Depuis sa retraite de l'ONU en 2007, James Nolan travaille au renforcement de la communication internationale par l’écriture, la formation et les conférences. Il a maintenant le plaisir d'annoncer la publication de son deuxième livre sur la communication multilingue, Essays on Conference Interpreting, partant d'une vision humaniste du numérique dans notre avenir, tel qu'envisagé par Nikola Tesla, offrant une perspective sur le multilinguisme comme un prisme qui élargit les perspectives de l'humanité plutôt que de restreindre artificiellement leur champ d'action.
Ce livre condense les leçons importantes apprises à des moments clés au cours d'une carrière de 30 ans en tant qu'interprète de conférence intergouvernemental et formateur, cherchant à définir ce qui constitue une bonne interprétation et comment développer les compétences et les capacités qui y sont propices, ainsi que favoriser des pratiques et des technologies qui aident à maintenir des normes professionnelles élevées. Il souligne l'importance de l'anglais comme lingua franca mondiale et comme langue relais utilisée dans les événements et les institutions multilingues. Le livre replace l'interprétation dans son contexte historique en tant que discipline séculaire et discute de l'effet de la technologie moderne sur la traduction et l'interprétation, identifiant les domaines où elle est la plus utile (médias de communication électronique, radiodiffusion) tout en soulignant que l'éducation et la formation professionnelles des linguistes sont plus importants que le recours à des raccourcis technologiques. C'est une ressource précieuse pour tous ceux qui travaillent ou se forment à l'interprétation et aux formes connexes de communication interculturelle.
François Grosjean, bien connu pour ses travaux sur le bilinguisme et le biculturalisme, vient de sortir un nouvel ouvrage, Life as a Bilingual: Knowing and Using Two or More Languages chez Cambridge University Press. Entre 2010 et 2020, il a tenu un blog à succès chez Psychology Today qui a reçu pas moins de 2,2 millions de lecteurs. Le livre reprend la grande majorité des billets, organisés par thèmes, et ce dans quinze chapitres différents.
Les quatre premiers chapitres constituent la base du livre: description du bilinguisme, étendue du phénomène, utilisation de deux ou plusieurs langues, et le bilinguisme à travers les différentes étapes de la vie. Suivent des chapitres sur le devenir bilingue, le bilinguisme dans la famille, le bilinguisme chez les enfants ayant des besoins particuliers, et l'acquisition d'une langue seconde. Deux chapitres traitent du biculturalisme et de la personnalité, ainsi que des émotions chez les personnes bilingues. Viennent ensuite les aspects cognitifs et neuropsychologiques du bilinguisme ainsi que l'aphasie bilingue. Suit un chapitre sur les bilingues exceptionnels qui se distinguent par des attributs qui leur sont propres: traducteurs et interprètes, enseignants de langue seconde, polyglottes, écrivains bilingues, etc. Le livre se termine avec quelques souvenirs personnels de l'auteur telle que la discussion avec Noam Chomsky sur ce qu'est le bilinguisme.
Le livre présente également 23 interviews de spécialistes reconnus mondialement et qui évoquent, avec l'auteur, leurs domaines de recherche ou d'activités. Afin de faciliter la tâche des lecteurs, chaque chapitre commence par une introduction qui présente les billets. De plus, ceux-ci sont précédés d'un bref aperçu, et offrent de nombreux renvois à d'autres billets.
Né en Angleterre mais résidant en France depuis 40 ans, Anthony Bulger, est auteur, journaliste et enseignant. Il a aussi travaillé comme directeur pédagogique en Californie. Anthony a été notre linguiste du mois de septembre 2020.
Michel Rochard est diplômé de traduction et d’interprétation de liaison du FAS Germersheim de de l’Université Johannes Gutenberg de Mayence. Titulaire d’un doctorat en traductologie, il était enseignant à l’ESIT (Université Paris 3) et à la formation en Etudes Interculturelles de Langues Appliquées (EILA) de l’université de Paris-Diderot. Il a essentiellement exercé son activité de traducteur et de réviseur dans le secteur institutionnel à la Banque de France et à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Anthony Bulger : Tu es notre Linguiste du mois, mais es-tu vraiment un linguiste ?
Michel Rochard : Je ne me suis jamais considéré comme un linguiste – expert de la linguistique ou des langues. Je suis traducteur. Je pense que l’anglais linguist ne recouvre pas la même signification que le français linguiste. [1]
La traduction institutionnelle concerne les organismes publics nationaux ou internationaux, les organisations non-gouvernementales et les grandes entreprises privées soumises à des obligations de traduction (institutions financières, cabinets comptables ou juridiques, etc. ) et cabinets de traduction travaillant pour ces institutions. C’est là que l’on trouve des réviseurs professionnels.
C’est quoi traduire ?
Pour moi, face à une difficulté, le traducteur se transforme en enquêteur, à la recherche du moindre indice dans le texte, qui va suivre les pistes qui s’ouvrent à lui en faisant des hypothèses, qu’il va vérifier, jusqu’à ce qu’il ait reconstitué le message de l’auteur dans toute sa logique. C’est l’application de la théorie de l’enquête du criminologue, philosophe et pédagogue américain, John Dewey. Que fait-on quand on cherche ses lunettes ? On commence par se dire, où j’étais la dernière fois que je les ai utilisées, et on vérifie, et si ce n’est pas le bon endroit, on fait une autre hypothèse, qu’on vérifie, etc. Jusqu’à ce qu’on trouve la solution et les lunettes. C’est une enquête et elle aboutira peut-être à constater que nos lunettes… étaient sur notre nez !
C’est quoi réviser ?
Réviser, c’est reprendre l’enquête du traducteur. La révision, c’est aussi une affaire de relations humaines et un acte pédagogique.
Qu’est-ce qui peut faire capoter la relation entre traducteur et réviseur ?
MR : Si le réviseur est là pour corriger et sanctionner le traducteur, ou si le traducteur estime illégitime toute intervention du réviseur, ou encore si le réviseur n’assume pas la responsabilité d’améliorer la traduction ou si le traducteur cherche à s’adapter servilement au réviseur, le lien humain et pédagogique ne s’installera pas et le traducteur ne progressera pas ! .
Quelles sont les bonnes pratiques de la révision en milieu institutionnel ?
MR : Dans toute la mesure du possible, il faut apporter aux traducteurs internes et externes les mêmes ressources documentaires, terminologiques, contacts référents, pour qu’ils travaillent dans les mêmes conditions et que les traducteurs externes se sentent intégrés dans une grande équipe. En fin de révision, il faut assurer un retour d’information, avec le texte révisé en marques de révision et, y compris en faisant valoir les qualités de la traduction.
Le réviseur doit aussi éviter de tout mélanger dans ses commentaires. Il doit insister sur les lacunes structurelles de la traduction, notamment pour les traducteurs juniors : erreurs de sens ou de logique, surtraduction ou sous-traduction, mauvaise exploitation de la documentation ou erreurs de terminologie. Enfin, il ne s’attardera pas chez ces traducteurs sur les maladresses d’expression ou sur des erreurs mineures (cela viendra lorsque les lacunes structurelles seront surmontées).
Si une révision du même ordre revient souvent dans la traduction, il est inutile de les mentionner toutes dans le retour d’information. Il suffit d’en donner un exemple emblématique au lieu de noyer le traducteur sous les exemples. L’exception à cette dernière règle concerne les traducteurs qui n’ont pas fait leur travail sérieusement. Pour eux, la révision et le retour d’information doivent être impitoyable et aboutir à une rupture de la relation professionnelle.
Dans tous les autres cas, la révision se doit d’être bienveillante et différenciée selon la maturité professionnelle du traducteur. Pour les traducteurs internes, le retour d’information doit se faire oralement. Cela renforce la relation humaine et désacralise la révision.
L’oral est un outil pédagogique très efficace. Lorsqu’un traducteur interroge un réviseur sur un passage qu’il a du mal à comprendre, le réviseur ne doit pas lui apporter la solution « toute crue », mais demander au traducteur : « dis-moi avec tes mots ce que tu as compris ? ». Un traducteur qui a vraiment entrepris une enquête sur cette difficulté va très souvent avoir une bonne partie de la solution qu’il n’arrivait pas à formuler à l’écrit.
La méthode de révision pédagogiquement la plus efficace est ce que Jean-François Allain, ancien responsable de la traduction au Conseil de l’Europe, appelle la relecture croisée. Le traducteur lit à haute voix sa traduction tandis que le réviseur lit l’original. Avec cette méthode, le traducteur bute sur les passages qu’il a mal maîtrisé et prend conscience de sa lacune sans même attendre une réaction du réviseur. En revanche, dans les passages bien maîtrisés, le traducteur est à l’aise avec son texte, voire le déclame comme dans une pièce de théâtre.
Enfin, il peut arriver que le réviseur se trompe. Si le traducteur est convaincu d’avoir raison, il doit défendre sa traduction, sinon, il abdique de sa personnalité de traducteur.
La révision est-elle utile dans la formation initiale des traducteurs ?
Oui, la révision et les bonnes pratiques que j’ai décrites sont un excellent moyen de rompre avec le cours de langue ou de version-thème donnant lieu à la correction de copies, pour passer à un enseignement véritablement professionnel fondé sur l’apprentissage par la pratique, cher à Dewey.
Comment pourrait se dérouler un cours de traduction specialisée ?
Idéalement, je proposerai le modèle suivant, sachant qu’il est très exigeant et très chronophage pour l’enseignant qui ne doit cependant pas préparer la traduction. La parole du maître doit être rare ! D’abord, on distribue le texte sur lequel le groupe va travailler. Les étudiants lisent attentivement le texte et l’enseignant invite le groupe à parler de ce qu’ils connaissent du sujet et de ce qu’ils ont compris ou pas du texte. L’enseignant n’apporte jamais de solution de traduction et se contente de donner des indices de réflexion lorsque la discussion est bloquée. C’est une façon d’inciter le groupe à approfondir l’enquête.
A la fin du cours, l’enseignant demande à quelques volontaires de préparer chez eu la traduction d’un petit nombre de paragraphes et de lui envoyer par courriel leur travail. En début d’année, l’enseignant a fourni et expliqué une liste de codes correspondant aux différentes erreurs, lacunes ou maladresses, mais aussi aux passages réussis et bonnes idées. Et ce sont ces codes qu’il va utiliser dans son examen de ces traductions. Ces codes sont des indications montrant les passages à améliorer par l’étudiant. C’est une révision indicative.
L’étudiant retravaille sa traduction et la renvoie à l’enseignant qui procède à une révision professionnelle du travail de l’étudiant. On est ici pleinement dans le learning by doing.
Oui, mais est ce que la traduction automatique neuronale (TAN) ne va pas faire disparaître la fonction de réviseur institutionnel ?
Elle va plutôt faire évoluer son rôle. Les corpus sur lesquels s’appuient les moteurs de traduction automatique neuronale doivent être préparés avec soin, car ils servent à entraîner ces moteurs et à maximiser l’efficacité des algorithmes et de l’apprentissage profond de l’intelligence artificielle. Or, par leur expérience et leur connaissance de l’institution ou de ses composantes spécialisée, les réviseurs sont les plus à même de sélectionner les textes les plus utiles et surtout d’éviter les biais cognitifs qui sont la maladie infantile de l’intelligence artificielle. Il y a donc un rôle important en amont du processus
Et puis, il y a un rôle plus traditionnel en aval. La post-édition n’est pas une révision, mais l’étape qui permet de porter le résultat brut de la traduction automatique à un niveau acceptable. Pour les documents politiquement les plus importants et les plus chargés en implicite, le réviseur est le garant en dernier ressort, celui qui verra l’erreur de logique, le point technique mal maîtrisé, l’allusion politique, etc.
En fait, ces capacités relèvent du domaine de la communication plurilingue qui est le champ d’action des traducteurs communicants. Il s’agit d’un domaine en plein développement, qui est axé non plus sur la transmission du texte source, mais sur l’adaptation du message à un public cible. C’est une activité nécessitant une grande créativité que la traduction automatique n’a pas.
Tu fais partie de ces traducteurs qui ont une réflexion théorique, mais qui ne laissent pas la théorie s’affranchir de la pratique. Qu’est-ce que tu pourrais recommander aux futurs traducteurs ?
Chaque fois que vos traductions sont révisées et commentées, accueillez cette révision comme une chance ! Enfin, face aux mutations technologiques, spécialisez-vous, approfondissez vos connaissances, formez-vous à la post-édition et travaillez vos capacités de communication !
Merci, Michel !
[1] Note du blog :
Nous partageons l’avis de notre invité sur ce point. LEXICO.com (le dictionnaire en ligne d’Oxford University Press) donne deux définitions du mot anglais linguist :
1. A person skilled in foreign languages.
2. A person who studies linguistics.
Nous aimerions ajouter une troisième définition : A person with exceptional talent in or knowledge of the use of their own language or any language. Il s'avère qu'en français, le mot « linguiste » a uniquement le sens indiqué dans la deuxième définition de LEXICO.
C’est en fonction du premier sens indiqué ci-dessus que nous désignons notre « linguiste du mois », en prenant quelques libertés avec la langue française. Pour sa part, notre blog-soeur en anglais présente des entretiens avec des Wordsmiths. Nos lecteurs et lectrices sont invités à proposer un équivalent de Wordsmith.
Si vous vous rendez dans un restaurant aux États-Unis ou visitez les cuisines de ce pays, vous pourriez avoir des surprises, car certains mots n’ont pas la même signification des deux côtés de l’Atlantique.
Le serveur vous donnera la carte, qu’il appellera « menu ». Or, en français, un menu est une liste de plats à prix fixe.
Si vous voulez commander une entrée, n’utilisez pas ce mot, car il désigne aux États-Unis le plat principal. Vous souhaitez sans doute « an appetizer ». Mais n’hésitez pas à demander un hors-d’œuvre : vous serez compris. En France, le hors-d’œuvre est généralement servi avant l’entrée. Il en va de même aux Etats-Unis.
Les Américains connaissent aussi les canapés.
Un « crudité platter » est une assiette de crudités.
Si vous désirez un apéritif, vous pouvez utiliser ce dernier mot, même si en anglais il n’y a pas d’accent sur le « é ».
Si vous voulez des tripes, ne commandez pas ce que les Anglo-Saxons appellent « tripe », qui signifie selon Merriam-Webster « stomach tissue especially of a ruminant (such as an ox) used as food ».
Une « French dressing » n’est pas un dressing français, mais une vinaigrette.
Un martini n’est pas un vermouth mais un cocktail à base de gin et de vermouth blanc.
Si le repas vous a semblé délicieux et que souhaitez emporter les restes, demandez un « doggy bag », même si vous n’avez pas de chien.
Passons à quelques termes culinaires.
Le verbe to sauter ou to saute signifie « sauter ». Du « sautéed calf liver » est du foie de veau sauté.
Le « roast beef au jus » est un sandwich couramment servi.
L’apple pie à la mode est une part de tarte aux pommes avec une boule de glace à la vanille.
Pour terminer, mentionnons quelques mots et expressions français utilisés aux États-Unis :
Certains des mots et expressions qui précèdent m’ont été communiqués par Laurence Murphy et Anne Dobigeon. D’autres proviennent de Joy of Cooking, de Irma Rombauer, Marion Becker, Ethan Becker, John Becker et Megan Scott.
Lectures supplémentaires sur des thèmes culinaires :
Le Britannique Joe Salisbury et l’Américaine Desirae Krawczyk ont remporté la finale du double mixte du tournoi de tennis de Roland-Garros, jeudi à Paris. Salisbury est le premier Britannique à decrocher une victoire au tournoi Roland Garros depuis 39 ans. Nous rappelons la connexion franco-britannique qui existe autour de ce sport.
Histoire et étymologie
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le tennis et autres jeux de balle sans jamais savoir où le trouver livre de Gil Kressmann Artena (1 juin 2012)
Lorsque le tournoi de Roland Garros s'est achevé à Paris, à quelques jours de la finale de Wimbledon, le contexte est propice pour revenir sur l’origine du mot « tennis » et sur l’histoire de ce sport né entre la France et l’Angleterre.
En anglais, les premières traces du mot tennis étaient les formes tenets, teneys et tenes. Ces termes dérivaient probablement de « tenez », du verbe français « tenir » à la deuxième personne pluriel de l’impératif. Il s’agissait sans doute de ce que le serveur criait à son adversaire au début d’un échange. En anglais, « tenez » se traduit parfois par take heed ou take this (« prenez ça »).
Si les Égyptiens, les Grecs et les Romains jouaient probablement déjà une forme primitive de tennis, la plupart des historiens estiment que l’ancêtre de ce sport est né en France au XIIe siècle. Le jeu se pratiquait alors avec une balle que l’on se renvoyait à main nue, sans raquette, d’où son nom : le jeu de paume (également appelé courte-paume par la suite).
Ce n’est qu’au XVIe siècle que les raquettes ont fait leur apparition et que le jeu s’est pratiqué dans un espace clos. On utilisait alors une raquette en bois, avec des cordes en boyaux de mouton, ainsi que des balles en liège. Les premiers terrains étaient aussi bien différents des courts actuels. Malgré l’apparition des battes, puis des raquettes, le sport a gardé son nom de jeu de paume en France et de tennis outre-Manche.
Le jeu de paume se répand alors dans toute l’Europe, à commencer par la France et l’Angleterre, bien que le Pape et Louis IV aient essayé de l’interdire. Henri VIII d’Angleterre était quant à lui un grand amateur de ce sport que les historiens appellent real tennis (« vrai tennis »). On raconte d’ailleurs que sa seconde femme, Anne Boleyn, assistait à une partie lorsqu’elle fut arrêtée, et qu’Henri lui-même était en plein match lorsqu’on lui annonça l’exécution de son épouse.
De l’autre côté de la Manche, François Ier était un joueur passionné qui apporta beaucoup au jeu de paume, en faisant notamment construire des courts pour ses courtisans, mais aussi pour les roturiers.
L’ancêtre du tennis a également joué un rôle majeur dans la Révolution française, lorsque les députés du Tiers état signèrent le serment du Jeu de paume, dans la salle du même nom à Versailles.
Esquisse de Jacques-Louis David du Serment du jeu de paume. En 1972, David fut élu député de la Convention nationale.
Jeu de paume au XVIIème siècle
Sous le règne de la Reine Victoria, le « vrai tennis » connut un certain renouveau en Angleterre. Mais c'est la nouvelle pratique de ce sport en extérieur et sur gazon qui devint de plus en plus populaire, jusqu'à devenir le sport le plus populaire, un sport que les femmes se mirent alors également à pratiquer. Neanmoins, le jeu de paume existe toujours jusqua'aux nos jours.
Le tennis moderne - la connexion franco-britannique
Les joueurs français les plus célèbres :
Suzanne Rachel Flore Lenglen (1899–1938) remporta 31 titres entre 1914 et 1926.
Jean Robert Borotra (1898–1994) était l'un des « Quatre Mousquetaires » français qui dominèrent le tennis à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Les autres Mousquetaires étaient Jacques Brugnon (1895–1978), Henri Cochet (1901–1987) et René Lacoste (1904–1996).
Jacques Brugnon et Henri Cochet, partenaires de doubles (en haut), Jean Borotra, « le Basque bondissant » (en bas à gauche), René Lacoste (en bas à droite).
Roland Garros, aviateur français 1888-1918
Les joueurs britanniques les plus célèbres :
William "Willie" Charles Renshaw (1861–1904) est l'un des plus grands joueurs de tennis britanniques de tous les temps, et l'un des meilleurs joueurs de l'histoire du tennis. Il a remporté le tournoi de Wimbledon à douze reprises, dont six victoires consécutives.
Fred Perry est considéré comme le meilleur joueur britannique de l'histoire. Il fut trois fois vainqueur de l'US Open et de Wimbledon et remporta une fois l'Open d'Australie ainsi que Roland Garros.
William Renshaw (avec son frère jumeau, Ernest) était l'un des "pères fondateurs" du tournoi de Wimbledon
Fred Perry
Le court Suzanne Lenglen du stade Roland Garros
Le court central du stade Wimbledon
Jonathan G.
Note linguistque.
Le jeu de paume a laissé nombre d'expressions dans la langue française :
« Épater la galerie » qui se disait alors lorsqu'un joueur réussissait un beau coup qui épatait les spectateurs regroupés dans la galerie couverte en surplomb entourant en partie la salle de jeu.
« Qui va à la chasse... perd sa place » vient de la notion de chasse (forme de gagne-terrain) pratiquée en courte paume aussi bien qu'en longue paume. À la fin de cette phase de jeu, les joueurs changent de côtés de terrain et le serveur perd sa place favorable (bien que la source la plus probable de cette expression soit biblique ou religieuse).
« Les enfants de la balle » À l'origine, on nommait ainsi les enfants des paumiers (fabricants des balles), réputés pour leur pratique du jeu depuis leur plus jeune âge. Les comédiens jouant parfois leurs pièces dans les salles de paume, leurs enfants qui exerçaient le même métier furent ainsi surnommés. Cette expression a donc eu les deux sens : celui d'une personne exerçant la même profession que ses parents et celui de comédien ou, plus généralement, artiste.
« Jeu de main, jeu de vilain » vient du fait qu'à l'époque, les pauvres ne pouvaient avoir de raquette. Ils jouaient donc avec les mains, d'où l'expression.
« Prendre la balle au bond » synonyme d'opportunisme. Tient son origine de l'équivalent de la reprise de volée en tennis. Un paumiste réussissant cette figure était remarqué pour son adresse à saisir l'occasion.
« Tomber à pic » Si la balle tombe au pied du mur du fond, côté dedans, elle marque une "chasse pic". Avoir la possibilité de réaliser ce point à un moment décisif de la partie, assure un avantage non négligeable au bon moment.
« Rester sur le carreau » Le sol d'un jeu de paume était autrefois constitué de carreaux, qui donnèrent ensuite le nom au sol même du jeu. L'expression vient donc de la chute d'un joueur ou de sa défaite.
« Chassé-croisé » « Deux chasses posées, traversez !» crie le marqueur ou le commissaire.
Peloter, c'était jouer sans enjeu en attendant une partie, simplement pour le plaisir.
Tripot, salle de jeu de paume, a progressivement eu une autre acception, celle de lieu de jeu d'argent. Ainsi on lit dès 1726, chez Lesage comme définition de tripot « maison particulière dont les maîtres reçoivent des joueurs à des fins lucratives ; maison de jeu, cabaret où l'on joue ». La fréquentation et les mœurs de ces maisons clandestines ont ensuite donné à tripotle sens de lieu de débauche, d'endroit mal famé.
Bisque, avantage de quinze points qu'un joueur accorde à un autre en lui laissant la faculté de placer cet avantage à son choix dans la partie.
L’article qui suit, qui traite de deux hommes de lettres irlandais, Oscar Wilde et George Bernard Shaw, a été rédigé pour le blog par Colman O’Criodain et traduit par son épouse, Magdalena Chrusciel. Colman, natif de l’Irlande, comme ces deux auteurs, travaille aux Fonds mondial pour la nature (WWF), depuis Nairobi, en tant que manager de la politique globale des espèces sauvages. Colman a vécu en Belgique, Suisse et France. Grand fan de Wilde aussi bien que de Shaw (et de ce dernier en particulier), il consacre son temps libre à la lecture. Passionné de théâtre en général, de cinéma, de musique classique, d’histoire et de la bonne cuisine, il a écrit et publié un livre pour jeune public, The Master’s Book, sous le nom de plume Philip Coleman.
Magdalena, notre contributrice fidèle, a été notre « traductrice du mois » de mars 2013. Elle a grandi à Genève et y a fait des études qu'elle a ensuite poursuivies à l'Université de Varsovie. Revenue en Suisse et diplômée de l'E.T.I. de Genève, elle possède une palette linguistique aussi large qu'originale avec la maîtrise de quatre langues : polonais, russe, français et anglais. Elle est traductrice-jurée et mène également des activités d'enseignement et de formation professionnelle. Des contributions précedentes de Magdalena figure à https://www.le-mot-juste-en-anglais.com/magdalena-chruschiel/ et a https://www.clio-histoire.com/magdalena-chruschiel/.
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De nos jours, si vous demandiez à quelqu’un ayant des connaissances même superficielles du Nouveau Testament comment s’appelait la fille d’Hérodias et belle-fille du roi juif Hérode Antipas, dont la danse a entraîné la mort de Jean-Baptiste, on vous dira le nom de Salomé. Cependant, cela n’a pas toujours été ainsi.
L’histoire de la mort de Jean-Baptiste est relatée dans deux des quatre évangiles, celles de Matthieu et Marc. Le récit de Marc est légèrement plus long, et tous les deux récits ne sont que de courts épisodes dans des chapitres plus longs. Dans les deux cas, Hérode, ayant été captivé par la danse de sa belle-fille, jure de lui accorder tout ce qu’elle demandera. Sur quoi, après avoir consulté sa mère, la jeune fille demande la tête de Jean sur un plateau d’argent, plateau qu’elle apportera par la suite à sa mère. Toutefois, la jeune fille n’est nommée dans aucun des récits.
Salomé avec la tête de Jean-Baptiste
Jacob Cornelisz van Oostsanen 1524
Son nom n’est cité que dans une source quasiment d’époque, les Antiquités judaïques de Flavius Josèphe, écrit quelque soixante-dix ans après les faits décrits par les deux évangélistes. Sans mentionner l’épisode de la mort de Jean-Baptiste, Josèphe évoque clairement qu’Hérodias, au moment de son mariage avec Hérode II, avait déjà une fille nommée Salomé.
Salomé Hans Hassenteufel 1927
Hérodias
Par la suite, le nom de Salomé sera associé, dans l’art européen, à la mort du prophète, notamment dans un tableau de Titien. Toutefois, c’est dès le XIXe siècle que le nom s’associera dans la culture populaire au personnage du Nouveau Testament, tout d’abord avec le poème Hérodiade de Prosper Mallarmé (1864), puis l’histoire éponyme de Gustave Flaubert (1877). Dans les deux cas, à l’instar du Nouveau Testament, Salomé n’est que le jouet de sa mère ; Flaubert la dépeint comme une fille plutôt stupide qui ne se souvient même pas du nom du prophète au moment où elle réclame sa tête. Le récit de Flaubert sera par la suite adapté en opéra par Massenet, avec l’aide du librettiste Paul Milliet. L’opéra prendra toutefois des libertés avec le texte de Flaubert, notamment en étant la première version de l’histoire qui se termine par la mort de Salomé. Cette histoire a obsédé Oscar Wilde depuis ses années d’étudiant à Oxford. Lors de sa lune de miel, en 1884, il fut frappé par la description de Salomé dans deux tableaux de Moreau dans le roman de Huysmans, A rebours. Plus tard, en 1889, il sera invité à rédiger l’introduction à la traduction anglaise de la première pièce de Maurice Maeterlinck, La Princesse Maleine, qu’il tenait en grande estime. C’est sans doute pour ces deux raisons qu’il fut amené à écrire la pièce en français plutôt qu’en anglais, alors que, tout comme Maeterlinck (qui était flamand), le français n’était pas sa langue maternelle. Malheureusement, bien que très admiré, le style de Maeterlinck, se prêtait à la parodie, de sorte que lorsque Wilde fit lecture des premières ébauches de la pièce à des amis, certains ont cru à un pastiche délibéré (ce qui n’amusa pas Wilde). Pour moi, l’influence de Maeterlinck va plus loin. C’est peut-être la seule œuvre de Wilde où l’humour et une leçon de morale sont absents, qui est intensément atmosphérique, avec d’emblée un sentiment omniprésent de catastrophe imminente. A ces égards aussi, l’œuvre doit beaucoup à la vision romantique tardive de Maeterlinck.
Wilde a écrit une grande partie de la pièce à Paris en 1891, la complétant à Torquay. A Paris, il se fit conseiller sur son français par trois amis : Stuart Merrill, Adolph Retté et Pierre Louÿs. Sa version compte comme la reprise la plus audacieuse de l’histoire à l’époque, mais de nos jours, elle est probablement plus répandue que toute version antérieure, y compris celles du Nouveau Testament.
Plutôt que d’être le jouet de sa mère, Salomé est le moteur du complot – même si le résultat est conforme aux souhaits de sa mère. Obsédée érotiquement par Jokanaan (comme Wilde nomme Jean le Baptiste), lorsque ce dernier rejette catégoriquement ses avances, lui ordonnant de ne pas profaner le temple du Seigneur, elle conçoit un moyen de tromper son beau-père, qui est obsédé par elle et la supplie de danser pour lui, tout en nourrissant une peur superstitieuse de tuer le prophète. Elle accepte de le faire s’il répond à son désir, ce qu’il a l’imprudence d’accepter. Ayant exécuté la célèbre danse des sept voiles, elle réclamera la tête de Jokanaan, pour le plus grand plaisir d’Hérodias et horrifiant Hérode. Pourtant, ayant prêté serment, il n’a finalement d’autre choix que d’honorer sa promesse. Alors qu’on lui apporte la tête, Salomé se lance dans un monologue triomphant, déclarant son amour pour Jokanaan, et finit par lui baiser la bouche. La pièce se termine avec Hérode ordonnant à ses soldats de la tuer, ce qu'ils font en la massacrant sous leurs boucliers. En 1892, Wilde assiste à une fête organisée par le grand acteur britannique Henry Irving, en l'honneur de Sarah Bernhardt, alors en tournée à Londres.
Née en 1844 à Paris d'une courtisane hollandaise, Sarah s'appelait Henriette-Rosine Bernard. Sa mère étant souvent absente, elle passa ses premières années dans divers foyers à travers la France. Lorsqu’elle eut sept ans, sa mère l'inscrivit dans un internat pour jeunes filles à Auteuil, près de Paris. À 10 ans, l'un des clients de sa mère, du nom de Charles de Morny, duc de Morny (probablement son père biologique) paiera pour ses études à Grandchamp, une école conventuelle exclusive près de Versailles, où elle découvre le théâtre en jouant dans des pièces d’école. En 1859, elle assiste à sa première représentation théâtrale à la Comédie Française avec Morny et sa mère. Sarah en fut tellement fascinée que Morny utilisa son argent et son influence pour l'inscrire au Conservatoire d'art dramatique de Paris, où elle étudiera le théâtre de 1860 à 1862. Ses engagements ultérieurs à la Comédie Française et au Théâtre du Gymnase dramatique prirent fin brusquement – par la suite aussi son tempérament explosif ne restera pas sans conséquences. En 1864, elle changea de nom pour devenir Sarah Bernhardt. La même année, alors qu'elle n'avait que vingt ans, elle donna naissance à son fils, Maurice. Elle n'en informera jamais le père véritable - le prince Henri de Ligne, qu'elle avait rencontré en Belgique - prétendant à la place que le père était soit Léon Gambetta (homme politique français), Georges Boulanger (général et homme d'État) voire Victor Hugo.
1893: Illustration for Oscar Wilde’s Salomé, Aubrey Vincent Beardsley. (Photo: Corbis)
Vingt-huit ans plus tard, au moment où elle assistait à la fête donnée par Irving, elle était devenue célèbre dans le monde entier. À ce moment-là, elle aussi bien que Wilde étaient célèbres indépendamment de leurs talents artistiques, simplement par la couverture médiatique. Tous deux avaient fait une tournée aux États-Unis, tous deux créaient leurs propres vêtements, tous deux faisaient souvent objet de caricatures. Bernhardt était fière de sa réputation quelque peu scandaleuse, ayant joué à la fois des rôles masculins et féminins - beaucoup de ces derniers étant des rôles lascifs que les Parisiens respectables estimaient «ne pas pouvoir montrer à leurs filles ». Lorsqu'elle venait à des événements mondains accompagnée de son fils, elle n’hésitait pas à présenter le couple comme « Mademoiselle Sarah Bernhardt et son fils ». Avec cette réputation, il n'est pas surprenant que, lorsqu'elle demanda à Wilde d’écrire une pièce pour elle, il lui répondit que c’était chose faite, lui montrant par la suite le manuscrit de Salomé. Son âge n'était pas considéré comme un obstacle ; à peine deux ans plus tôt, elle avait épaté le public avec son portrait d’une Jeanne d'Arc âgée de dix-neuf ans.
Malheureusement, alors que les répétitions, les décors et les costumes étaient bien avancés, la production fut arrêtée par les fonctionnaires du Lord Chamberlain, sous prétexte d’une ancienne loi qui interdisait la représentation sur scène de personnages bibliques. Ce qui rendit furieuse Bernhardt, qui trouvait que Wilde aurait dû le prévoir. Il plaida (un peu maladroitement) qu'il ne s'était pas attendu à un problème comme la pièce était écrite en français. Mais, furieux lui-même, il menaça, en représailles, de renoncer à sa naturalisation française.
En quelques années, bien des choses changèrent. L’homosexualité de Wilde a entraîné sa chute. Pour avoir été qualifié de «se montrant sodomite », il entama un procès en diffamation au marquis de Queensberry, procès perdu qui donna lieu à deux autres procès pour « grossière indécence ». Dans le premier cas, le jury n'aboutit pas à un verdict, mais dans le second, Wilde sera condamné, et deux ans de prison s’ensuivirent. En 1900, alors âgé de trente-six ans, il mourut dans le grand dénuement à Paris.
Cependant, malgré des controverses occasionnelles, Salomé s’est durablement établie dans le canon théâtral, tandis que l’opéra basé sur la pièce de Richard Strauss reste extrêmement populaire (quant à l’opéra de Massenet, il est largement oublié). Il vaut peut-être la peine de mentionner que deux adaptations lyriques de l’œuvre de Maeterlinck - Pelléas et Mélisande de Debussy, et Château de Barbe Bleue de Bartok, sont également des œuvres établies dans le répertoire.
Et qu'en fut-il de Sarah Bernhardt ? Sa carrière continua grandissant et occupant la une des journaux. Malgré une amputation de jambe en 1915 et une santé déclinante en raison d'urémie, elle resta active jusqu'à soixante-dix ans. Elle joua même dans un certain nombre de films muets, dont trois sont disponibles sur DVD. Il faut tout de même convenir que, pour le public moderne, son style est extrêmement exagéré et (tout comme l’écriture de Maeterlinck), proche de la parodie.
Son public n’aurait en grande partie pas été au courant des développement qui finiraient par changer à jamais l’approche du jeu d’acteur. Certains d’entre eux auraient peut-être eu connaissance des écrits de Freud, qui sous-tendent largement la théorie derrière cette approche. Cependant, même avant sa première publication, et plus d’une décennie avant le premier film de Bernhardt, Konstantin Stanislawski avait ouvert son Théâtre d’art de Moscou, reconnaissant que le théâtre innovant de Tchekhov exigeait un nouveau style d’acteur naturaliste (une des pièces de Maeterlinck, l’Oiseau bleu, y fut également représentée). Mais ce ne sera que dans les années 1930 que sa méthode commencera à faire des disciples aux États-Unis, dont la brillante Stella Adler. C’est en 1944, lorsqu’un de ses élèves, un certain Marlon Brando, fit ses débuts à Broadway, qu’elle devint connue du grand public. De nos jours, le jeu classique et le jeu de méthode coexistent, et de nombreux acteurs recourent à tous les deux styles en fonction des besoins de la pièce. La forte emphase de la gesticulation pratiquée par Bernhardt appartient désormais essentiellement au passé.
Sarah Bernhardt tout comme Oscar Wilde sont enterrés au cimetière du Père Lachaise à Paris.
« La memoire d'Oscar Wilde est a respecter. Veuillez ne pas défigurer ce tombeau. Il est protégé au titre des monuments historiques et fut restauré en 1992.»
L'auteur tient à remercier Jonathan Goldberg et Helen Leneman pour leur aide dans la rédaction de ce bref compte-rendu.
ANNONCE À LA SUITE DE LA PARUTION DE L'ARTICLE CI-DESSUS :
i have the manuscript of a play written in French by Sarah Bernhardt, entrusted to me by a prominent New York producer / director who believes the play has merit and would like to produce it in English. Such a translation would require several months of research and writing, so the contractual arrangements would need to be agreed beforehand. Should any impresario wish to undertake this project, please let me know. James Nolan: jamespnolan@aol.com / j.nolan@aiic.net
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