L’article qui suit est inspire par un article paru dans le hebdomadaire américain, Newsweek. Il est rédigé par René Meertens, notre contributeur fidèle et auteur du Guide anglais-français de la traduction. René a été notre linguiste du mois de janvier 2019.
Ceci fait partie d’une série de textes que nous consacrons à l’actuelle invasion de l’Ukraine par la Russie (ainsi qu’à l’occupation de la Crimée en 2014). Les médias publient de nombreuses analyses politiques et historiques sur ces questions, mais celles-ci ne portent guère, voire pas du tout, sur les aspects linguistiques de la crise internationale actuelle provoquée par la Russie.
La Lettonie, pays qui faisait autrefois partie de l’Union soviétique et est aujourd’hui limitrophe de la Russie, pourrait prochainement limiter l’usage de la langue russe dans les lieux de travail, ce qui serait peut-être un coup dur pour Vladimir Poutine, selon le vice-Premier ministre de la Lettonie, Janis Bordans.
Ce dernier, qui est aussi le ministre de la Justice de son pays, a indiqué au site Delfi News que son ministère préparait une loi relative à la limitation du bilinguisme. Il a affirmé que « les conséquences à long terme de la russification sont telles que le recours parallèle au letton et au russe dans les communications quotidiennes, dans les bureaux et sur les autres lieux de travail était bien établi. »
Du fait de la législation en cours d’élaboration, la Lettonie pourrait s’éloigner encore davantage de la Russie et de son propre passé de république de l’URSS, dont l’éclatement a eu pour conséquence que plus de 25 millions de personnes de souche russe vivent en dehors de leur pays, selon le Wilson Center, qui a son siège à Washington. Cette prise de distance pourrait représenter un revers pour Poutine car, selon des informations diffusées par BelTA, l’agence de presse du Bélarus, Poutine et un important allié, le président du Bélarus Alexander Lukashenko, souhaitent placer la relation entre leurs deux pays à un niveau de coopération renforcée, grâce à une initiative qui rappelait l’URSS, et veulent inciter d’autres pays issus de l’ex-URSS à faire de même.
La loi portant restriction du bilinguisme réduirait la présence du russe dans les activités publiques en Lettonie. Bordans a déclaré à Delfi que « la société doit savoir qu’il convient d’utiliser le letton dans les relations d’affaires et la communication sur le lieu de travail. »
« Cette loi pourrait exclure le russe dans les conversations téléphoniques et les messages utilisé dans les communications bancaires, et avoir des effets sur l’attribution d’emplois requérant la connaissance du russe ou privilégiant les candidats russophones », a-t-il aussi déclaré.
« Il est nécessaire d’interdire l’utilisation d’une langue qui n’est pas une langue de l’Union européenne, en plus de la langue de l’État considéré lors de la vente de marchandises ou la prestation de services. Il se peut que le russe soit aussi exclu des communications téléphoniques et bancaires », a ajouté Bordans.
Ce n’est pas la première fois que la Lettonie a abordé le statut du russe dans la société. En février 2012, lors d’un référendum national, 75 % des Lettons ont voté contre l’adoption du russe comme seconde langue nationale, a indiqué la BBC.
Malgré cette forte opposition, des restrictions portant sur le russe pourraient avoir des effets sur une grande partie de la population. Environ 25 % de la population russe parlent principalement le russe, a indiqué Politico.
La Lettonie, qui, contrairement à la Russie, est membre de l’Union européenne et de l’OTAN, a vivement critiqué l’invasion de l’Ukraine voulue par Poutine.
Le président de la Lettonie Egils Levits a condamné fermement la guerre que mène la Russie et n’a cessé de soutenir pleinement l’Ukraine.
Samedi, Levits a indiqué sur Twitter que la Lettonie avait cessé de délivrer des visas à des citoyens russes après l’invasion de l’Ukraine par la Russie et a affirmé qu’il « n’était pas politiquement ni moralement justifiable » que d’autres pays européens continuent de le faire.
Plusieurs jours avant que Bordans ne parle à Delfi d’éventuelles restrictions concernant le russe, le parlement letton, appelé « Saeima », a adopté une déclaration aux termes de laquelle les violences que la Russie aurait infligées à des civils ukrainiens constituaient des actes de terrorisme et faisaient de la Russie un État soutenant le terrorisme.
La Saeima a également demandé aux autres pays de l’Union européenne de cesser immédiatement de délivrer des visas touristiques et autres à des citoyens de la Russie et du Bélarus.
Lecture supplémentaire :
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