le mot avec un c minuscule existe-t-il en anglais?
Analyse de votre blogueur fidèle en direct de la Galilée
Le 9 janvier 2019, nous publiions un article intitulé Shambles, Mayhem, Bedlam - en Grande-Bretagne et en France.
Dans le cadre de cet article, nous donnions une liste de synonymes pour ces mots. L'un d'eux était le mot français tohubohu. L'origine de ce mot est tohou-vabohou, une phrase biblique hébraïque (תֹ֙הוּ֙ וָבֹ֔הוּ) trouvée dans la Genèse (1, 2) qui décrit l'état de la terre juste avant la création de la lumière dans la Genèse 1, 3. [1]
Capharnaüm ou Capernaüm est un autre mot d’origine biblique, suggérant également le chaos en français (lorsqu'il s'écrit avec un c minuscule). Il s’agit du nom d’un village de pêcheurs fondé à l’époque des Hasmonéens (IIe siècle av. J.-C.) et situé sur la rive nord de la mer de Galilée. En hébreu, le village, qui existe toujours dans l’Israël moderne, s’appelle כְּפַר נַחוּם (Kfar Naḥūm), à savoir le village de Nahum (« village du Consolateur »). كفر ناحوم en arabe. Dans l'Ancien Testament (Ecclésiastes Rabbah 7, 47), le nom apparaît en hébreu. Dans le Nouveau Testament, il est écrit Kapharnaum dans certains manuscrits, et Kαπερναούμ, Kapernaum dans d'autres. Le village est cité dans les quatre évangiles (Matthieu 4,13 ; 8, 5 ; 11,23 ; 17,24 ; Marc 1,21 ; 2, 1 ; 9,33 ; Luc 4,23 ; 31 ; 7, 1 ; 10, 15 ; Jean 2,12 ; 4,46 ; 6, 17 ; 24 ; 59) comme étant la ville natale du collecteur d’impôts Matthieu, située non loin de Bethsaïde, ville natale des apôtres Simon, Pierre, André, Jacques et Jean.
Cependant, il convient de noter ce qu'en dit Le Petit Robert :
capharnaüm : nom masculin entré dans la langue française au XVIIe siècle, avec influence de cafourniau = débarras, du latin furnus = four. Familier : lieu qui renferme beaucoup d'objets en désordre. Sa boutique était un vrai capharnaüm → bric-à-brac.
Cette définition est renforcée par celle du Trésor de la langue française : Amas confus d'objets en vrac, fouillis. Lieu où s'entasse un bric-à-brac d'objets divers.
En ce qui concerne le toponyme (écrit en c majuscule), le CNRTL ajoute cette explication : « Du topon. Biblique Capharnaüm, ville située au bord du lac de Tibériade, où Jésus fut assailli par une foule hétéroclite de malades faisant appel à son pouvoir guérisseur. »
Wikipedia soutient : «Ce sens, uniquement utilisé en français et beaucoup utilisé par Balzac, est justifié par Littré par le fait que Capharnaüm était lié à la lecture de l'évangile selon Saint-Marc, II, 2, sur l'attroupement lors de la venue de Jésus. Selon Larousse, il s'agit d'« une grande ville de commerce ».
A première vue, il n'est pas aisé d'établir un lien direct entre Capharnaüm ou Capernaüm, le village (sujet de plusieurs articles Wikipédia dans dix langues différentes, dont anglais et français), et le nom commun capharnaüm, défini ci-dessus par Le Petit Robert.
Mais si l'on extrait les termes « foule », « attroupement » et « grande ville de commerce » des définitions ci-dessus, on remarque qu'ils suggèrent tous une idée de désordre et de chaos. On peut dès lors trouver une passerelle sémantique reliant l'origine biblique du mot et son sens actuel.
Mais comment expliquer un tel glissement de sens entre l’époque de Jésus et le XVIIe siècle auquel Le Petit Robert fait allusion ? Comment expliquer aussi que capharnaüm semble être uniquement passé dans la langue courante française ? Je laisse à nos lecteurs et lectrices le soin d’en tirer leurs propres conclusions.
Pour ce qui est de la version anglaise avec un c minuscule, Oxford Dictionaries n'en fait aucune mention, ce qui confirme mon opinion que ce mot n'existe pas en anglais, et à priori n'a pas la même signification qu'en français. La définition qu'en donne le dictionnaire américain Merriam-Webster, en revanche, concorde avec le sens français :
« a confused jumble: a place marked by a disorderly accumulation of objects » dont l’étymologie est mentionnée comme telle : « French, from Capharnaum, Aramaic form of Capernaum, ancient city of Palestine; from the crowd before the house where Jesus preached (Mark 2:2). »
Toutefois, le soussigné croit à une possible erreur et a écrit à Merriam-Webster en s'interrogeant sur sa définition et son étymologie. Restons à l'écoute.
ADDENDUM :
Le film libanais Capharnaüm (کفرناحوم en arabe), drame de 2018 réalisé par Nadine Labaki, était candidat au meilleur film étranger à la cérémonie des Oscars (qui se tient chaque année près de chez moi). Bien que le titre anglais du film soit Capernaum (sans tréma), le mot chaos est ajouté entre parenthèses au début du film, au profit des téléspectateurs anglophones.
Le film raconte la vie d'un « enfant des rues », le jeune Zain, qui vit d'expédients dans un quartier misérable de Beyrouth avec sa famille. Au 71e Festival de Cannes, le prix du jury a été remis à la réalisatrice libanaise pour avoir rendu hommage aux « enfants de la rue » qui jouent dans son long-métrage, et qui « lui ont ouvert leurs cœurs et raconté leurs souffrances ». Elle a souligné que son pays, le Liban, a accueilli un grand nombre de réfugiés et a également lancé un vibrant appel à « ne plus tourner le dos et rester aveugle à la souffrance de ces enfants qui se débattent comme ils peuvent dans ce capharnaüm qu’est devenu le monde ».
Le Monde (« Capharnaüm : les oubliés des bas-fonds de Beyrouth ») : « Le cœur du film, et ce qu’il a de meilleur, est constitué d’un long moment où les deux enfants, le préadolescent et le bébé qui ne marche pas encore, sont livrés à eux-mêmes dans Beyrouth, tentent de ne pas mourir de faim, de ne pas se laisser envahir par la crasse.
« Impossible de ne pas songer à l’épisode des Misérables dans lequel Gavroche recueille deux gamins plus jeunes que lui : même sens de la précarité, même soulagements éphémères chaque fois qu’elle est tenue un moment à distance, même souci de faire de la ville un personnage à part entière. »
Le Nouvel Observateur rapproche le film de Los Olvidados de Buñuel.
Pour ma part, Capharnaüm est le film le plus puissant que je me souvienne avoir vu. Le jeu de l'acteur principal, le jeune Zain al-Rafeea, un réfugié syrien, est impressionnant, surtout compte tenu du fait que l'enfant était totalement analphabète au moment du tournage du film. Depuis, il vit en Norvège avec sa famille et fréquente l’école pour la première fois.
Jonathan G. Avec la précieuse aide d'Océane BIES
[1] Le mot est passé au français sous la forme de tohu-bohu, qui a un sens premier identique à celui de l'hébreu biblique, mais s'est élargi au sens de bruit confus, tumulte bruyant. C'est un des rares mots hébraïques passé en français (Alain Houziaux, Le Tohu-bohu, le Serpent et le bon Dieu, Presses de la Renaissance, 1997, p26)
La traduction de la Bible en français par Voltaire (1764) est la première à reprendre et traduire la phrase de la Genèse comme suit : « La terre était tohu-bohu » (Robert Dictionnaire historique de la langue française - Paris - Tome 3 p3837)
Thank you for dawing attention to this curiosity. It shows that mankind has long – perhaps always – speculated about what existed before the Creation, which we now call the Big Bang.
Rédigé par : Brian Harris | 27/03/2019 à 04:31