En 2017 FRANCE CULTURE a diffusé une série de quatre émissions sur « L'histoire du village » dont le deuxieme et le troisieme épisodes ont été consacrés au «mysterieux kibboutz de Pardailhain : Reportage dans le village abandonné de Pardailhan près de Béziers où un groupe de parisiens vit en communauté sur le modèle des Kibboutz israéliens. Institut national de l’audiovisuel 1961. »
Le programme a proposé un documentaire sur une expérience originale qui eut lieu au début des années 60 dans un bourg situé à cinquante kilomètres de Béziers, à Pardailhan. Là, un jeune Parisien qui avait vécu deux ans en kibboutz en Israël convainc un certain nombre de famille de le suivre dans une expérience communautaire qui intéressera les médias de l’époque et durera trois ans.
M'étant installé dans ce village un an après sa fondation, j’ai trouvé particulièrement intéressant ce programme audio (ainsi qu’une vidéo sauvegardée dans les archives de l’INA, qui est accessible sur YouTube, et dans laquelle j’ai pu reconnaître certains participants avec qui j’ai passé du temps dans le village).
J’ai essayé de joindre les producteuses du programme, Séverine Liatard et Séverine Cassar, mais sans succès.
Ce qui suit est mon reportage personnel du village de Pardailhan :
A l’âge de 23 ans, à la fin de mes études de droit en Afrique du Sud, qulequ'un ma montré un article dans Paris-Match sur le kibboutz. Je me suis fais inviter par cette communauté de gens qui avaient quitté Paris pour s’emparer d’un village démuni du Midi et je me suis joint à ces pionniers robustes pendant quelques mois. J’y étais le seul étranger et le seul juif. Le but de mon séjour était de m’immerger dans la langue française (que je n’avais jamais apprise à l’école ou à l’université) et de parvenir à une maitrise minime qui me permettrait d’étudier à la Sorbonne et d’obtenir un diplôme en Civilisation française.
Les conditions de ce village abandonné étaient très rudes. J’avais passé quelques mois auparavant dans un kibboutz en Israël à cueillir des bananes, mais par comparaison avec les conditions de vie à Pardailhan, le kibboutz israélien (habité d’ailleurs par des juifs originaires d’Alsace-Lorraine) était comme un hôtel de luxe. A Pardailhan j’ai passé de longues journées dans les champs à arracher des pommes de terre. La nuit, j’étudiais les conjugaisons françaises à la chandelle.
Votre bloggeur fidèle comme ouvrier agricole
(celui portant un pull de couleur foncée)
-à une époque où les blogs n'existaient pas
Il n’y avait pas d’électricité, donc dans mon temps libre je coupais des arbres et jetais les bûches dans le feu pour réchauffer la nourriture – souvent une soupe de pommes de terre (premier plat) suivie par de simples pommes de terre (second et dernier plat). Aucun risque de prendre du poids.
J’ai acquis un français parlé très familier en cassant la croute avec mes camarades. Le langage judiciaire et le latin que j’avais acquis à l’université me semblaient un rêve appartenant à un passé lointain. J’ai été exposé à une première influence de la culture française, par exemple en écoutant les Compagnons de la Chanson, George Brassens et d’autres chanteurs dont les disques 78 tours se trouvaient dans une « boite de nuit » improvisée, où les membres qui survivaient aux journées éprouvantes de travail estival sous le soleil du Midi se rassemblaient le soir.
Pendant mon séjour à Pardailhan j’ai rédigé un article sur mes expériences au sein de cette communauté ; l’article a été publié dans le quotidien Jérusalem Post et on m’en a envoyé une copie qui est arrivée par la poste quand j’étais en dehors du kibboutz. Un membre du secrétariat a ouvert l’enveloppe et a vu l’article et une photo de moi qui y figurait. La gérance du kibboutz a été persuadée que j’étais un « espion ».
On m’a poliment demandé de quitter le kibboutz. Néanmoins, je garde des souvenirs très chaleureux de cette courte période. Chaque fois que je vois mon diplôme de civilisation française*, je me sens éternellement reconnaissant envers ces braves gens qui m’ont aidé à me délier la langue, même s’il m’arrive souvent à ce jour d’assassiner la langue de Molière.
----------------------------------------
[*] Littérature française du XXVIIe siècle ; Littérature française du XVIIIe siècle ; Politique française (1er Semestre) ; Géographie de la France
Lecture supplémentaire :
Étapes dans l’apprentissage de la langue française - l'apercu d'un anglophone
J'avais déjà fait une recherche (rapide) sur le kibboutz de Pardailhan il y a environ deux ans je pense, mais je n'avais pas vu le document de l'INA. Je connais ce village depuis tout petit, pour avoir habité un peu plus bas, à Saint Jean, et c'est toujours surprenant d'avoir ce genre d'histoire à découvrir. M'en rappelant aujourd'hui, je découvre votre blog et cet article que vous avez publié il y a juste un mois.
Je m'apprête à écouter le document de France Inter pour avoir le complément d'information.
Merci pour le partage.
Yves
Rédigé par : Yves | 06/06/2022 à 09:22