Termes français d’origine allemande
Nous sommes heureux de retrouver Elsa Wack, notre linguiste du mois de janvier 2014. Elsa, née à Genève, est traductrice indépendante de l'anglais et de l'allemand vers le français. Titulaire d'une licence ès lettres, ayant aussi fait de la musique, du théâtre et du cinéma, elle aime écrire et sa préférence va aux traductions littéraires.
Les contributions précédentes d'Elsa se trouvent à https://bit.ly/366u2tN
Les langues allemande et française n’ont pas toujours fait bon ménage et les emprunts de l’une à l’autre sont parfois teintés d’incompréhension ou d’antagonismes. Si proches et si étrangères à la fois! La langue allemande semble faire tout le contraire du français: ordre des mots en sens inverse, mots masculins au féminin dans l’autre langue…L’allemand dit « la soleil », « le lune », « der Tod » pour « la mort » et « la rat » (die Ratte).
Et quand le français emprunte le mot « hase » (allemand «der Hase», le lièvre), c’est pour en faire en français la hase, la femelle du lièvre.
Voici quelques autres exemples de mots français dérivés de l’allemand :
Schlague
Les guerres franco-allemandes ont laissé quelques emprunts. La schlague (de l’allemand der Schlag, le coup), désigne une punition par des coups de bâton.
Ersatz
Ce mot est beaucoup plus négatif en français qu’en allemand. Il signifie chez nous plutôt un succédané, une pâle copie, alors qu’en allemand il peut également avoir le sens d’un remplacement positif ou d’une compensation financière loyale.
Diktat (du latin dictatum avant l’allemand Diktat)
De ce terme allemand, qui signifie d’abord « dictée à l’école », le français n’a de nouveau conservé que le sens le plus dur, celui de conduite dictée sous l’exercice de pressions : on parle dans les deux langues des « diktats de la mode » (plutôt au singulier en allemand), et en français des « diktats du capitalisme ». Pour le second sens en allemand, notons aussi le mot Versailler Diktat, qui rappelle que le Traité de Versailles de juin 1919 fut considéré comme une injustice en Allemagne pendant la République de Weimar. Même dans son unique sens en français, « Diktat » n’est pas à confondre avec « dictature ». L’auteur allemand Karl Marx a parlé de Diktatur des Proletariats, et ses traducteurs, de même, ont employé « dictature du prolétariat » : un terme controversé pour ce qui ne devait être, à l’origine, qu’une sorte de gouvernement transitoire, en état d’urgence, par la classe ouvrière.
Certains mots désignant des produits psychotropes ont été repris de l’allemand :
Le mot d’argot « schnouff », drogue à priser, est aujourd’hui obsolète. Il venait de Schnupfen, qui veut dire sniffer, mais aussi rhume. Le LSD quant à lui (Lysergsäurediäthylamid) a été découvert dans la ville suisse de Bâle.
Le verbe « trinquer » nous vient aussi de Germanie, mais trinken signifie juste « boire », alors que trinquer, c’est entrechoquer les verres.
Espièglerie
De l'allemand Eulenspiegel, nom d'origine de Till l'Espiègle, saltimbanque malicieux et farceur de la littérature populaire allemande et néerlandaise. Ses attributs sont la chouette (Eulen) pour la sagesse, et le miroir (Spiegel) pour la farce. Combattant l'envahisseur espagnol, ce héros de légende aurait constitué l'armée des Gueux sous Guillaume d’Orange et contre Philippe II d’Espagne.
http://frvocabulary.blogspot.com/2010/05/espieglerie.html
Vasistas
(XVIIIe siècle) De l'allemand Was ist das (« qu'est-ce que c'est ? »), question exprimée via une sorte de guichet, par des Allemands à leurs visiteurs avant de leur ouvrir la porte. Ce petit vantail mobile dans une porte ou une fenêtre, témoin d’une certaine méfiance, se rencontre chez nous dans des prisons, par exemple.
La choucroute…
…(allemand Sauerkraut) pédale dans une choucroute étymologique. « Sauer » (acide) est devenu « chou », alors que « Kraut » (chou) est devenu une « croute » vide de sens. La choucroute est un aliment à la fois vitaminé et bon marché, constitué de chou conservé au sel. La fermentation lui donne une saveur acide qui ne plaît pas à tout le monde.
Les emprunts culinaires ont été nombreux, notamment en Suisse.
Mües a donné la « mouise » (bouillie, reprise en France au sens de panade, de pétrin où l’on s’embourbe). Le même mot a aussi donné « muesli ». Le « birchermuesli », ou plus simplement « bircher » en français de Suisse (prononcer birchère), est une préparation à base de céréales, de fruits crus (pommes et noix, par exemple) et de lait ou de yogourt. Son nom est issu d'une fusion entre le nom de son inventeur, le docteur Max Bircher (1867-1939), et le terme suisse-allemand Müesli, diminutif de Mues, qui désigne dans ce cas une compote ou une purée de fruits, de légumes ou de céréales : un aliment bouilli, et donc différent du muesli du docteur Bircher. Notons quand même que les flocons de céréales sont ramollis par un moment de trempage dans le produit laitier.
Le terme Müesli a été repris en Europe et dans d’autres pays pour désigner le simple mélange de céréales en flocons avec du lait ou du yogourt, sans les fruits frais du « bircher ».
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