...choisi par le dictionnaire Collins.
L'article qui suit a été publié dans le journal britannique, The Guardian du 6 novembre 2019. Traduction : Jean Leclercq
Au terme d'une année marquée par des protestations contre le changement climatique s'exprimant de l'Afghanistan au Vietnam, par des manifestations du mouvement Extinction Rebellion consistant à bloquer la circulation dans des grandes villes et par une Greta Thunberg [1] appelant les jeunes à sécher les cours pour combattre l'inaction politique, le dictionnaire Collins a désigné l'expression "climate strike" (grève pour le climat) mot de l'année 2019.
Chaque année, les lexicographes du dictionnaire surveillent un corpus de 9,5 milliards de mots et dressent une liste de 10 mots nouveaux et importants. L'un de ceux-ci est ensuite couronné mot de l'année. La grève pour le climat se définit comme : « une forme de protestation consistant à ne pas aller au travail ou aux cours afin de participer à des manifestations pour exiger que l'on agisse contre le changement climatique ».
L'expression a été utilisée pour la première fois en 2015, à l'occasion d'une manifestation de masse pendant la conférence des Nations Unies sur le changement climatique, organisée à Paris. Toutefois, elle ne s'est largement répandue qu'à la fin de 2018, lorsque la décision de la jeune activiste suédoise Greta Thunberg de sécher les cours tous les vendredis pour aller protester devant les parlements nationaux a fait la une des journaux du monde entier. En septembre 2019, on estimait que six millions de jeunes avaient participé à la grève mondiale pour le climat, alias Semaine mondiale pour le Futur.
Les lexicographes de Collins ont observé que l'emploi de l'expression « grève pour le climat » a centuplé en 2019, se plaçant ainsi en tête de leur liste de mots. Helen Newstead, consultante en contenu linguistique chez Collins, a déclaré : « Les grèves pour le climat peuvent souvent diviser l'opinion publique, mais elles ont été incontournables cette année et elles ont même ravi la première place à l'ex-mot de l'année – Brexit – au palmarès des informations, ne serait-ce que pendant peu de temps. » C'est là le signe d'une tendance aux termes relatifs à l'environnement, après qu'« à usage unique » ait été le mot de l'année 2018, désignant les produits en matière plastique pour une seule utilisation.
Cette année, d'autres termes relatifs au climat étaient en lice, notamment rewilding, signifiant « faire revenir des terres à l'état sauvage » [2], et hopepunk, substantif utilisé pour décrire « un mouvement artistique et littéraire qui prône la quête de finalités positives face à l'adversité. » Au cours des six dernières années, les mots retenus ont eu de plus en plus une connotation politique. Alors qu'à une certaine époque, des mots comme geek [3], photobombing [4] et binge-watching [5], définissaient le nouveau vocabulaire, on trouve désormais Brexit et fake news dans les sélections plus récentes. Cette année, Collins a lancé un Brexicon, sorte de lexique des mots se rapportant au processus de sortie de la Communauté européenne, comprenant Brexiteer, cakeism, flextension et prorogue. « Le dictionnaire n'a pas d'opinion sur le Brexit, si ce n'est qu'il a été assez généreux à l'égard de la langue anglaise, de même qu'il a inspiré l'emploi de nombreux explétifs désuets » dit Mme Newstead. « Il semble que nous n'avons pas eu depuis longtemps de mots de l'année qui soient plus amusants ... L'atmosphère politiquement chargée de ces dernières années retentit nettement sur notre langue, propulsant de nouveaux mots et conférant des significations et des nuances nouvelles à des termes plus anciens. » ajoute-t-elle.
[1] A la une (11 décembre 2019) - « La jeune militante du climat Greta Thunberg a été désignée personnalité de l'année 2019 par le magazine "Time". La Suédoise de 16 ans, devenue l'égérie de la lutte contre le changement climatique à travers la planète, est ainsi la plus jeune lauréate de cette distinction, décernée depuis 1927 par le magazine américain. »
[2] Il semble qu'en français, on parle de « renaturer », formé sur le modèle de dénaturer. L'action de renaturer serait donc la « renaturation ». Mais certains préfèrent parler de « réensauvager », rendre à l'état sauvage, une région, une étendue boisée ou des terres jusque-là cultivées.
[3] n. fam. 1. personne gauche/socialement inepte, intello 2. accro d'informatique, passione d'informatique, fana de nouvelles technologies. René Meertens, Le Guide anglais/français de la traduction
[4] Photobombage. L'intrusion accidentelle ou intentionnelle d'une personne au premier plan ou à l'arrière plan d'une photographie en train d'être prise. Dans le cas d'une intrusion délibérée, il s'agit souvent de faire une farce au photographe ou aux sujets photographiés, en gâchant le contexte de leur photo
[5] Le binge-watching, binge-viewing ou marathon-viewing, (visionnage boulimique selon la Commission d'enrichissement de la langue française et visionnage en rafale, visionnement en rafale ou écoute en rafale selon l’Office québécois de la langue française est la pratique qui consiste à regarder la télévision ou tout autre écran pendant de plus longues périodes de temps que d'habitude, le plus souvent en visionnant à la suite les épisodes d’une même série.
Notes - Jean Leclercq :
Signe évident de la préoccupation de plus en plus grande qu'inspire le changement climatique, les Dictionnaires d'Oxford (Lexico.com) ont désigné l'expression climate emergency (urgence climatique) mot de l'année 2019. Ils en donnent la définition suivante : "une urgence climatique est une situation dans laquelle une action urgente s'impose pour freiner ou enrayer le changement climatique et éviter ainsi les dégâts potentiellement irréversibles pour l'environnement qui pourraient en résulter." La grande préoccupation est donc sensiblement la même des deux côtés de l'Atlantique, mais si Oxford s'attache au phénomène, l'urgence climatique, Collins privilégie l'un des moyens d'action qui s'offrent aux défenseurs de l'environnement, la grève pour le climat.
Bien avant que Greta Thunberg ne déclenche son mouvement de grève pour le climat, les Dictionnaires d'Oxford avaient déjà choisi le néologisme youthquake comme mot de l'année 2017. Ce terme, formé sur le modèle d'earthquake, désigne le vaste mouvement qui, tel un séisme, secoue toute la jeunesse des pays développés et la mobilise pour la sauvegarde du climat. En risquant un équivalent français, on pourrait parler de « séisme juvénile ». Toujours est-il qu'en 2019, comme en 2017, le dérèglement climatique obsède les esprits et le choix des mots de l'année témoigne de cette préoccupation.
Dans leur communiqué, les Dictionnaires d'Oxford définissaient le terme youthquake comme « un changement important d'ordre culturel, politique ou social, résultant des actions ou de l'influence des jeunes. »
Les rédacteurs de l'Oxford ont choisi youthquake parce que les données qu'ils analysaient avaient fait apparaître un quintuplement de l'emploi de ce terme entre 2016 et 2017, notamment lors des élections générales organisées au Royaume-Uni.
En avril 2017, Mme Theresa May, cheffe du parti conservateur, a déclenché une élection surprise qui a donné lieu à sept semaines de campagne féroce. Bien que le parti travailliste attirât les jeunes, il perdit des sièges lors de l'élection de juin, suscitant cependant le plus grand afflux de jeunes aux urnes qu'on ait enregistré en 25 ans. Le même phénomène s'observa en Nouvelle-Zélande, lors des élections générales de septembre où l'engagement et le taux de participation des jeunes atteignirent également des sommets.
Diana Vreeland, rédactrice en chef de Vogue, avait inventé le terme en 1965 pour désigner la tourmente de l'après-guerre et le rejet des valeurs traditionnelles par la génération des « baby-boomers ».
À la une (10 décembre 2019): « À 34 ans, Sanna Marin est la plus jeune dirigeante au monde. La nouvelle Première ministre finlandaise a officiellement pris ses fonctions mardi 10 décembre." RTL
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Lecture supplémentaire :
Ecophisiology / L'ecophysiologie, Ecosychology / L'ecopsychologie, Sostalia / l'ecoanxieté - Isabelle Pouliot
« Tender-age shelter « est le mot de l’année 2018 pour l’American Dialect Society – Audrey Pouligny
Six jeunes Portugais attaquent 33 États afin de les contraindre à agir contre la crise climatique
Le Monde, 03.09.2020
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