Un aperçu linguistique, historique, géographique, zoologique et économique
Les Îles Caïmans forment un territoire autonome britannique d'outre-mer [2] situé dans l'ouest de la Mer des Antilles. Ce territoire de 254 km2 se compose des trois îles de Grand Caïman, de Caïman Brac et de Little Caïman qui se situent au sud de Cuba et au nord-est du Honduras, entre la Jamaïque et la péninsule du Yucatan.
Le territoire a un cachet résolument britannique – on y roule à gauche et le drapeau caïman, frappé de l'Union Jack, flotte sur de nombreux bâtiments publics. Au tribunal où j'ai été récemment appelé à interpréter, l'expression “Your Lordship” (Monsieur le Juge) leur semblait bien plus britannique que le “Your Honor” auquel je suis habitué dans les prétoires américains.
L'anglais britannique est la langue la plus couramment parlée dans les Îles bien qu'un dialecte local jamaïcain y soit communément utilisé et que les jeunes générations aient adopté certains termes jamaïcains.
Les Caïmanes étant une colonie britannique, la langue locale y est un mélange d'anglais, d'américain méridional, d'écossais et de gallois. Les touristes américains remarqueront que des mots tels que colour et theatre sont orthographiés à l'anglaise.
Les habitants jamaïcains ont apporté avec eux leur anglais à l'accent caractéristique, et si ces locuteurs peuvent être un peu plus difficiles à comprendre, leur parler ajoute une certaine mélodie au discours insulaire. Beaucoup de Caïmanais parlent également espagnol en version cubaine et centre-américaine.
Le premier Anglais à y poser le pied, fut le capitaine au long cours, corsaire, négrier, officier de marine et explorateur de l'ère élisabéthaine, Sir Francis Drake, en 1586. [3]
Depuis la venue de Christophe Colomb dans ces îles, il y a 515 ans, des colons de tous poils s'y sont installés : des pirates, des réfugiés fuyant l'Inquisition espagnole, des naufragés et des déserteurs de l'armée d'Oliver Cromwell en Jamaïque.
Quand Christophe Colomb aborda les îles, il y nota la présence d'un grand nombre de tortues marines. Il baptisa les îles (en espagnol) Las tortugas, devenues ensuite Los lagartos (alligators ou grands lézards), puis Los Caymanos ce qui donna, en français, les Îles Caïmans, alias Islas Caimán, en espagnol. Le terme Caïman est d'origine caribe, l'une des langues antillaises, et il désigne un groupe de crocodiliens. [4]
À propos des tortugas observées par Christophe Colomb, il convient peut-être de noter que ni le français, ni l'espagnol n'ont des termes différents qui équivaillent aux vocables anglais tortoise [5] et turtle. Le français distingue la tortue terrestre de la tortue marine, tandis que l'espagnol parle de tortuga marina et de tortuga terrestre. [6] [7]
Initialement, le mot anglais pour tortoise était tortuse, mais il se mua curieusement en tortoise au 16e siécle, probablement sous l'influence de purpoise, terme lui-même dérivé du français de 12e siècle porpaís.
Le crocodile cubain (Crocodylus rhombifer) hantait naguère les Îles et l'on pense que le crocodile américain (Crocodylus. Acutus) est en train de repeupler la Grand Cayman – un peu comme les avocats britanniques qui règlent des litiges relatifs aux fortunes qui se sont réfugiées dans ce paradis fiscal « en pleine mer ». Signe de cette activité financière, il y a deux fois plus de sociétés aux Îles Caïmans que d'habitants (63.000 environ).
Comme les sauriens, les interprètes et les tortues marines aiment se prélasser au soleil. En revanche, les avocats et les requins, lorsqu'ils ne s'affrontent pas, préfèrent nager dans la mer. Chacun choisit son paradis.
L'interprète et l'avocat se détendent en dehors du tribunal
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[1] Paradis fiscal (fr.) = tax haven (angl.) Le mot haven, du vieil anglais haefen, lui-même issu du vieux scandinave höfn, signifiait initialement port (comme dans les toponymes anglais Newhaven, Milfordhaven, ou allemands Bremerhafen, Cuxhafen, Friedrichafen). Mais, il n'est plus utilisé qu'au sens figuré d'un lieu de refuge, concept couramment exprimé dans l'expression safe haven.
[2] Elles ont été cédées par l'Espagne à l'Angleterre par le traité de Madrid, en 1670. Les Îles sont devenues une dépendance de la Jamaïque en 1863 mais, à l'époque de la décolonisation des Antilles anglophones, la Jamaïque s'est émancipée de la Grande-Bretagne tandis que les Îles Caïmans ont choisi de rester une colonie de la Couronne britannique.
[3] Drake accomplit le deuxième tour du monde en une seule expédition, de 1577 à 1580, et il fut aussi le premier à boucler la boucle en tant que commandant de son navire et chef de l'expédition.
[4] Un ordre de reptiles aquatiques ovipares et carnivores qui vivent dans les zones tropicales et subtropicales de la planète. Ils sont apparus sous leur forme actuelle il y a au moins 167,7 millions d’années, c'est-à-dire vers le milieu du Jurassique.
[5] En 2011, j'ai écrit une série de trois articles sur ma visite à une autre île britannique, Sainte-Hélène (où Napoléon Bonaparte est mort) et sur ma rencontre avec une tortue dénommée Jonathan, âgée de 186 ans aujourd’hui et toujours vaillante. (Voir la photo ci-dessus.) C'est peut-être le plus vieil animal du monde !
[6] D'après le site ThoughtCo.com, etablir une distinction entre « turtles » et « tortoises » est une question tout autant linguistique que biologique. Aux États-Unis, turtles désigne généralement les deux espèces alors qu'au Royaume-Uni, turtles désigne spécifiquement les tortues d'eau douce et les testudinidés (la famille animale qui englobe les tortues aquatiques et terrestres). De manière générale, le mot tortoise s'applique aux testudinidés qui vivent sur terre, tandis que turtle est plus communément réservé aux espèces qui vivent en mer ou dans les cours d'eau. En outre, la plupart (mais non la totalité) des tortoises sont végétariennes, alors que la plupart (mais non la totalité) des turtles sont omnivores, se nourrissant à la fois de végétaux et d'animaux.[7] The Cayman Turtle Centre est la seule institution du genre au monde. C'est aussi la seule à avoir obtenu la reproduction en captivité de tortues marines de deuxième génération.
Jonathan G.
Traduction et précieux conseils :
Jean L.
Lecture supplémentaire :
Understanding The Caribbean: The Countries, People, And Words That Come From The Region
Longue vie aux Jonathan!
Rédigé par : Elsa Wack | 08/03/2019 à 02:47
Merci, Elsa. Je me contente d’arriver à l’âge de 120 ans.
Jonathan (celui de Los Angeles, pas celui de Sainte-Hélène).
Rédigé par : Jonathan | 08/03/2019 à 13:22
Very interesting. I was especially interested in the turtles and their longevity. For anyone who hasn’t read it, I warmly recommend Julia Whitty’s short story A Tortoise for the Queen of Tonga, her best. It brings tears to my eyes every time I get to the ending. Mediterranean turtles come ashore to lay their eggs on a beach just south of where I live near Valencia, Spain.
That Spanish and French only have a single word that corresponds to English ‘tortoise’ and ‘turtle’ is a good example of differing ‘découpage de la réalité’, a common problem for translators.
Rédigé par : Brian Harris | 10/03/2019 à 09:35