dans le film, deviendra sa troisième épouse et donnera naissance à la lignée tahitienne des Brando
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[3] Note personnelle du blogeur (J.G.):
J'ai vécu, moi aussi, dans trois villes côtières - Durban (Afrique du Sud), Haifa (Israël) et Los Angeles.
Note musicale du blog :
La chanson « La mer » a été composée par Charles Trenet (1913-2001), auteur-compositeur-interprète français.
La version anglaise : Beyond the Sea
Le texte de cet entretien a bénéficié de l'aide de Jean-Paul DESHAYES qui a bien voulu le peaufiner.
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