L'article qui suit a été rédigé par René Meertens, traducteur de langue française, et notre « Linguiste du mois de janvier 2019 ».
Les observations qui suivent ont un caractère préliminaire et ne constituent pas une critique du livre.
Les contributions précédentes de René sont accessibles ici.
Gone with the Wind de Margaret Mitchell, publié en anglais le 30 juin 1936, vient d’être retraduit en français par Josette Chicheportiche pour les éditions Gallmeister. La première traduction avait été réalisée par Pierre-François Caillé. Le titre français du livre reste inchangé (Autant en emporte le vent [1]).
Margaret Mitchell |
Selon le Sunday Times londonien du 9 juin, la nouvelle traduction est plus fidèle. Nous ne pourrons pas en juger tant que l’éditeur ne nous aura pas envoyé un exemplaire.
Pour le Sunday Times, la traduction de la dernière phrase, notamment, illustre cette fidélité nouvelle.
Un peu de contexte : Scarlet est amoureuse de Rhett Butler, mais ce dernier a cessé de l’aimer. Voici le dernier paragraphe de l’original :
With the spirit of her people who would not know defeat, even when it stared them in the face, she raised her chin. She could get Rhett back. She knew she could. There had never been a man she couldn't get, once she set her mind upon him. "I'll think of it all tomorrow, at Tara. I can stand it then. Tomorrow, I'll think of some way to get him back. After all, tomorrow is another day."
Ancienne traduction de la dernière phrase : « En somme, à un jour près. »
Le Sunday Times estime que cette dernière phrase est pessimiste, alors que la phrase de l’original est résolument optimiste : elle va le récupérer, son Rhett. Le journal paraphrase la traduction de Pierre-François Caillé comme suit : « After all, another day won’t make much difference » (Après tout, un jour de plus n’a guère d’importance), ce qui est une interprétation. En fait, alors que l’anglais est clair, cette traduction ne l’est pas du tout.
Quel est le sens de tomorrow is another day ? C’est une expression courante d’optimisme et de foi en l’avenir. Elle peut se rendre par « demain tout peut encore s’arranger ».
Le journal L’Orient - Le jour du 9 juin indique la nouvelle traduction des deux dernières phrases : « Demain, je réfléchirai à un moyen de le faire revenir. Après tout, demain est un autre jour. »
L’expression « le faire revenir » est faible. L’anglais dit « to get him back ». Elle veut le récupérer !
Quant à la traduction de la dernière phrase, elle est digne de Google Translate. En fait, c’est ce que ce logiciel de traduction propose. En français, cela ne veut rien dire.
On peut conclure que les deux traducteurs ne connaissaient pas le sens de l’expression en question.
Les imperfections de ce genre sont hélas trop fréquentes dans les traductions littéraires d’anglais en français.
Bien entendu, on ne peut juger la traduction d’un livre en se bornant à lire celle de deux phrases !
[1] Le titre du livre, tant en anglais qu’en français, reprend une expression connue dès avant 1936, mais popularisée par le roman, et par le film qui en a été tiré.
En anglais, « gone with the wind » désigne une réalité qui a disparu, en l’occurrence le Sud des Etats-Unis tel qu’il était avant la Guerre de Sécession.
L’expression « autant an emporte le vent » a un autre sens. Elle « se dit de promesses, de propos qui restent sans effet » (Grand Larousse de la langue française). Les promesses de Macron (ou de Le Pen ou d’Hidalgo) ? Autant en emporte le vent ! Cette expression a été remplacée de nos jours par « Les promesses n’engagent que ceux qui les croient ».
Le titre reste excellent, car la notion de vent est conservée, et l’on trouve certainement dans le livre des promesses non tenues, par exemple les vœux que Rhett Butler a prononcés lors de son mariage avec Scarlet.
Gone With the Wind - toute ma jeunesse, j'ai dévoré ce livre quand j'ai dû avoir 13 ou 14 ans, et j'avoue que j'aurais du mal à le lire en français, mais "Tomorrow is another day..." et on ne peut prédire l'avenir !
Rédigé par : Jacquie Bridonneau | 16/06/2020 à 00:27
Je ne sais pas si c'est le livre "Gone with the wind" qui a instauré cette expression, mais j'ai souvent entendu les mots "demain est un autre jour" et ils sont clairs pour moi. Ils veulent dire que les soucis du jour qui tire à sa fin peuvent être laissés de côté dans le renouvellement perpétuel de l'existence. L'ancienne traduction de cette fin est nettement plus lamentable à mon avis.
Rédigé par : Elsa Wack | 16/06/2020 à 01:28
Tomorrow, I'll think of some way to get him back. After all, tomorrow is another day."
1. « En somme, à un jour près. » : on se demande comment le traducteur a pu arriver à un tel non-sens !
2. « Après tout, demain est un autre jour. » : traduction littérale qui n’implique pas du tout ce que dit l'angalis .
“ tomorrow is another day” : said to mean that, although you have just had a bad experience, you are confident or hopeful that your life will be much better in the future
>> “ Il y a/aura toujours un meilleur lendemain / un lendemain meilleur / des lendemains meilleurs »
Rédigé par : jean-paul | 16/06/2020 à 02:03
Dans la vie courante, on dira simplement :"ça ira mieux demain."
Rédigé par : jean-paul | 16/06/2020 à 02:05
On trouve également couramment "un demain meilleur" "demain sera meilleur"
Plus lyrique : "demain chantera" tout aussi utopique que "les lendemains qui chantent"... l'expérience confirmant l'inverse, à savoir "déchantent" :-)
Autres exemples de très bons titres "Ainsi va toute chair" (The Way of All Flesh) "Les hauts de hurlevent" (Wuthering Heights). Il y a aussi de mauvais titres... Ajoutons que les titres sont souvent le fait des éditeurs et non des traducteurs. Un exemple entre mille : pour le beau titre du Goncourt 2013 « Au revoir là-haut » , l’éditeur anglais à choisi « The Great Swindle » « La grande arnaque » ou comment raconter un roman en trois mots ... !!
Rédigé par : jean-paul | 16/06/2020 à 23:45