En prévision des élections présidentielles et législatives qui auront lieu dans un an aux États-Unis, nous publierons de temps en temps des explications concernant une série de termes politiques en les replaçant dans leur contexte historique à l'intention de ceux de nos lecteurs qui ne connaissent pas parfaitement la terminologie politique américaine. Ci-après la première livraison.
Les élections américaines de 2020 auront lieu le mardi 3 novembre 2020. Les 435 sièges de la Chambre des représentants, 34 sièges de sénateurs sur 100 et la présidence du pays seront en jeu. Les élections porteront aussi sur 13 postes de gouverneurs d'Etats et territoires, ainsi que sur un grand nombre d'autres mandats au niveau des Etats et sur le plan local.
Entre-temps, aujourd'hui commence le procès de destitution du Président des États Unis au sein du Sénat américain.
Impeachment
Étymologie :
"late 14c., enpechement "accusation, charge," from Old French empeechement "difficulty, hindrance; (legal) impeachment," from empeechier "to hinder, impede". As a judicial proceeding on charges of maladministration against a public official, from 1640s." (Source : Etymonline. com)
À propos du Président Trump, on parle beaucoup d'impeachment ces derniers temps, mais le public francophone sait-il de quoi il retourne exactement ? La lecture de la presse française donne à penser qu'il s'agit d'une procédure de destitution. À strictement parler, c'est une approximation. Le terme en question désigne en fait une simple mise en accusation, qui peut éventuellement se conclure par une destitution. Plus exactement, après la mise en accusation qui a eu lieu dans le "House of Representatives", maintenant commence la seconde étape, qui vise la destitution du président.
Peut-être pour éviter cette ambigüité, tout en adoptant le mot anglais, Le Monde du 19 décembre écrit : « Les articles d'impeachment ont été adoptés mercredi sur des lignes presque strictement partisanes. »
Deux présidents des Etats-Unis ont fait l'objet d'une telle procédure : Andrew Johnson, au XIXe siècle, et Bill Clinton. Tous deux ont été acquittés.
Pour sa part, le mot anglais « destitution » est un faux ami : il signifie « indigence » ou « misère ». Donald Trump sera peut-être destitué mais, malgré le montant faramineux des honoraires d'avocat dans son pays, il y a peu de chances que le milliardaire finisse « destitute » (ruiné).
René Meertens
Lecture supplementaire :
L’impeachment, incompréhensible en France
FRANCE-AMÉRIQUE, 05.02.2020
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Brinkmanship
Jonathan G. Traduction Jean L.
Voyons d'abord deux définitions :
1) Pratique consistant, notamment en politique internationale, à marquer un point en donnant l'impression que l'on veut et que l'on peut pousser une situation très dangereuse à ses limites plutôt que de faire des concessions (American Heritage® Dictionary of the English Language, Fifth Edition. Copyright © 2016)
2) Une stratégie du bord de l'abîme, de la corde raide, est une stratégie qui consiste à poursuivre une action dangereuse dans le but de faire reculer l'adversaire et d'obtenir le résultat le plus avantageux possible pour soi. Ce type de stratégie se retrouve en politique internationale, en relations du travail, et dans des actions militaires impliquant la menace d'utilisation d'armes nucléaires. (Wikipedia)
Le terme, dérivé de brink (le bord), est calqué sur statesmanship ou sportsmanship, vocables désignant des activités censées être essentiellement masculines. [1]
L'idée de frôler la catastrophe, d'être au bord du gouffre, remonte à au moins 1840. Il faut se souvenir qu'en 1836, des colons américains vivant dans l'état mexicain du Texas s'étaient proclamés république indépendante. Le Mexique n'ayant jamais officiellement admis cet état de choses, les deux pays étaient à deux doigts d'en venir aux mains.
Mais, le mot brinkmanship est surtout associé aux politiques menées par John Foster Dulles, Secrétaire d'État américain de 1953 à 1959, sous la présidence de Dwight Eisenhower. Le concept découle de la philosophie politique de Dulles telle qu'elle ressort d'un entretien paru dans la revue Time en 1956 : « L'aptitude à frôler la guerre sans y être entraîné est l'art qu'il faut posséder. Si vous ne le maîtrisez pas, vous serez inévitablement entraîné dans la guerre. Si vous essayez de fuir la guerre, si vous avez peur d'aller jusqu'à la limite, vous
êtes perdu
[1] Beaucoup de mots anglais contenant l'élément man ne sont plus aujourd'hui considérés comme corrects au regard de l'égalité hommes-femmes. Ainsi, le mot chairman est souvent remplacé par chairperson. Mais, brinkmanship s'emploie toujours.
-ism
La plupart du temps, le suffixe « isme » (en anglais « ism ») positionné à la fin d'un mot indique une idéologie, par exemple, le communisme, le capitalisme, l'anarchisme. Dans les cas où le suffixe « isme » s'ajoute au nom d'une personne, il s'agit en général d'un personnage politique emblématique qui a cultivé une aura de puissance, d'adoration ou de culte, qui reste associée à son nom, même après sa mort. Ainsi fut le cas de Juan Domingo Perón, Président argentin de 1946 jusqu'à 1955 et de 1973 à sa mort en 1974, de Joseph Staline, tyran géorgien qui dirigea l'Union Soviétique pendant plus de 30 ans, et de Charles de Gaulle, président de la France de 1959 jusqu'à 1969. La période correspondant au Péronisme, au Stalinisme et au Gaullisme représente un tournant décisif dans l'histoire de chacun de ces pays respectifs.
Peron | Staline | de Gaulle |
Le thatchérisme (Thatcherism en anglais), un terme qui remonte plutôt à la politique britannique, désigne l'ensemble des politiques (essentiellement d'ordre économique) menées par Margaret Thatcher, la première femme élue Premier Ministre du Royaume-Uni (1979-1990). Le terme indique notamment sa politique économique libérale et, au point de vue personnel, la personnalité indomptable de la « Dame de fer ».
Le thatchérisme et son pendant, le « reaganisme » aux Etats-Unis, [2] menés en parallèle, se sont manifestés comme les réponses d'une approche conservatrice face à un modèle économique en crise, suite aux deux premiers rebondissements des prix du pétrole et de la crise du keynésianisme (qui doit son nom à un autre britannique, l'économiste John Maynard Keynes, reconnu comme fondateur de la macroéconomie moderne) [3].
Reagan à Thatcher : "Vous êtes toujours le meilleur homme de l'Europe"
[2] Selon l'idée reçue, Thatcher et Reagan poursuivaient une politique commune et identique. Cela s'explique non seulement par raison de leur idéologie conservatrice commune, mais du fait qu'ils aient soigneusement cultivé une image d'harmonie entre eux au sein de la presse et du public. Mais d'après Richard Aldous, auteur du livre « Reagan and Thatcher: a difficult relationship ", les deux se sont heurtés sur plusieurs thèmes : la guerre des Îles Malouines (« Falkland Islands »), l'initiative de défense stratégique (IDS), dite aussi Guerre des étoiles, et les armements nucléaires.
[3] Il existe également le « Post-keynésianisme », un courant de pensée économique développé à partir des années 1930 en Angleterre et aux États Unis. Il existe en outre le «néo-keynésianisme », dont l'objectif est de réaliser la synthèse entre les néoclassiques et les idées de Keynes, dont le keynésianisme est inspiré.
Un autre mot qui se termine par « isme » et dont l'origine est moins connue est le chauvinisme. Le chauvinisme désigne une manifestation excessive du patriotisme ou du nationalisme, issue d'une admiration exagérée ou exclusive de son pays. Le terme trouve son origine dans une légende militaire qui remonte au Premier Empire et qui met en scène le soldat français, Nicolas Chauvin. Selon la légende, Chauvin aurait été blessé tout en continuant à défendre son pays avec acharnement. Ensuite, le nom s'est répandu par l'intermédiaire de la comédie « La Cocarde tricolore » des frères Cogniard dans laquelle un acteur interprétait le rôle du soldat Chauvin.
Jingoism
Dans ce sens, en anglais on parle aussi de "jingoism", un terme qui remonte à 1878 en référence à la politique très agressive de la Grande Bretagne envers la Russie. Le terme « chauvinism » existe en anglais mais s'utilise davantage dans le cadre des rapports entre les sexes, à savoir "male chauvinism" (en français « machisme »). [4] Cet usage reflète une transformation du sens originel du terme « chauvinisme », d'une philosophie de supériorité envers d'autres pays, à une attitude de supériorité envers le sexe faible.
[4] En anglais, on emploie depuis 1940 le terme « machismo », d'origine espagnol d'Amérique latine, une fusion de « macho » (mâle) et « ismo » (isme).
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