Le texte qui suit reprend en grande partie un article paru dans le Los Angeles Times le 29 septembre 2020. IL est traduit par notre fidèle collaboratrice, Isabelle Pouliot. Isabelle est membre de la NCTA et ancienne résidente de la région de San Francisco. Elle est traductrice agréée de l'anglais vers le français de l'Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ). http://traduction.desim.ca
Le vote des Latino-Américains est crucial pour la présidence des États Unis. En espagnol, les campagnes de Trump et Biden passent à l'attaque.
Dans les publicités en espagnol ciblant les électeurs latino-américains, le président Trump joue sur la peur et Joe Biden attaque le bilan de Trump.
La campagne Trump met en garde contre le « socialisme » à saveur latino-américaine et sur le fait que la police ne répond pas aux appels du 911 et dépeint Biden comme un leader qui manque de poigne. Les publicités du candidat démocrate écorchent la gestion de Trump de la pandémie, laquelle touche de manière disproportionnée les personnes de couleur, et met l'accent sur le fait que Biden est celui qui a un plan et que le président malmène les immigrants et les réfugiés.
Les deux campagnes dépensent des millions dans des publicités en espagnol dans des États cruciaux comme l'Arizona et la Floride, où le taux de participation des électeurs latino-américains pourrait faire pencher la balance. Pour le seul mois de septembre, les deux campagnes ont dépensé des centaines de milliers de dollars dans des publicités télévisées en espagnol en Floride, un État dont Trump a besoin pour gagner.
Jusqu'à présent, la campagne Biden a produit plus de publicités uniques que celle de Trump et près de deux fois plus de publicités dans les médias en espagnol. La campagne de Biden a dépensé environ 6,7 millions de dollars pour des publicités télévisées en espagnol, comparativement à 4,9 millions de dollars entre juin et la mi-septembre pour le camp de Trump.
La campagne de Biden surpasse aussi celle de Trump pour les dépenses de publicités à la radio, environ 885 000 $ comparativement à 32 500 $.
Dans certains cas, les campagnes utilisent des techniques et des contextes semblables, mais relaient des messages extrêmement différents. À Phoenix, les deux camps ont diffusé à la télé des publicités mettant en vedette des propriétaires de restaurants américano-mexicains.
Dans une publicité pour Biden, la cheffe Silvana Salcido Esparza explique que la pandémie touche durement son restaurant et que l'administration Trump a échoué à aider les entreprises comme la sienne, et a plutôt aidé les riches.
« La pandemia, totalmente, mató mi negocio » dit Mme Salcido Esparza. « La pandémie a complètement tué mon entreprise. C'est évident que le président Trump n'écoute pas les experts. Il n'écoute pas la science. »
Dans une publicité pour Trump, Jorge et Betty Rivas, assis dans la salle à manger de leur restaurant, répètent le message qui dénigre Joe Biden.
« Joe Biden no es un gran lider », dit Jorge Rivas. « Il n'a pas l'énergie ou la capacité d'être ce grand leader dont le pays a besoin », poursuit M. rivas en espagnol.
Les deux campagnes investissent aussi massivement dans des publicités numériques sur Facebook et Instagram, dont la plus grande partie cible les électeurs de la Floride.
Selon des données publiées par Facebook, du 1er janvier au 21 septembre, l'équipe de Biden a dépensé 160 000 $ pour environ 300 publicités numériques en espagnol.
Pour la même période, l'équipe de Trump a dépensé environ 116 000 $ pour 690 publicités, selon une analyse du LA Times.
La campagne de Biden en ligne est semblable à sa campagne publicitaire télévisée et rappelle aux électeurs latino-américains de Floride l'inexistence d'une stratégie nationale de lutte contre la COVID-19 par Trump, laquelle a fait plus de 205 000 morts aux États-Unis. [1]
Les publicités numériques pour Trump dans cet État visent en grande partie à vendre de la marchandise « Latinos for Trump ». Les publicités qui mentionnent des enjeux sont surtout axées sur la religion, la position anti-avortement de Trump et sur des attaques contre les démocrates.
Facebook dit ne pas fournir de données sur les groupes démographiques ciblés, mais une analyse de la Ad Library faite par le LA Times révèle que les publicités en espagnol de Trump sont vues plus souvent par les hommes et celles de Biden, par les femmes.
Après l'anglais, l'espagnol est la langue la plus parlée aux États-Unis, et puisque selon des prévisions, les Latino-Américains constituent le plus grand bloc d'électeurs de couleur cette année, les deux campagnes savent que pour remporter la victoire, il leur faut un pourcentage de cet électorat.
« Les candidats n'essaient pas d'obtenir 100 % du vote des latinos parce que... il y a tellement de diversité », explique Bryan Kirschen, professeur adjoint de linguistique espagnole à l'Université Binghamton de New York.
Selon M. Kirshen, la langue est l'un des éléments unificateurs entre Mexicains, Vénézuéliens, Cubains, Colombiens et d'autres, mais pour faire passer un message à chaque communauté, il faut comprendre quelles sont ses nuances.
Il a remarqué que les publicités en espagnol de Trump ciblent les Latino-Américains dont le pays d'origine a été dirigé par des politiciens communistes ou socialistes.
Dans une publicité du Parti républicain, on aperçoit un Joe Biden souriant aux côtés du président vénézuélien Nicolas Maduro, un socialiste dont le pays traverse une crise humanitaire. Cette image remonte à 2015, alors que les deux hommes participaient à une cérémonie d'assermentation au Brésil. En janvier cette année, Biden a critiqué Maduro et l'a traité de dictateur et a condamné la « prise violente » de la législature vénézuélienne par son gouvernement.
La publicité tente de dresser un parallèle entre les deux hommes, tout en insérant de courtes images de la représentante progressiste du parti démocrate Alexandria Ocasio Cortez (N.Y.), du sénateur indépendant du Vermont, Bernie Sanders, suivies du révolutionnaire communiste Che Guevara.
« Extremistas », déclare la publicité. La campagne a dépensé plus de 223 000 $ pour diffuser la publicité plus de 1000 fois dans les marchés publicitaires télévisuels de Miami, d'Orlando et de Tampa, selon les données trouvées par Ad Analytics.
Une publicité numérique utilise la même image, accompagnée d'un extrait sonore de Biden disant qu'il serait l'un des présidents les plus progressistes de l'histoire des États-Unis, suivis d'extraits d'Hugo Chavez, de Fidel Castro et Gustavo Petro parlant de progressistes ou « progresistas ».
« progresistas = socialista », conclut la publicité.
« L'objectif est de susciter de la peur », explique Bryan Kirschen. « On voit que les langues sont utilisées pour diviser le pays de nombreuses manières et ce n'est rien de nouveau. »
Selon Geraldo L. Cadava, auteur de l'ouvrage The Hispanic Republican, Trump a besoin de faire voter le 30 % de l'électorat latino-américain qui s'identifie au parti républicain.
Les publicités de Trump font une affirmation mensongère à propos de Biden voulant « définancer la police », ce qui pourrait être un message efficace pour ces Latino-Américains.
« Il y a une longue tradition de républicains hispaniques qui se voient comme des citoyens respectueux des lois, patriotes et qui sont reconnaissants envers les États-Unis pour toutes les possibilités qui leur ont été offertes », affirme M. Cadava.
Le directeur du Center for the Humanities in an Urban Environment de l'Université internationale de Floride, Phillip Carter, explique :
« Les démocrates accusés d'êtres des socialistes doivent expliquer en espagnol, surtout dans le sud de la Floride, comment le spectre politique de la droite vers la gauche est différent du spectre de la droite vers la gauche existant en Amérique latine. » M. Carter est aussi professeur adjoint d'anglais et de linguistique et a étudié l'utilisation de l'espagnol en matière de politique présidentielle.
« D'une certaine manière, c'est une stratégie victimisante de dire à quelqu'un qui a fui un régime dictatorial ou un état déchu que ce qui est arrivé dans son pays va se reproduire ici. »
Selon M. Carter, la campagne Trump risque de s'aliéner certains Latino-Américains simplement par l'utilisation de publicités en espagnol. Les politiques de Trump ont ciblé les immigrants latinos et son mur à la frontière est « du bonbon » pour les anglophones monolingues qui réagissent négativement lorsqu'ils entendent parler espagnol, dit-il. Après tout, c'est Trump qui a déclaré en 2015 que les États-Unis sont « un pays où on parle anglais, pas espagnol », fait-il remarquer.
« Il y a beaucoup d'électeurs qui regardent ces publicités en espagnol et qui disent, "C'est totalement condescendant, c'est une astuce purement politique », dit M. Carter.
Jusqu'à présent, la campagne Biden a produit une seule publicité dressant un parallèle entre Trump et des dictateurs d'Amérique latine. La publicité de 30 secondes intitulée « Cacerolazo » fait référence à ce type de protestation politique durant laquelle les gens frappent sur des casseroles.
En arrière-plan sonore, on entend le bruit de casseroles qu'on frappe, d'abord lentement, alors que des images apparaissent et disparaissent rapidement de patients atteints de la COVID-19, de manifestations, de manifestants et de journalistes violentés par des policiers. Trump commence à parler, ses paroles s'inscrivant en sous-titres en espagnol, alors que le bruit des casseroles augmente : « Quand quelqu'un est le président des États-Unis, l'autorité est totale. »
Des noms apparaissent et disparaissent rapidement de l'écran : « Fidel ... Chavez ... Maduro ... Trump ... Caudillos de le misma tela. » « Des dirigeants taillés dans la même étoffe. »
[1] 225 000 cas mis à jour à la fin d'octobre
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Lecture supplémentaire :
The Fight to Win Latino Voters for the G.O.P.
The New York Times
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