Des réflexions linguistiques
Dernièrement, les médias ont largement diffusé la nouvelle suivante : « Amazon wants to depose President Donald Trump and others over a $10 billion Pentagon cloud contract awarded to Microsoft, according to court documents unsealed Monday. » Autrement dit, « Amazon veut que le Président Donald Trump et d’autres déposent sous serment à propos d’un contrat de stockage de données du Pentagone d’un montant de $10 milliards, accordé à Microsoft, selon des documents judiciaires rendus publics lundi dernier. »
Dans un contexte politique, le mot deposition (en anglais) et « déposition » (en français) ont généralement la même signification. La déposition d’un souverain ou d’un chef d’État est associée à la notion de coup d’état (expression couramment utilisée en anglais, faute d’un équivalent). Dans les deux langues, to depose et déposer sont des verbes transitifs.
Dans un contexte juridique, le verbe français « déposer » et le substantif « déposition » ont des significations tout-à-fait différentes de leurs équivalents anglais et sont partiellement des faux-amis. Dans le système judiciaire français, un témoin peut être convié à déposer (à témoigner), le verbe étant alors intransitif. Aux États-Unis, deux différences s’observent, l’une juridique et, l’autre, linguistique. La première est qu’une déposition a lieu dans le bureau d’un avocat (ou dans une salle de réunion réservée par un avocat) et constitue un avant-procès. Le témoin (appelé deponent), prête serment et témoigne sous serment. Les questions et les réponses sont consignées par un sténographe judiciaire qui rédige ensuite un procès-verbal qui pourra être utilisé au procès. Linguistiquement, le verbe to depose est alors transitif parce que l’avocat de la partie adverse « dépose » le témoin, lequel ne dépose pas (comme c’est le cas en droit français), mais il est « déposé » (deposed).
Pour en revenir à l’annonce précitée, celui qui ne serait pas très au courant du système judiciaire américain pourrait, à première vue, en conclure qu’Amazon tente un coup d’état visant à renverser le président Trump. Mais, à la faveur des explications qui précèdent, il devrait apparaître qu’Amazon a seulement entrepris d’attraire en justice l’État américain et/ou M. Donald Trump et que, dans le cadre d’une telle procédure, Amazon cherche à obliger Trump à déposer sous serment (littéralement, à le « déposer »). Si bien que la déposition de M. Trump, au sens politique de coup d’état, n’est pas envisagée sérieusement, à ce stade tout au moins. Pas plus qu’il n’est imaginable de le « déposer » comme un paquet de linge sale !
Jonathan G.
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