Nous accueillons notre nouvelle contributrice avec grand plaisir.
Christine Pagnoulle a enseigné les littératures de langue anglaise et la traduction à l’Université de Liège
(Belgique) ; elle est membre-fondatrice du CIRTI (Centre interdisciplinaire de recherches en traduction et interprétation) et de la collection Truchements aux Presses universitaires de Liège.
Elle est traductrice militante pour des associations altermondialistes et traductrice littéraire, avec une prédilection pour les poèmes. À côté d’articles et de recueils de textes, elle a publié des traductions de poèmes dans des magazines et des anthologies ainsi que quelques volumes : la séquence posthume de David Jones Le Livre de l’ânesse de Balaam (2003), un recueil de poèmes de Michael Curtis, Marcher sur l’eau (2008), le poème narratif de Kamau Brathwaite, RêvHaïti (2013), l’épopée de six mois dans les tranchées de décembre 2015 à juillet 2016, de David Jones, Entre parenthèses (2019), (avec Valérie Bada) la pièce d’August Wilson Gem of the Ocean (2020), le roman de l’auteur trinidadien Lawrence Scott Balai de sorcière (2020), le roman-scénario Goyaves coupées d’un autre auteur des Caraïbes, Robert Antoni (le roman du même auteur As Flies to Whatless Boys, littéralement ‘Comme des mouches pour timouns bébés’, paraîtra en 2023), les mémoires poétiques de Stephanos Stephanides, Le vent sous mes lèvres, un recueil de Desmond Graham, La Bourse et la Vie, trois longs poèmes pour la paix, La Mère des Batailles, de Michael Hulse, Babel Nouvelle de Leonard Schwartz et Arche de Kamau Brathwaite (sur le site Wallonica.org). Ses tiroirs numériques sont pleins de traductions en quête d’éditeurs : une anthologie de poètes autochtones canadiens écrivant en anglais, des fragments de David Jones, des recueils de Kamau Brathwaite, Gordon Meade, Kate Armstrong,…
Christine Pagnoulle et sa collègue et co-traductrice Valérie Bada ont gentiment consenti à nous accorder un entretien au fils des prochains mois.
Un texte de ces deux amies et collègues que nous avons trouvé passionnant (mais qui exige une lecture assidue, vu son niveau d’érudition), est Traduire Gem of the Ocean d’August Wilson : démarche politique et limites de la traduction ? . L’article constitue un chapitre du livre Langues et rapports de force. Les enjeux politiques de la traduction (Presses Universitaires de Liège, 2021).
Avant de nous plonger dans ce texte, nous avons demandé à Christine Pagnoulle de nous expliquer en quelques mots en quoi consiste la difficulté principale lors de la traduction de l’œuvre de grand auteur dramatique africain-américain qu’est August Wilson. Voici son explication :
« L’obstacle quasi insurmontable à la traduction d’œuvres d’August Wilson, comme de beaucoup d'auteurs africains-américains, c’est l’utilisation du vernaculaire noir américain, un ethnolecte plutôt qu’un sociolecte [1] puisqu’il est moins lié à une appartenance sociale qu’à une condition raciale. L’étiquette de sociolecte peut cependant être revendiquée dans la mesure où cette langue à part entière s’est forgée dans l’esclavage. Dans certaines pièces de Wilson, situées plus tard au XXe siècle quand l’utilisation de ces formes connotées sera un geste délibéré de certains personnages, la traduction se devra de marquer l’écart, et pourquoi pas en recourant au français des cités, comme suggéré par une participante au cycle ‘Traduire les voix minoritaires’. »
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Ici, cela nous aurait paru déplacé. En effet tous les personnages noirs, qu’ils soient aisés ou sans le sou, cupides ou généreux, utilisent la même langue, souvent empreinte d’une belle résonance poétique. C’est donc avant tout ce rythme, et cette chaleur que nous avons tenté de rendre dans le texte français, qui doit encore être mis à l’épreuve des planches – et donc chamboulé de fond en comble. »
Voici le texte du chapitre rédigé par les professeures Pagnoulle et Bada.
Traduire Gem of the Ocean d’August Wilson
[1] NDLR : ethnolecte : variante d’une langue propre à un groupe ethnique ; sociolecte : variante d’une langue propre à un groupe social.
Lecture supplémentaire :
Black Enough? African American Writers and the Vernacular Tradition
University of Portland, 2015
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