À la suite du vote du Parlement britannique du 15 janvier 2019, rejetant l'accord de sortie de l'UE négocié par Mme Theresa May, l'hebdomaire britannique, "The Economist", dans son dernier numéro, porte le titre "Mother of all Messes" - un calembour sur "Mother of All Parliaments". « La mère des parlements » est une expression que formula l'homme politique et réformateur britannique John Brighton en 1865. Elle désigne le Parlement du Royaume-Uni, du fait de l'adoption du modèle de démocratie parlementaire dit de Westminster [1] par bon nombre de pays de l'ex-Empire britannique. Selon le site Web de l'université de Cambridge, ce système a été exporté dans le monde entier. Souhaitons que le chaos parlementaire actuel ne devienne pas un produit d'exportation britannique !
SUPER-BREXIT-FRAGILISE-EUROPA- |
Une autre réaction à la situation chaotique régnant au Parlement de Londres vint d'une députée, Mme Layla Moran, qui a qualifié la situation de cluster shambles (chienlit tous azimuts [3]). Après notre publication récente d'un article intitulé « Shambles, mayhem, bedlam – Londres, Paris, même chienlit? », nous avions décidé de laisser de côté la situation chaotique de la politique britannique (et des rues françaises en fin de semaine), pour nous intéresser à l'état tout aussi chaotique des États-Unis, aux prises avec le shutdown (la paralysie partielle des services fédéraux gouvernementaux provoquée par le blocage budgétaire). Mais, nous ne saurions nous priver de l'occasion qui s'offre de relever ce cluster shambles qui a les allures d'un tout récent néologisme. Nous supposons qu'il est calqué sur l'expression cluster fuck-up, plus grossière encore. Pour les chastes oreilles qui peuvent ne pas connaître ses acceptions les plus récentes, fuck-up, substantif, se traduit par bordel, fiasco, chienlit, lorsqu'il s'applique à une situation, et « raté(e) », appliqué à une personne. Quant à cluster, il joue le rôle d'augmentatif et s'inspire de cluster bomb, la bombe à fragmentation qui fait tant de ravages dans les conflits contemporains. L'effet explosif d'une telle bombe est tel qu'il est plus meurtrier que celui d'une bombe ordinaire. Cluster
shambles décrit donc particulièrement bien la chienlit que la gestion de la crise du Brexit propage dans tous les azimuts, provoquant des explosions dans toutes les directions.
Voici quelques termes voisins, non cités dans notre article « Shambles, mayhem, bedlam » :
SNAFU, contraction de Situation Normal : All Fucked Up (en français : Situation normale : c’est le bordel, un acronyme anglais qui signifie que la situation est mauvaise, mais qu’elle l’a toujours été et qu’il n’y a pas de quoi s’étonner.
FUBAR, Fucked Up Beyond All Recognition/Any Repair/All Reason (en français : C'est un bordel absolu, intégral et absurde),
SUSFU, acronyme de Situation Unchanged: Still Fucked Up. (en français : Rien de changé, c'est toujours le bordel),
FUBU, acronyme de Fucked up beyond all Understanding (en français : C'est un bordel absolument incompréhensible)
Ces termes sont issus du langage militaire américain de la Deuxième guerre mondiale. Seul SNAFU est devenu un substantif couramment employé en anglais.
BOHICA : acronyme de Bend Over, Here It Comes Again est une expression familièrement utilisée pour indiquer qu'une situation fâcheuse va se reproduire, et que le plus sage est de se laisser faire. On y voit généralement une allusion à la sodomisation.
Cet acronyme est devenu d'un usage courant dans les forces armées américaines pendant la guerre du Vietnam.
Chacune des expressions SNAFU, SISFU et FUBU a une forme atténuée, construite en remplaçant « fucked » par « fouled »
Nous allons maintenant laisser de côté la situation politique britannique pendant un moment et nous intéresser au mot qui fait actuellement florès en politique américaine, à savoir shutdown [4], ainsi qu'à l'expression « tender-age shelter », choisie par l'American Dialectical Society comme le mot de l'année 2018.
Guettez les articles qui paraîtront prochainement sur ces deux sujets.
[1] Le système de Westminster est un système parlementaire de gouvernement basé sur celui existant au Royaume-Uni. Il tire son nom du palais de Westminster, le siège du Parlement britannique. Il est utilisé dans la plupart des nations membres ou anciennement membres du Commonwealth, notamment par les provinces canadiennes à partir du milieu du XIXe siècle puis par le Canada, l’Australie, l’Inde, l’Irlande, la Jamaïque, la Malaisie, le Nouvelle-Zélande, Malte ainsi que dans les États ou provinces fédérés de ces pays.
La Cité de Westminster (en anglais City of Westminster) est un district de la region anglaise du grand Londres et une « cité » à
part entière de plus de 200 000 habitants. La Cité couvre la plus grosse partie du West End londonien et abrite les principales institutions politiques du pays, avec le palais de Westminster, le palais de Whitehall et la Cour royale de justice, ainsi que le palais de Buckingham, résidence officielle des souverains britanniques, et le 10 Downing Street, résidence officielle des premiers ministres britanniques. La section la plus ancienne du palais, Westminster Hall, remonte à l’an 1097. Le palais de Westminster servait à l’origine de résidence royale, mais aucun monarque anglais ou britannique n’y a plus vécu depuis le XVIe siècle, suite à un important incendie survenu en 1512.
Aussi à la place du Parlement au sud-ouest du palais de Westminster, on y trouve également l’abbaye de Westminster, centre cultuel de l’anglicanisme et endroit traditionnel de couronnement et d'enterrement pour les monarques britanniques.
(Source : Wikipedia)
Le discours du President Barak Obama devant la "Mother of All Parliaments". |
[2] Supercalifragilisticexpialidocious (suːpərˌkæli-ˌfrædʒi-ˌlɪstɪkˌɛkspiːˌæli-ˈdoʊʃəs) est le titre d'une chanson figurant dans le film Mary Poppins sorti en 1964. En français, il a été traduit par Supercalifragilisticexpidélilicieux. "Le Retour de Mary Poppins" est sorti en 2018.
[3] D'apparition récente, cette expression désigne un chaos total, une pagaille monstre, un bordel indescriptible. Votre serviteur, Jean Leclercq, a tenté de rendre la métaphore balistique en proposant chienlit tous azimuts qui lui a semblé traduire la propagation du désordre dans toutes les directions, à l'image des effets de la bombe à fragmentation. Il a même entrepris des démarches auprès de l'OMPI (Organisation mondiale de la Propriété intellectuelle) pour faire breveter sa trouvaille !
[4] "Donald Trump, le show et le chaos". LA CROIX, le 18/01/2019.
Jean Leclercq, Jonathan Goldberg
Mise a jour, 6 septembre 2019
The New Yorker, BORIS JOHNSON'S BREXIT CARNAGE
"The symbolism of the physical state of the Palace of Westminster, where Parliament meets, was almost too crude this week. Big Ben was sheathed in layers of scaffolding and black construction netting. Great sections of the old complex were barely visible under plastic sheets. Inside, corridors were cluttered with plywood and temporary construction barriers. It looked like the scene of a disaster, which it was."
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