Nous sommes heureux d'accueillir notre nouvelle contributrice, Nathalie Généreux. Nathalie, qui a bien voulu traduire l'article suivant, paru recemment en anglais dans le journal New York Times, est traductrice agréée de l'anglais vers le français et de l’espagnol vers le français de l'Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ). Elle travaille à son compte depuis plus de vingt ans. Passionnée de littérature et de langues étrangères, cette mère de deux enfants et grand-mère depuis peu partage son temps entre sa résidence de Laval et sa Mauricie d’adoption, où elle aime faire de longues marches dans la nature.
Pourquoi autant de parties du corps de la femme rendent-elles hommage à des scientifiques de sexe masculin?
« Pudendum » n’est pas le seul terme douteux qui désigne une partie du bassin féminin. Examinons un tableau anatomique de la région pelvienne de la femme : on y retrouve un éventail de noms inconnus, par exemple le canal d’Alcock, le cul-de-sac de Douglas, les glandes de Bartholin et les trompes de Fallope. Ces parties du corps sont toutes nommées d’après les personnes qui les auraient « découvertes ». Elles représentent les vestiges d’une époque où le corps féminin était considéré comme une terra incognita, un lieu que les grands esprits de la médecine pouvaient explorer, sonder et conquérir.
Mais il semble que ces termes sont en voie de disparition dans le domaine médical. Sur le plan scientifique, les anatomistes ne voient pas d’un bon œil le fait de désigner des parties du corps d’après des personnes pour de nombreuses raisons. Ces termes sont inutiles et donnent peu d’information sur leur fonction. Ils portent également à confusion : différents noms désignent une même partie du corps (par exemple, les corps d’Arantius sont également connus sous le nom de nodules de Morgagni), tandis que d’autres désignent plusieurs parties du corps (Gabriele Falloppio assume la « paternité » de trompes, d’un canal, d’un muscle et d’une valvule, ainsi que d’une plante de la famille du sarrasin). Enfin, ils donnent la fâcheuse et désagréable impression que la médecine (et le bassin féminin) est encore un univers réservé aux hommes.
L’utilisation du nom d’une personne pour désigner une partie du corps a été officiellement interdite en médecine en 1895. Mais de manière officieuse, ces termes se retrouvent encore partout. Un décompte récent a permis de recenser au moins 700 parties du corps humain, la plupart ayant été nommées d’après des hommes (l’une des rares femmes dont on mentionne le nom dans les tableaux anatomiques est Raissa Nitabuch, une pathologiste russe du XIXe siècle qui a donné son nom à une membrane du placenta mature appelée la couche Nitabuch). Ces noms persistent parce qu’ils sont mémorisables, reconnaissables et familiers, du moins pour les cliniciens. Voici quelques-unes des parties les plus connues du bassin féminin et comment on peut les appeler sans leur donner un nom masculin.
Trompes de Fallope
Nom officiel : Trompes utérines
Gabriele Falloppio (1523-1562), prêtre catholique et anatomiste, a découvert que des structures fines en forme de trompette reliaient l’utérus aux ovaires. À l’époque, les scientifiques ne savaient pas si les femmes produisaient des ovules ou du « sperme féminin ».
Follicule de De Graaf
Nom officiel : Follicule ovarien
Reinier De Graaf (1641-1673), un médecin néerlandais, a été le premier à observer les œufs de mammifères — enfin presque. Ce qu’il a vu en réalité, ce sont les protubérances noueuses sur les ovaires maintenant connues sous le nom de follicules et qui contiennent l’ovule, des fluides et d’autres cellules.
Glandes de Bartholin
Nom officiel : Grandes glandes vestibulaires
Caspar Bartholin le Jeune (1655-1738), un anatomiste danois, a été le premier à décrire deux glandes situées de chaque côté de l’ouverture vaginale qui sont reliées à deux sacs de la taille d’un pois qui produisent un fluide lubrifiant.
Cul-de-sac de Douglas
Nom officiel : Cul-de-sac recto-utérin
James Douglas (1655-1738), obstétricien écossais et médecin de la reine Caroline, a l’étrange honneur de voir son nom attribué à un pli de chair s’étendant de l’arrière de l’utérus au rectum.
Glandes de Skene
Nom officiel : Glande périurétrales
« Je ne connais pas leur physiologie », a déclaré Alexander J. C. Skene (1837-1900), un gynécologue écossais d’origine américaine, à propos de deux glandes flanquant l’urètre féminin dont il a fait la description. Celles-ci sécrètent un liquide laiteux qui lubrifie l’urètre et peut contribuer à prévenir les infections urinaires.
Point G ou point de Gräfenberg
Nom officiel : clitoris interne (possiblement)
En 1950, Ernst Gräfenberg (1881-1957), un gynécologue allemand, mentionnait l’existence d’une zone particulièrement sensible située à peu près à mi-hauteur du vagin (sur la face ventrale) et la considérait comme « l’une des principales zones érogènes, peut-être plus importante que le clitoris ». De nombreux scientifiques pensent qu’il décrivait simplement la racine du clitoris, là où les tissus érectiles se rejoignent autour de l’urètre.
Muscles de Kegel
Nom officiel : Muscles du plancher pelvien
La « trampoline » de muscles en forme de bol qui tapisse le bassin osseux et soutient la vessie, le rectum et l’utérus doit son nom à Arnold Kegel (1894-1972), un gynécologue américain qui recommandait de faire travailler ces muscles après l’accouchement, essentiels pour la miction, l’orgasme et la rétention des gaz.
Lectures supplémentaires:
Taking the ‘Shame Part’ Out of Female Anatomy
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