e n t r e t i e n e x c l u s i f
|
|
L'intervieweuse - (d'origine américaine - |
L'interviewé - (d'origine française - |
JB : Est-ce que tu peux me parler un peu de ton parcours ?
HC : Je suis né à Châteauroux, une petite ville dans le centre de la France où j’ai vécu jusqu’à mes 18 ans. Après le lycée, je suis allé en prépa école de commerce à Orléans, pendant deux ans. Ensuite, j’ai été accepté à l’ESCP, une école de commerce à Paris. J’y ai fait mon master, et j’ai aussi étudié à Londres pendant un an dans le campus local de l’ESCP. [1] Après avoir été diplômé, j’ai commencé ma carrière dans une agence de pub parisienne.
JB : C’était complètement par hasard que tu as commencé à travailler comme prof de français à Varsovie, en Pologne. Est-ce que tu voulais aller en Pologne en particulier, ou ça aussi, ça s’est fait complètement par hasard ? Tu peux nous dire comment tu en es arrivé à cette décision ?
HC : Après avoir travaillé dans la publicité pendant quelques mois, je me suis rendu compte que ce n’était pas pour moi. Je voulais faire quelque chose de plus créatif, avec moins de pression, et je trouvais qu’il était difficile de gérer les demandes incessantes (et parfois ridicules) de nos clients !
Pour la faire courte, j’ai démissionné et déménagé à Varsovie avec mon meilleur ami, qui est originaire de Pologne. Notre plan était d’y organiser des soirées électro, ce qu’on faisait déjà pour le plaisir à Paris.
Malheureusement, notre premier événement a été un échec cuisant ! Personne n’est venu et on a perdu tout l’argent qu’on avait investi. Mais je n’ai pas voulu rentrer en France tout de suite. J’avais déjà commencé à tomber sous le charme de Varsovie.
J’ai donc décidé d’offrir mes services en marketing à certaines entreprises, dont l’Institut français. La directrice m’a répondu qu’ils n’avaient pas besoin d’aide pour le marketing, mais qu’ils cherchaient un prof pour un cours de conversation. J’ai eu un entretien et deux jours plus tard, je faisais ma première leçon.
JB : Tu sais bien sûr qu’en France, les enfants ont des cours d’anglais dès l’école primaire, puis jusqu’à leurs études. Pourtant ils sont souvent incapables de communiquer correctement en anglais, ou en tout cas ils hésitent beaucoup à le faire. Tu crois que le système éducatif français ne fait pas son travail sur ce plan, c’est-à-dire qu’il n’y a pas vraiment de «retour sur investissement» ?
HC : C’est facile de blâmer notre système éducatif, mais je pense que c’est aussi un problème culturel.
En général, les Français ont un seuil de tolérance très bas concernant les erreurs, et notre système éducatif est un reflet de cette culture. L’école est un endroit pour apprendre les bonnes réponses, pas pour expérimenter. Alors, pendant les cours de langue, les élèves préfèrent ne pas parler parce qu’ils ont peur du ridicule. Et ils conservent cette attitude plus tard, à l’âge adulte.
Mais c’est impossible d’apprendre une langue sans faire un million d’erreurs !
Un autre problème est qu’on ne valorise pas vraiment les langues étrangères. Je me souviens qu’au collège et au lycée, on ne prenait pas les cours de langues au sérieux. Les maths, l’histoire, le français, la physique… Ces matières-là étaient considérées comme « importantes ». Si on avait une mauvaise note en anglais ou en espagnol, ce n’était pas bien grave.
Mais aujourd’hui, je pense que les jeunes Français ont plus envie d’apprendre et de communiquer en anglais. Avec Netflix, etc., les occasions d’être en contact avec la langue se multiplient. Quand il n’y avait que la télé, les films étaient doublés plutôt que sous-titrés.
Dans les pays scandinaves, la plupart des adolescents parlent anglais couramment parce qu’il y a un effort conscient du gouvernement pour donner plus de place à la langue.
JB : Pourquoi tes élèves apprennent-ils le français ? J’imagine qu’ils viennent du monde entier, pas seulement de Pologne. J’ai vu sur ton site le témoignage d’une dame qui venait d’Australie. Ils ont des objectifs précis ou ils aiment simplement les sonorités de la langue et le mode de vie français ?
HC : A l’Institut français, je n’avais que des étudiants polonais, et 90 % d’entre eux apprenaient le français par plaisir (pour pouvoir chanter des chansons, comprendre des films, des choses comme ça). C’était vraiment surprenant pour moi parce qu’en France, les adultes prennent des cours d’anglais seulement pour des raisons « pratiques » (la carrière, un déménagement à l’étranger, etc.).
Maintenant avec InnerFrench, j’ai des élèves du monde entier. Beaucoup d’entre eux sont des retraités qui aiment la France, ou qui prévoient d’aller en France. Donc c’est plutôt parce qu’ils ont envie de pouvoir communiquer en français, pas par obligation.
JB : Est-ce que tu parles bien le polonais, et as-tu pris des cours dans une école pour l’apprendre ?
HC : Ça fait maintenant six ans que je vis en Pologne, donc je comprends beaucoup de choses, comme les informations ou les podcasts. Je peux aussi suivre une conversation mais je ne parle pas aussi couramment le polonais que l’anglais.
Je n’ai jamais pris de cours formels dans une école mais j’ai pris des cours particuliers avec un tuteur sur Italki pour me forcer à parler et être à l’aise avec le fait de faire des erreurs dès le début.
C’est dommage parce qu’en fait, ma copine est polonaise, mais quand on s’est rencontrés, je ne parlais pas polonais et elle ne parlait pas français, alors on communiquait en anglais. Et du coup, c’est toujours le cas aujourd’hui. On a essayé de passer au polonais plusieurs fois, mais j’avais l’impression que c’était une corvée. Donc j’ai abandonné, en tout cas pour le moment.
JB : Comment as-tu décidé de créer InnerFrench et en quoi ton entreprise et ses méthodes d’enseignement diffèrent des autres méthodes ? Tu peux nous en dire plus sur ton inspiration : la théorie de Stephen Krashen sur l’acquisition d’une deuxième langue.
HC : Eh bien, j’ai tellement aimé mon premier cours à l’Institut français que j’ai décidé de devenir un « vrai » prof. J’ai commencé à lire tout ce que je pouvais trouver sur l’apprentissage et l’enseignement des langues.
À cette époque, j’apprenais le polonais et je suis tombé sur le podcast « Real Polish ». Piotr, l’animateur, parlait de sujets intéressants à un rythme plus lent et en utilisant un vocabulaire simplifié. Au début, je ne comprenais pas grand-chose, mais j’ai continué à écouter et au bout de quelques semaines, je me suis rendu compte que ma compréhension s’était radicalement améliorée ! Ça a été une révélation.
Dans un de ses épisodes, Piotr a parlé de la théorie de Stephen Krashen sur l’acquisition d’une deuxième langue, et c’est là que j’ai compris cette approche dans son ensemble.
J’ai commencé à chercher un podcast similaire en français pour mes élèves mais je n’en ai pas trouvé. Alors, j’ai décidé d’en créer un moi-même ! Ça a été le début d’InnerFrench. Deux ans plus tard, j’ai créé mon premier cours pour des étudiants de niveau intermédiaire (« Build a Strong Core ») et ensuite une chaîne YouTube.
C’est devenu impossible de gérer InnerFrench tout en enseignant à l’Institut français donc au bout d’un moment, j’ai décidé d’arrêter mes cours là-bas.
JB : J’ai regardé quelques-unes des tes vidéos YouTube. Comment tu décides des sujets dont tu vas parler ?
HC :Au début, je parlais des choses qui m’intéressaient, comme la philosophie, la technologie, la psychologie, l’apprentissage des langues, etc. Maintenant, c’est plus facile, puisque les gens m’envoient des suggestions par e-mail, avec les sujets qui les intéressent comme les différences culturelles, les différentes régions et les accents en France. Je crois que j’ai assez de sujets pour les cinq prochaines années !
JB : En tant que professionnel des langues, quels conseils peux-tu donner à quelqu’un qui veut apprendre une deuxième (ou troisième) langue, en particulier à l’âge adulte ?
HC : Je commencerais en disant de ne pas trop se concentrer sur la grammaire. Elle a sa place, mais elle ne devrait pas être la priorité. Essayez de chercher des contenus simples à comprendre – des histoires courtes avec un vocabulaire simplifié, par exemple Duolingo a un bon podcast pour les débutants.
Ensuite, le plus important est de former une habitude : en pratiquant chaque jour, même si c’est seulement 10 minutes. La langue doit devenir une partie intégrante de votre vie quotidienne, ça ne doit pas être une chose que vous « faites » seulement une fois par semaine.
Vous verrez que plus vous vous améliorerez et plus vous serez capables de comprendre des contenus avancés, plus vous voudrez passer du temps avec la langue.
Enfin, et c’est important, vous devriez chercher un professeur particulier ou au moins un partenaire de conversation. C’est essentiel de vous mettre en condition en commençant à utiliser la langue. Il y a des centaines de sites web et d’applications pour ça, mais je recommande en particulier Italki et conversationexchange.com. Beaucoup de personnes sont bloquées à la maison en ce moment, donc c’est le bon moment pour trouver un partenaire de conversation !
------------------
[1] Note du blog : ESCP Business School (anciennement École Supérieure de Commerce de Paris (aussi surnommée Sup de Co Paris) puis ESCP-EAP, puis ESCP Europe) est une grande école de commerce consulaire. Fondée en 1819, ESCP Business School est détenue par la chambre de commerce et d'industrie de Paris depuis 1868. De fait de son ancienneté, l'ESCP est également souvent considérée comme la doyenne mondiale des écoles de commerce.
* Voici une courte autobiographie de Jacquie :
Jonathan m'a demandé d'interviewer Hugo Cotton - une expérience enrichissante et j'ai rencontré virtuellement une belle personne !
Je suis traductrice technique du français vers l'anglais depuis 2005, et pendant les deux dernières années j'ai élargi mes prestations vers des livres fiction, également une opportunité pour moi de rencontrer des auteurs intéressants et doués.
La traduction cependant n'est qu'une petite partie de mon expérience professionnelle. J'ai débuté ma carrière en tant que professeur de français à l'Université du Wisconsin - Milwaukee, mais lorsque j'ai déménagé en France, j'ai eu une surprise désagréable et inattendue - je ne pouvais plus travailler comme prof, comme je n'étais pas française, donc je ne pouvais pas être fonctionnaire dans l'Education Nationale.
J'ai commencé à travailler avec mon mari dans deux négoces familials de construction et suis restée 18 ans, et j'ai donc appris à faire la compta, etc. et plus que je ne voulais savoir sur les matériaux de construction ! Quand on a vendu nos négoces, j'ai trouvé du travail comme formatrice d'anglais technique dans des entreprises en Normandie. C'était également très varié et intéressant et c'est ce qui m'a amené vers la traduction, comme je leur traduisais également beaucoup de documents.
Mon Old English Bulldog, Cornelius, ou Coco pour les intimes (c.a.d. tous ceux qui l'ont vu plus d'une fois), m'assiste au quotidien dans mon travail.
Les commentaires récents
la biographe du poète Siegfried Sassoon :
The green, green grass of home