- reportage du Kenya
Nous sommes heureux de retrouver notre contributrice fidèle, Magdalena Chrusciel. Magdalena a été notre « traductrice du mois » de mars 2013. Magdalena a grandi à Genève et y a fait des études qu'elle a ensuite poursuivies à l'Université de Varsovie. Revenue en Suisse et diplômée de l'E.T.I. de Genève, elle possède une palette linguistique aussi large qu'originale avec la maîtrise de quatre langues : polonais, russe, français et anglais. Elle est traductrice-jurée et mène également des activités d'enseignement et de formation professionnelle.
Magdalena séjourne au Kenya depuis deux ans, avec son époux biologiste, qui est chargé de la politique des espèces auprès de WWF International.
Pour retrouver des contributions précédentes de Magdalena, cliquez sur son nom sous la section "Catégories" dans la colonne à droite du site.
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Toutes les langues du monde évoluent - c'est aussi ce qui fait leur beauté et force. Ainsi, à Nairobi où je
réside actuellement, c'est le shang qui prend de plus en plus de place, né de la rencontre entre l'anglais, le swahili et d'autres langues tribales kenyanes. En effet, le swahili, à l'instar de maintes langues dans le monde entier, n'a résisté pas à cette "corruption" (ou plutôt contagion, devrais-je dire) par la langue dominante qu'est l'anglais, tout en s'enrichissant des langues tribales ambiantes. Le shang est une réaction à la langue des anciens colonisateurs et, en supprimant barrières tribales et même celles de classe, exerce une fonction de cohésion sociale. Paradoxalement, les Kenyans éduqués, très anglicisés, redécouvrent l'usage du swahili grâce au shang, qui devient lingua franca du Kenya. De passage à Nairobi, le président Obama s'est adressé au public kényan en utilisant des termes shang.
La colonie française de Nairobi est importante, les affaires plutôt florissantes, ce dont témoigne la présence d'une grande enseigne de distribution, de sociétés de transport et de construction routière. Au-delà du clash linguistique, c'est une rivalité commerciale qui se met en place. Entre Anglais et Français, une longue histoire de frères ennemis. Dans son livre "The English : The Portrait of a People » (Harry N. Abrams; January 29, 2013), le grand reporteur de la BBC Jeremy Paxman constatait déjà que, lors de la première guerre mondiale, les soldats anglais n'aimaient pas les soldats français, allant jusqu'à respecter davantage les soldats allemands, en raison de l'animosité séculaire.
La communauté française est bien organisée pour promouvoir la francophonie - l'Alliance française y organise 200 événements tout au long de l'année. Le français est sans doute une des langues les plus étudiées par les Kényans. Beaucoup de Françaises expatriées sont affiliées à l'association Nairobi-Accueil, qui organise d'intéressantes visites locales et activités. Pour celles qui arrivent pour la première fois dans un pays anglophone, le niveau de leur anglais peut parfois laisser à désirer, hérité du système éducatif français et de considérations historiques énoncées ci-avant. N'étant autorisées à travailler, leurs contacts avec les Kenyans restent trop limités pour développer un anglais conséquent. Aucun doute qu'Il en est différemment des jeunes en poste ici, ainsi que de leurs enfants scolarisés dans les établissements anglophones de grande qualité.
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Lors d'un trekking à Hell's Gate,
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Devant la bibliothèque personnelle de Karen Blixen |
Places respectives du français et de l'anglais au Kenya
Voici quelques réflexions à ce sujet recueillies auprès de Nathalie Tamigneaux, Belge multilingue, résidant au Kenya depuis plus de 20 ans, professeur de FLE et animatrice du club de lecture francophone de l'association Nairobi-accueil.
Après quelques années en pays francophones de l'Afrique de l'ouest, la perspective de vivre en pays anglophone présentait un vrai attrait pour notre famille. Nos jeunes enfants alors âgés de 5 et 2 ans, déjà bilingues français-persan, ont joint le système éducatif anglophone. Au sein de l'association Nairobi Accueil, un autre couple mixte avait fait le même choix. Ils nous ont été d'un précieux soutien pour commencer avant de devenir nos meilleurs amis du moment.
La décision prise pour nos enfants s'accordait avec mon projet personnel d'améliorer mon anglais. A cette époque il était plus facile de suivre des formations de groupe de qualité en différents endroits à Nairobi. Malheureusement, il n'en reste plus qu'un seul, ce qui restreint le choix pour les nouveaux arrivants francophones. Cours privés et internet offrent maintenant une offre très large, encore faut-il une motivation certaine pour cette dernière formule et des moyens financiers pour la première. Actuellement, il est plus difficile pour un francophone de suivre une bonne formation en anglais. S'il n'y a pas à travailler en anglais, internet permet à présent de suivre programmes radios et tv quasi gratuitement. En 2000, notre antenne radio cherchait le meilleur endroit de la maison pour capter RFI et il fallait débourser un montant certain pour avoir des bouquets télévision proposant des programmes francophones. Cela motivait (pour) l'apprentissage de l'anglais !
Depuis 20 ans je me joins toujours avec grand plaisir aux activités de Nairobi Accueil mais grâce à mon aisance en anglais, beaucoup d'autres portes se sont ouvertes dans cette riche communauté internationale de Nairobi. Le système scolaire anglophone sollicite beaucoup les parents dans ses activités : rencontres thématiques, organisations d'événements artistiques, sportifs, … autant d'opportunités d'intégration à saisir qui m'ont procuré énormément de plaisir.
Nairobi |
Au cours de ces 2 décennies, la vie de la communauté francophone a évolué. Son principal représentant, l'Alliance française, assure avant tout sa fonction d'enseignement de la langue mais au niveau culturel – restrictions budgétaires obligent- il y a nettement moins d'événements. Autre lieu de rencontre, Nairobi Accueil représente toujours ce très large monde francophone d'horizons aussi divers que les pays d'Europe de l'Est, du Moyen Orient, de l'Afrique, du Canada, … La majorité des activités se déroulent en journée (ce qui exclut pas mal de monde) mais permet à ceux qui ne peuvent travailler de se retrouver entre francophones.
Un pied dans le monde francophone de Nairobi, l'autre dans les écoles anglaises et internationales, j'ai au fil des ans trouvé ma place comme professeur particulier auprès d'enfants scolarisés en anglais. Le parcours de chaque enfant en français est unique. Il y a ceux dont l'un des parents est francophone qui parle bien mais peine à écrire, ceux qui ont vécu en pays francophones et veulent maintenir leur niveau, les suivants qui vont partir en pays francophones, sans oublier tous les autres pour qui la langue française est tout simplement une langue écrite bien compliquée à apprendre… mais la demande pour des cours reste toujours aussi forte.
Grande lectrice depuis toujours, membre assidu de la bibliothèque anglophone de l'école, je me suis tournée tout naturellement vers le club de lecture francophone de Nairobi Accueil dont je suis responsable actuellement. Nous partageons nos derniers coups de cœur et trésors personnels. Les ouvrages sont aussi bien d'origine francophone que des traductions de littérature internationale et quelques livres en anglais. La langue anglaise ne représente pas un problème pour la majorité de nos membres, en particulier les plus jeunes.
Durant ces 20 années à Nairobi, l'anglais est de mieux en mieux maîtrisé par les Français même s'il y a encore un retard à combler pour s'aligner sur d'autres francophones plus polyglottes. Internet y sera pour beaucoup pour la jeune génération !
Lecture supplémentaire :
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Note du blog : ex Africa semper aliquid novi
Misquotation: ‘Always something new out of Africa’
A proverbial expression, translating the Latin ex Africa semper aliquid novi, used in English from the mid 16th century; since 1937, the phrase has probably also evoked the thought of Karen Blixen’s memoir Out of Africa. The immediate source of the saying is a passage in the Natural History of the Roman scholar Pliny the Elder. Explaining the number of African animals by hybridization (for example, lions breeding with leopards), Pliny explains that this is what gave rise to what he calls a common Greek saying that ‘Africa always brings forth something new.’ The allusion is to a passage in Aristotle’s History of Animals in which he notes that the most numerous forms of wild animals are to be found in Libya, and give the saying ‘Libya is always showing something new.’
From the Oxford Dictionary of Quotations.
Voir aussi:
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