Le mot anglais « nitty-gritty » est, en linguistique anglaise, un exemple de rhyming reduplication (redoublement rimé), à l’instar de namby-pamby, hanky-panky, wee-wee, okey-dokey, boogie-woogie ou ship-shape.
L’Oxford English Dictionary (OED) définit nitty-gritty comme suit : « The fundamentals, realities or basic facts of a situation or subject. The heart of the matter. » (Les éléments fondamentaux, les réalités ou les faits essentiels d’une situation ou d’une question. Le vif du sujet.)
Fin 2020, un auditeur de la BBC s’est plaint parce que Laura Kuenssberg, journaliste politique primée, avait utilisé ce terme. Selon lui, ce dernier est raciste, fondé sur la traite des esclaves. Les producteurs de l’émission ont rejeté sa plainte. Cependant, cet auditeur a persisté et sa réclamation est remontée jusqu’aux responsables du service des réclamations, qui ont soutenu la décision des producteurs et ont donc écarté l’objection.
On peut lire dans The Phrase Finder, un site Web réputé, ce qui suit : [https://www.phrases.org.uk/meanings/nitty-gritty.html]
« … il a été affirmé que « nitty-gritty » est un terme péjoratif qui renvoie à la traite des esclaves pratiquée par les Anglais au XVIIIe siècle. […] Il désignerait des débris sans importance qui restaient dans le fond de la cale d’un navire une fois que les esclaves avaient été débarqués, et ce sens aurait été étendu aux esclaves eux-mêmes.
Rien ne permet de dire que « nitty-gritty » ait un lien avec les navires utilisés pour le transport d’esclaves. Ce mot a probablement été forgé par des Afro-Américains, mais il s’agit là du seul lien avec l’esclavage. Il n’est attesté dans des textes imprimés qu’à partir des années 1930, longtemps après la disparition des navires de transport d’esclaves, et près de cent ans après l’abolition de l’esclavage.
Il a aussi été affirmé que « nitty-gritty » désigne des poux (aussi appelés « nits ») ou du maïs moulu (aussi appelé « grits »), mais ici encore ces hypothèses ne reposent sur aucune preuve solide.
Cependant, The Scotsman, dans son édition du 26 janvier 2021, prend une position différente :
« De nombreuses publications font état d’un manque de preuve d’utilisation de ce mot pendant la période de l’esclavage pour écarter tout lien avec la traite des esclaves, mais il n’est pas difficile de voir qu’il désignait autrefois des débris se trouvant dans un navire transportant des esclaves.
Le mot « nit » désigne la lente d’un pou, insecte qui pullulait dans les mauvaises conditions dans lesquelles les esclaves étaient transportés.
Et, aux Etats-Unis, « grits » désigne une céréale grossièrement moulue, ce qui devait être une nourriture bon marché tout juste capable de sustenter des esclaves pendant leur longue traversée de l’Atlantique.
Des lentes de poux et des céréales moulues se trouvaient presque certainement dans le fond de la cale d’un navire de transport d’esclaves.
The Scotsman poursuit :
« Nitty-gritty » n’est pas le seul mot apparemment anodin d’origine raciste ou sexiste.
La prochaine fois que vous qualifiez quelqu’un d’ « uppity » (présomptueux), [1] vous utiliseriez un terme à connotation raciste : pendant la période de ségrégation, des sudistes racistes auraient employé ce mot pour désigner des Noirs « qui n’acceptaient pas leur condition socioéconomique inférieure », selon The Atlantic.
L’expression « rule of thumb » (qui signifie littéralement « règle du pouce », mais désigne en fait une « règle empirique ») proviendrait d’une ancienne loi anglaise qui autorisait un homme à battre sa femme à l’aide d’un bâton à condition que ce dernier ne soit pas plus épais que son pouce.
Il est même soutenu que l’expression « hip hip hooray » (hip hip hip hourra) a un relent antisémite. On pense que les Allemands lançaient l’interjection « hep hep » (qui sert à rassembler le bétail dans leur langue) lorsqu’ils faisaient sortir de force des juifs de leurs habitations lors de manifestations au XIXe siècle.
[1] Le substantif one-upmanship (ou upmanship), en revanche, décrit l'acte d'une personne qui fait de la surenchère sur les autres. (Voir : " Manship, suffixe anglais à tout faire").
Jonathan Goldberg.
Traduction (anglais>français) : René Meertens
Votre blogueur fidèle est traducteur et interprète assermenté auprès du Judicial Council of California (hébreu/anglais, français/anglais). Il a vécu sur quatre continents et a passé un an à Paris, où il a obtenu un diplôme en Civilisation française de la Sorbonne - un cas de opsimathie, vu le fait qu'il n'a jamais appris le français à l'école ni pendant ces années d'études précédentes en droit. Il a été membre du Barreau d'Afrique du Sud et du Barreau d'Israël. Il a traduit en anglais RÉVOLUTION d'Emmanuel Macron. Il ne faut pas le confondre avec un autre Jonathan encore plus ancien - la tortue (âgée de 188 ans) en confinement sur l'île de Sainte Hélène (comme Napoléon autrefois). [*] Les deux (Jonathan & Jonathan, non Jonathan & Napoléon) se sont rencontrés lors d'une visite de l'île effectuée par votre blogueur. Voir le reportage : https://bit.ly/2KS6Wxe
Lecture supplémentaire :
Liverpool’s Slave Trade Legacy
History Today, March 3, 2020
Nitty Gritty,
Je ne trouve pas que ‘le lien entre Nitty-Gritty et la traite des noirs est convaincant’.
1) ‘Nitty-gritty’ est très répandu pour indiquer ‘l’essentiel d’un projet’. Le contraire total de ce qui est ‘sans valeur’.
2) Les lentes de poux sont minuscules et je ne crois pas pour un instant qu’on les remarquerait dans une mare d’excrément humaine et tous les autres choses qui sont tombés dans la cale ! La Merde serait un mot qui conviendrait mieux.
L’Article dans The Scotsman affirme beaucoup, mais il n’offre rien comme évidence. C’est quelqu’un qui cherchait des poux !
Murrough MacDonnell
Rédigé par : Murrough Armstrong-MacDonnell | 13/06/2022 à 07:50
Merci bien, Murrough. Selon la conclusion des responsables de la BBC, qui ont écarté l’objection, vous avez tout à fait raison.
Nous accueillons vos commentaires sur tout autre article paru sur ce blog.
Jonathan G.
Rédigé par : Jonathan Goldberg | 13/06/2022 à 08:09