L'analyse qui suit a été rédigée par notre contributeur fidèle, René Meertens, linguiste du mois de janvier 2019 et auteur du Guide anglais-français de la traduction, dont une nouvelle édition (2021) vient de paraître.
Vers la fin de chaque année, les éditeurs de plusieurs dictionnaires anglo-saxons désignent le « mot de l’année ». [1] C’est l’épidémie de covid-19 qui a fait du mot vax le mot de l’année 2021 pour Oxford Languages, éditeur de l’Oxford English Dictionary. « Le mot vax s’est injecté plus qu’aucun autre dans les veines de la langue anglaise en 2021 », indique cet éditeur dans un communiqué de presse.
Il ne s’agit pas d’un mot nouveau, puisque son apparition date des années 1980 selon le New York Times. Son utilisation dans la presse a cependant augmenté de façon exponentielle pendant l’année écoulée en raison de l’épidémie de covid-19.
Remontons un peu dans le temps. Le père de la vaccination est Edward Jenner (1749-1823). C’est le 14 mai 1796 qu’il a expérimenté le vaccin contre la variole.
Dès leur invention, les vaccins se sont heurtés à une vive opposition dans certains milieux, comme en témoigne une lettre de 1812 d’Edward Jenner :
« The Anti-Vacks are assailing me … with all the force they can muster in the newspapers » (Les anti-vaccins m’attaquent dans les journaux avec toute l’énergie dont ils sont capables.)
Le mot vaccine (vaccin) est entré dans la langue anglaise en 1799, et ses dérivés (to) vaccinate (vacciner) et vaccination (vaccination) sont apparus en 1800. Ont suivi peu de temps après vaccinator (vaccinateur), vaccinist (partisan de la vaccination), anti-vaccinist (adversaire de la vaccination), anti-vax (anti-vaccin), anti-vaccination (mouvement contre la vaccination) et unvaccinated » (non vacciné). Les mots vaccinationist (partisan de la vaccination) et anti-vaccionist (adversaire de la vaccination) datent quant à eux du milieu du XIXe siècle.
L’abréviation vax est une forme familière du mot vaccine ou vaccination, mais peut aussi être un verbe : to vax signifie « vacciner ».
Des dérivés de cette abréviation (tous familiers) se sont aussi imposés à l’attention des lexicographes. Ce sont des participes passés ou des adjectifs : vaxxed (vacciné), unvaxxed (non vacciné) et double- vaxxed (ayant reçu deux doses du vaccin). Ils sont surtout utilisés aux Etats-Unis et en Australie, mais s’observent de plus en plus dans les médias britanniques.
Ces mots se caractérisent par le doublement atypique de la lettre « x », que l’on ne retrouve pas dans le pluriel de mots tels que box ou tax.
D’autres néologismes ont été créés : vaxxie (selfie d’une personne se faisant vacciner), vaxinista » (personne qui montre qu’elle est vaccinée en sortant beaucoup et en voyageant).
Les néologismes vaccinaux ne sont limités que par l’imagination de leurs auteurs. Oxford mentionne aussi les inoculati (inoculés), sur le modèle de literati, terme latin qui désigne en anglais les personnes cultivées qui s’intéressent à la littérature. Citons encore halfcinated (ayant reçu une des deux doses requises pour une vaccination complète) et fullcinated (entièrement vacciné).
Un vaccine resister est un réfractaire au vaccin.
Une campagne de vaccination de masse à Philadelphie a été baptisée vax-a-thon. Ce néologisme s’est répandu au Canada et en Nouvelle-Zélande.
L’expression Fauci ouchie (notez la rime interne) signifie vaccination. Anthony Fauchi est un immunologue américain très médiatisé, tandis que ouchie est un dérivé de l’interjection ouch (aïe).
La crise sanitaire met en évidence d’autres mots : variant (variant), wave (vague), lockdown (confinement), working from home et home-working (télétravail).
Les pays francophones se sont montrés créatifs dans le domaine des mots de la vaccination et de la lutte contre le coronavirus. Le plus beau mot est sans doute « jauge », qui désigne le nombre de personnes qui peuvent se rassembler dans un lieu donné (restaurant, bar, centre commercial, salon de coiffure, funérarium, salle de mariage, musée, centre de fitness, salle de spectacle, etc.). Le néologisme le plus répandu est « vaccinodrome » (en anglais vaccination center), construit sur le modèle d’hippodrome (grec « dromos », champ de courses). Il désigne un vaste centre de vaccination. L’adjectif « primo-vacciné » désigne pour sa part une personne qui a reçu la première dose d’un vaccin. Si elle a reçu les deux doses requises, elle a un « schéma vaccinal complet ». La couverture vaccinale (immunization coverage) est la proportion de personnes vaccinées. On parlera aussi d’efficacité vaccinale et de défiance vaccinale.
Si vous n’allez pas vers le vaccin en vous rendant dans un vaccinodrome, le vaccin viendra à vous, dans un « vaccibus » (mobile vaccination unit en anglais).
Une vaccination complète permet normalement d’obtenir un « pass sanitaire », sésame exigé pour la participation à certaines activités ou l’accès à certains lieux.
Il est aussi question de « panachage vaccinal » (fait d’injecter des vaccins de laboratoires différents à une même personne), de « parcours vaccinal », de « schéma vaccinal complet » et d’« obligation vaccinale » (vaccine mandate), très impopulaire dans les Antilles, notamment.
I déalement, la vaccination permettrait d’atteindre l’immunité de groupe (herd immunity), qui entraîne une faible circulation du virus et, idéalement, sa disparition progressive. Elle peut être difficile à obtenir si, à la suite d’une mutation, le virus se transmet plus facilement, ce qui est le cas du fameux variant Delta. Le tout dernier variant est Omicron, découvert en Afrique australe. Initialement appelé « B.1.1.529 », Omicron a surgi dans la province de Gauten (Afrique du Sud). On craint qu’il ne contourne la protection vaccinale. On obtiendrait alors des breakthrough infections, des infections qui laissent les vaccins plus ou moins impuissants.
La majorité des vaccins doivent être injectés deux fois. Au fil du temps, leur efficacité diminue, ce qui nécessite l’injection d’une troisième (ou deuxième) dose, dite « dose de rappel » ( booster shot ).
Il n’est pas nécessaire d’injecter une dose de rappel en utilisant le vaccin initial. On peut recourir à une mix-and-match strategy (stratégie de panachage), par exemple en injectant un vaccin Pfizer à une personne qui a reçu initialement le vaccin Janssen.
Ainsi, les personnes ayant reçu un vaccin Janssen auxquelles on injecte une dose de rappel du même vaccin présentent-elles un taux d’anticorps quadruplé. En revanche, après l’injection initiale du vaccin Jansen, un rappel effectué au moyen du vaccin Pfizer multiplie le taux d’anticorps par 35 et un rappel réalisé à l’aide du vaccin Moderna multiplie ce taux par 76.
S’il ne fait pas l’unanimité, le slogan Get vaxxed ! est populaire. Même les chefs de gangs néozélandais sont d’accord, comme nous l’apprend un article du Guardian.
[1] Le choix d'autres dictionnaires :
Dictionary.com : Allyship;
Cambridge University : perseverance
Collins Dictionary: NFTs (non-fungible tokens)
-----------------
Par le meme auteur :
Vers un vaccin contre la Covid-19
Lectures supplémentaires :
Vax -- Oxford Dictionary's Word of the Year
Washington Post
Les mots anglais qui ont fait la une en 2020 - quarantine, lockdown, pandemic
Parler en anglais pourrait propager plus de coronavirus que ne le font certaines autres langues
Merci pour ces mots justes en anglais!
Rédigé par : Elsa Wack | 07/12/2021 à 23:13
Merci pour tous ces détails.
Permettez-moi d'ajouter que c’était 'vacca' qui est 'vache' en latin qui est a l'origine du mot vaccination etc. Edward Jenner a noté que les filles de laiterie étaient protégées contre la variole.
MMAM
Rédigé par : Murrough MacDonnell | 08/12/2021 à 10:02
C'est vrai, mais j'en ai déjà parlé dans un article antérieur (https://www.le-mot-juste-en-anglais.com/2020/11/my-entry.html) et je ne souhait pas me répéter.
Rédigé par : René Meertens | 09/12/2021 à 02:47