L'article qui suit est basé sur une recherche publiée par la Bibliothèque nationale de Médecin des États-Unis sur son site PubMed Central, intitulée "The use of aspirated consonants during speech may increase the transmission of COVID-19." Le 8 septembre la revue Forbes a récapitulé cette recherche dans un article intitulé "Why Speaking English May Spread More Coronavirus Then Some Other Languages". Notre contributrice Françoise Le Meur a bien voulu traduire l'article de Forbes.
Les particules de coronavirus se dispersent par de minuscules gouttelettes de liquide (aérosols) flottant dans l'air.
De nouvelles recherches révèlent que les anglophones projettent plus de gouttelettes dans l'air lorsqu'ils parlent, ce qui pourrait les rendre plus susceptibles de propager la COVID-19. Comme le nouveau coronavirus se diffuse par gouttelettes, la quantité de postillons émis par une langue pourrait influer sur les différents stades de la maladie. Tout dépend de ce qu'on appelle « les consonnes aspirées », soit les sons que nous produisons et qui projettent davantage de gouttelettes de salive dans l'air.
À l'université, tout le monde savait quels professeurs postillonnaient le plus lorsqu'ils assuraient des cours. Les premiers rangs de leurs classes étaient toujours vides après la première journée de cours, parce que les meilleurs élèves qui s'y asseyaient avaient été aspergés par la salive du professeur. Lorsqu'un cours était particulièrement ennuyeux, les étudiants pouvaient être intéressés par la façon dont la lumière du soleil captait les gouttelettes de salive, suspendues en l'air autour du professeur.
Se souvenir des enseignants qui avaient une forte voix est une chose. Cependant nous savons maintenant que le simple fait de parler anglais pourrait signifier que nous postillonnons sur tous les gens autour de nous.
Le coronavirus se propage par des particules d'aérosol
Nous savons tous que la toux ou les éternuements propagent des germes, et c'est ainsi que nous attrapons des rhumes et la grippe chaque année. Cette propagation se produit parce que la toux ou l'éternuement propulse à grande vitesse des gouttelettes pleines de virus provenant de notre nez et de notre gorge dans l'air qui nous entoure. C'est pourquoi on nous disait de tousser dans notre coude et de nous laver les mains fréquemment avant le début de la Covid-19.
Nous savons que tousser et éternuer propagent des germes, mais beaucoup d'entre nous ne réalisent pas encore que parler également.
Puis, l'avènement de la pandémie de coronavirus a conduit aux conclusions de recherches selon lesquelles non seulement la toux et les éternuements, mais aussi le simple fait de parler, propulsent des virus en aérosol dans l'air. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles il est recommandé à tout le monde de porter un masque et de se tenir à une distance de deux mètres des autres personnes. Il semble désormais que toutes les conversations ne génèrent pas la même quantité de gouttelettes dans l'air. Cela pourrait plutôt dépendre de la langue utilisée par le locuteur.
Des observations faites en Chine ont révélé l'un des premiers indices d'une possible différence dans la manière dont les virus se propagent en fonction de la langue utilisée. Il est remarquable que cela ne se soit pas produit pendant la pandémie de Covid-19, mais pendant la première épidémie de SRAS avec le CoV-1 dans le sud de la Chine. Ce virus a causé plus de 8 000 cas, enregistrés dans 26 pays.
Il y avait, à ce moment-là, beaucoup plus de touristes japonais que de touristes américains en Chine du Sud, pourtant les Américains représentaient 70 cas de SRAS-CoV-1 et le Japon n'avait aucun cas. Comment est-ce possible ?
À l'époque, une des explications données par les scientifiques concernait le langage. Comme le personnel des magasins chinois était généralement multilingue, il s'adressait habituellement aux acheteurs américains en anglais, tandis qu'il s'adressait aux touristes japonais en japonais. Cela a son importance car l'anglais est riche en consonnes aspirées alors que le japonais en a très peu.
Les consonnes aspirées projettent des postillons dans l'air.
Alors que le japonais compte peu de consonnes aspirées, ce qui permet aux locuteurs de produire peu de postillons lorsqu'ils parlent, l'anglais en compte trois. Plus précisément, les consonnes [p] [t] et [k] sont aspirées en anglais. La production de ces sons projette dans l'air une multitude de minuscules gouttelettes provenant des voies respiratoires du locuteur, créant ainsi un nuage de postillons. Si cette personne est porteuse d'un virus, l'air est alors rempli de particules virales.
Selon un linguiste de l'Université RUDN (Université de l'amitié des peuples de Russie), le nombre de cas de COVID-19 dans un pays pourrait être lié à l'existence de consonnes aspirées dans sa principale langue de communication. Ces données peuvent aider à créer des modèles plus précis pour caractériser la propagation de la COVID-19.
Jusqu'à ce jour la perspective d'un locuteur postillonnant pouvait être rebutante, mais nous n'avons jamais considéré que cela puisse nous mettre en danger de contracter une infection mortelle.
La COVID-19 a changé tout cela, c'est pourquoi les chercheurs de l'université RUDN ont étudié si les personnes parlant des langues avec des consonnes aspirées ont un taux plus élevé d'infection par le nouveau coronavirus.
L'étude a examiné les données de 26 pays comptant plus de 1000 cas de Covid-19 au 23 mars 2020. C'est une période pertinente, car elle se situe avant que le port du masque ne soit généralisé. Les pays ont été regroupés selon que les langues majoritairement parlées contenaient ou non des consonnes aspirées. Les données comprenaient un grand nombre de langues, dont l'anglais.
Il y a eu en effet plus de cas d'infection par des coronavirus dans les pays qui parlaient des langues avec des consonnes aspirées. Ces pays ont enregistré 255 cas de Covid-19 pour 1 million de résidents, tandis que les pays où les langues avaient peu de consonnes aspirées avaient 206 cas de Covid-19 pour 1 million de résidents. Techniquement, ces chiffres ne sont pas significatifs d'un point de vue statistique, mais l'observation est néanmoins intéressante.
L'étude a mentionné des limites expérimentales, telles que l'établissement d'hypothèses sur l'origine linguistique des locuteurs (ce qui pourrait avoir un effet sur la quantité de consonnes aspirées). L'instauration de mesures de distanciation sociale à des rythmes différents pourrait également avoir eu un impact sur ces constatations. Les auteurs se réfèrent à leur étude en tant qu'hypothèse, mais une hypothèse forte et appellent à des études plus approfondies.
Lecture supplémentaire :
How COVID-19 is changing the English language -
FAST COMPANY, September 25, 2020
Coronaspeak - les blogues et la presse commentent les mots à la mode (suite)
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